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mercredi 19 septembre 2018

Passeport Pyrénéen #2


Les vacances du pyrénéiste en herbe continuent. La destination finale étant les Asturies, nous continuons notre chemin vers l’ouest en jouant à un jeu bien connu des Pyrénéens : Saute vallée.
Si le chemin le plus direct à pied est sans aucun doute la HRP (Haute Route Pyrénéenne), les nationales font quelques détours ! Cols à passer, vallées à remonter, il n’est pas rare de passer plus de temps à rouler qu’à grimper. Soyez, tout de même, rassurés, le temps de marche finit toujours par l’emporter !
 Après avoir joué les acrobates au Cirque de Gavarnie, nous étions prêts pour un petit cours d’histoire combiné à une bonne leçon d’escalade ! Déjà bluffés, l’été dernier, par l’ingéniosité de la cordée Rabada-Navarro en parcourant leurs chef-d’œuvres au Fire et au Galinero, je me disais que mon voyageur serait à nouveau impressionné s’il faisait connaissance avec leurs homologues français. Deux artistes qui, avec audace et discrétion, ont sillonné les Pyrénées en y dessinant des lignes majeures : les frères Ravier.
 
Parmi les immanquables à ne pas rater pour un grimpeur dans les Pyrénées, un sommet mythique : l’Ossau.
Un monstre de pierre qui semble avoir, tout simplement, été créé pour l’escalade. Muraille, pointes, faces, piliers, arêtes, couloirs, fissures, toits, vires, versants ensoleillés ou plus austères, joli caillou (et parfois lichen), des centaines de mètres d’escalade, pas mal de pitons et quelques coins de bois… Tout y est ! (Tout sauf des spits, et ça c’est tout aussi mythique que la grimpe à l’Ossau !)
 
 
Une sacrée montagne, un bel os à ronger et un formidable terrain de jeu pour Jean et Pierre Ravier qui y inventeront le pyrénéisme moderne. Entre 1953 et 1967, ils ouvriront les itinéraires les plus beaux mais aussi parmi les plus difficiles de l’Ossau et des Pyrénées. Ces bijoux sont nombreux : Sud Est Classique, Sud Est directe, Pilier Sud, Eperon Est de la Pointe Jean Santé, Eperon Nord du Petit Pic… Que choisir ?!
En bon petit touriste, il suffit d’ouvrir un bon topo guide pour trouver une idée. Ici comme ailleurs, celui-ci s’intitule : Les cents  plus belles courses et randonnées.
 
 
Paf ! Dernière page ! La 100ème ! (Les mauvais élèves prennent les livres à l’envers !)
 En général, dans les bouquins de cette célèbre édition Denoël, le 100ème itinéraire se rapproche davantage de la belle course d’alpinisme que de la belle randonnée. Il suffit de lire la présentation que Patrice De Bellefon fait du Pilier de l’Embarradère pour être déjà intimidés par cette muraille et craindre « une tension nerveuse et l’attention permanente que demande les 18 ou 20h d’escalade effective d’une voie cotée ED soutenue et exposé » ! Oulala…

Mais qui a bien eu l’idée d’aller, en 1965, traîner ses grosses chaussures, d’aller planter des pitons et passer des heures dans des relais sur étriers dans ce pilier ? P et J Ravier et P Bouchet pardi !

Après une bonne petite marche de facteur à la frontale depuis le Col du Pourtalet et après avoir fait un demi-tour de cette grosse montagne, nous découvrons la face Nord, sa raideur et son lichen orangé caractéristique.
 
 
 
 
Les premières longueurs se déroulent sans encombre. Pourtant même si nous avons des baudriers confortables, de belles cordes dynamiques, de petits chaussons serrés et de super friends (Merci Totem Cams !), cela ne nous empêche pas de trouver que ces V grimpent sacrément et que la qualité du caillou laisse parfois à désirer !
 
 
 
 
 
Plus nous montons, plus cela se redresse et plus le gaz sous nos fesses grandit… Dans le surplomb/cheminée aux fissures parallèles, on prend plaisir à grimper en libre et à coincer nos mains dans les fissures. En ces temps de canicule, on apprécie la fraîcheur de la face Nord.
 
La suite est tout aussi classe. Dans ces beaux dièdres verticaux, les mains dans les fissures et les pieds qui patinent un peu, je ne peux m’empêcher de penser à Serge qui dans les années 80, réalisa cette voie en solo lors de son enchaînement à la journée des voies les plus dures de l’Ossau : le Pilier Sud, la Sud Est Directe et l’Embarradère. Brrrrr …
 
 
 
 
  
Au dernier tiers de la voie, après avoir rencontré la petite vire où les premiers ascensionnistes bivouaquèrent, les choses se corsent un peu. Nous entrons dans la zone de l’éboulement et le caillou, certes neuf, ne fait pas toujours rêver. A pas de chat, pour ne pas déranger les blocs qui dorment, je finis par rejoindre le supposé emplacement de la grosse écaille qui s’est détachée il y a quelques années.
 
De là, une échelle de pitons est censée me guider le long d’un dièdre jusqu’au relais suivant où une zone de rocher plus franc nous attend. Je comprends que les choses se compliquent carrément quand je constate que les pitons du passage en A1 ont tout simplement disparu. Ici, c’est juste trop dur pour grimper en libre et trop difficile d’artifer sans pitons et sans marteau.
 
Les friends sont bien trop gros pour entrer dans la minuscule fissure et notre corde est bien trop « simple » pour descendre confortablement les quelques centaines de mètres, verticaux ou déversant, que nous devons de grimper. Quant au relais et aux pitons, eux aussi, nous laissent un peu songeurs pour une échappée par le bas : l’ « Escaper © » restera donc au fond du sac !
 
Après un petit tour à droite, c’est finalement à gauche que se trouve la solution. Il me va donc falloir traverser la zone éboulée. Marchant, tout à la fois, sur des œufs sur d’énormes blocs en suspensions et mettant en même temps, tous mes œufs dans le même panier, posant pieds, mains et friends sur le même gros caillou branlant.
Le plus dur reste de trouver comment faire un relais pendu dans ce chaos instable.
1, 2, 3, 4, 5 et 6 friends, il me faut quasiment un jeu complet pour commencer à le trouver presque correct ! … Et croyez moi, ce n’était pas un jeu d’enfant !
 
  
Une grosse fissure surplombante et obliquant à droite nous permet de rejoindre la fin de la longueur originale puis un relais Ô combien plus agréable. Une grande longueur me permet de rejoindre une arête intermédiaire à proximité de la Fourche.
 

Cette fois, on y est : Col de la Fourche-escalade facile-Grand Pic-sommet-voie normale-désescalade-marche-Refuge de Pombie-gâteau au café… Miam !! Merci Léon !
 Nous arrivons au col et au parking pile à l’heure pour le spectacle : ce soir, l’ombre de la terre a rendez-vous avec la lune. Nous sommes ponctuels, tout comme le brouillard qui, lui aussi, a décidé de venir passer devant la lune. Dommage…
 
On s’éclipse à notre tour sous la couette !

 

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