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Mettez un couple sur un tandem, il paraît qu'ils finiront tôt ou tard par se chamailler mais si vous choisissez de donner un vélo à chacun, la même chose pourrait bien finir par arriver !
On entend souvent dire que loin du confort d'une maison et que sortis de la routine rassurante, la relation de couple peut être mise à rude épreuve. En voyage, c'est assez radical : "ça passe ou ça casse" dit-on...
Alors c'est vrai, si souvent ça peut "passer" vraiment crème, parfois ça peut "casser" un peu les bonbons d'être 24/24h et 365 jours sur 365 ensembles.
Lorsqu'on a plus de 100 kilomètres dans les pattes, qu'on a mal partout (et surtout aux fesses !) ou encore quand on attaque la dixième journée s'en s'être lavé après un énième bivouac sur des matelas tout percés, lorsque l'on est rôti par un soleil trop fort ou atomisé par une chaleur accablante, lorsqu'il n'y a une fois de plus que trois pistaches en guise de repas du soir ou encore lorsque la route du col ressemble davantage à un chemin de vtt qu'à une route asphaltée, et que tout cela n'est évidemment la faute ni de l'un, ni de l'autre alors le moindre grain de sable dans un engrenage pourtant bien rodé peut produire une étincelle qui enflamme illico les deux voyageurs fatigués !
Comme une goutte d'eau faisant déborder un vase déjà plein à craquer comme une sacoche de cycliste : Imaginez quand l'un des deux (toujours le même) pète sur l'autre sous la tente, que l'une est contrariée d'avoir raté son 7b et que l'autre n'en a rien à cirer, que l'une veut visiter un musée quand l’autre veut bouquiner, quand l'une veut grimper quand l'autre veut rouler, quand l'un veut faire encore 30 kilomètres de plus et que l'autre est déjà complètement raplapla, quand l'une veut faire des photos et l'autre des vidéos, quand les deux en ont ras le bol (de riz) de manger toujours la même chose, quand il n'y a rien à bouffer du tout et qu'ils se couchent une fois de plus le ventre vide. Quand l'un voudrait installer la tente en bord de route et que l'autre rêvait d'un spot de bivouac idyllique, quand l'un est mollasson et l'autre en pleine forme,
quand les deux sont crevés, affamés, desséchés, crados, dégueux, poisseux, quand la poussière se glisse partout, que le sable leur pique les yeux, que les cailloux bloquent leurs roues, quand le GPS les prend pour des randonneurs à pieds ou quand il n'y a plus de GPS du tout, quand la pluie les trempe comme des serpillières ou que 40 ou 50 degrés leur chauffent les neurones... Forcément, parfois ça gonfle un peu !
Et imaginez des pneus déjà bien gonflés et la pression qui grimpe encore d'un cran... Ben oui, bien vu, ça éclate !
Il y a des jours comme ça où l'un sort de la tente du pied gauche, où la journée démarre sur trois roues au lieu de quatre et où ça ne tourne pas tellement rond du matin au soir ou disons plutôt que l’on tourne en rond toute la journée !
La 326 ème journée de l'année fait partie de celle-ci :
L'un dort comme un patapouf, la deuxième se réveille mal luné, le troisième met mille ans à boire son café, la quatrième veut aller grimper, le cinquième prend tout son temps pour déjeuner alors qu'il n'y a rien à manger et la sixième dit que bientôt la falaise ne sera plus à l'ombre, le septième lui répond de se détendre un peu, la huitième monte dans les tours, le neuvième ne comprend pas... bref ça ressemble à peu près à ça, sauf que nous ne sommes que deux !
Comment dire... disons qu'aujourd'hui nos atomes crochus se boudent et que l'ambiance est quelque peu électrique entre nous !
Tensions variées au fil de la journée et on frôle le court-circuit à plusieurs reprises.
La journée se déroule tant bien que mal entre coups de tonnerre et éclairs de colère. Râleries et grogneries...
Quelques étincelles le matin suivi une accalmie l'après-midi alors que chacun vaque à ses occupations fait redescendre la trop haute tension.
Il fait nuit noire lorsque nous nous décidons à reprendre la route. Nous ravalons notre rancœur et allumons nos loupiotes.
"On voit mieux les éclairs lorsqu'il fait sombre" La suite donnera raison à cette formule.
470 km à parcourir en 4 jours, il va falloir prendre des forces et les unir si on veut attraper cet avion qui n'attendra pas nos sautes d'humeur pour décoller en temps et en heure avec ou sans nous.
Avant de se mettre à la recherche d'un spot de bivouac, nous entrons dans un petit restaurant et mangeons comme des ogres. Le temps du festin, je me fais prêter une prise de courant afin de redonner un peu d'énergie au téléphone, un peu mollasson lui aussi.
Quand une heure plus tard, je vais pour débrancher le câble de la prise, je constate que la batterie n'a chargé que de 3% à peine. Le temps que l'information parvienne à mon cerveau et que je me dise que c'est un peu bizarre, je suis déjà en train de tirer sur le câble pour retirer le port USB de la prise.
En une fraction de seconde, un énorme bruit sourd retentit. Un grand flash jaune illumine la pièce en même temps que toutes les ampoules s'éteignent et qu'une étrange décharge me traverse le bras. C'est à peine si un cri de surprise a le temps de sortir de ma bouche tellement tout se passe à vitesse accélérée.
Un peu sonnée et le bras encore engourdi, je reste plantée là, dans le noir, quelques instants, mon téléphone dans une main, le câble encore fumant dans l'autre.
Des bruits de pas, des voix de femmes puis la lueur d'une lampe torche qui s'approche me sortent de ma torpeur. Dans le faisceau, je découvre que mon pouce gauche est complètement noir.
Puis dans la pénombre, je reconnais la voix de Bruno qui alerté par la grosse détonation pointe son nez un peu inquiet et me demande si ça va. Le pouce cramé pointé vers le ciel, je lui fais signe que tout semble être en ordre.
Après un rapide état des lieux, on se dit que je suis cuite à point et que l'on peut reprendre la route sur quelques kilomètres jusqu'à trouver où poser notre tente.
Lorsque nous quittons les lieux, les femmes ont sorti tout un tas de compresses et d'huiles pour soigner les brûlures et tout un groupe d'hommes s'affaire autour du boîtier électrique mais la lumière ne revient pas pour autant. Le câble cramé tout comme la prise toute noircie partent à la poubelle pendant que nous enfourchons nos biclous.
Une dizaine de kilomètres supplémentaires accompagnés de quelques fourmillements dans le bras, un petit mal à la nuque et une sensation étrange du côté gauche du corps, suivi d'un gros dodo où je boirai plus d'un litre d'eau dans la nuit !!
Ceux qui me connaissent savent que cela représente ma ration habituelle de liquide pour... un mois !
Cette électrisation viendra donc conclure cette journée sous hautes tensions.
Une électrocution entraîne la mort, une électrisation est le stade précédent. Elle remet simplement les pendules à l'heure et aura le mérite de m'inspirer ces mots.
Une journée à l'ambiance quelque peu électrique clôturée par un court jus, c'est finalement plutôt dans la logique des choses.
Et puis... il peut bien y avoir quelques chamailleries, ronchonneries, arc électrique et étincelles, la vrai conclusion qui me vient à l'esprit est celle-ci : Que voulez-vous, on ne choisit pas pour qui on a un coup de foudre !
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