jeudi 29 décembre 2022

Martiens ?•Escal'A2roues#48•

 

Par où commencer ?

Comment décrire l'environnement qui est le "nôtre" ces derniers jours ? Toute la difficulté ne résiderait-elle pas justement, dans le fait qu'il ne soit pas vraiment "nôtre" ?
Tellement surprenant, déroutant et aussi éreintant qu'il faudrait un minimum de répit pour pouvoir y penser, poser quelques mots sur le papier.
Mais ici, ce répit n'existe pas... L'Inde vit, elle vit jour et nuit, elle vit dans le bruit et le mouvement permanent.

On avait vraiment du mal à imaginer quelles surprises l'Inde pourraient bien nous réserver. Intrigués, un peu effrayés et à la fois curieux de nous en faire notre propre idée, découvrir ça de nos propres yeux.


Dès les premiers instants dans ce grand bain humain, on comprend rapidement qu'il faut être réveillé si on veut rester à la surface ! Pas de place pour les ramolos sous peine de couler à pic ou de se faire écrabouiller par le premier touk-touk déchaîné ou par la première charette et son buffle lancés à vive allure.




Regarder devant, derrière, sur le côté, par terre... Avoir les yeux partout ! C'est parfois même du ciel que le miracle peut arriver ! Un sac de détritus jeté d'une fenêtre ou le plus classique, un crachat qui arrive de droite ou de gauche...
Le bruit de raclement de gorge bien caractéristique le précèdant de quelques fractions de secondes à peine, est un bon indice, mais laisse bien peu de chance de se trouver un abri !
Bref, les indiens crachent beaucoup et partout, et parfois c'est sur tes pieds que le mollard atteri, tant que ce n'est pas sur ta tête... tout va bien !


Dans ce tumulte, tous les sens sont stimulés et ce n'est rien de le dire !
Ici, on en prend plein les yeux, il se passe dans la même seconde une telle multitude de choses que pour tout voir, il faudrait immortaliser le moment et observer ensuite la photographie pour comprendre tout ce qui se jouait simultanément !



On en prend plein les narines. Comment autant d'odeurs peuvent se mélanger, se succéder, cohabiter dans une même rue ?
Encens puissants et odeur vive d'urine. Effluves d'ordures et senteurs épicées.
Parfum réel de vomis et arômes à la rose aux allures surnaturelles.
Vapeurs de pain chaud mêlées à celles des crottes d'animaux à quatre ou à deux pattes... Et oui !

L'ouïe n'est pas en reste, je dirais même que c'est peut-être le plus fatiguant. Ici, le silence n'existe pas, le bruit est omniprésent. Il devient juste plus supportable quand il se calme un peu de temps en temps... ça va du klaxon strident qui te perce un tympan, à la cacophonie de plusieurs dizaines de klaxons simultanés, aux chiens qui aboient, aux singes qui hurlent en se disputant en passant par les gens qui s'interpellent d'un côté à l'autre d'une rue ou dans le couloir d'un hôtel. Ça va du marchand qui vente haut et fort sa marchandise, à celui qui veut vendre ses bouteilles d'eau ou ses paquets de chips sur un quai de gare, à celui ou celle qui regarde sur son smartphone le dernier clip du groupe indien à la mode juste à côté de son voisin qui écoute le dernier morceau du groupe concurrent. Je vous épargne tout ceux qui téléphonent en mode haut-parleur et qui hurlent en retour dans le micro comme s'ils avaient 90 ans et étaient sourds comme des pots !

Il y a aussi des mendiants et leurs tambours qui offrent un peu d'animation en échange de quelques roupies.


Bref, le silence n'existe définitivement pas...
Qu'il est loin, le temps du Ladakh et de ses moines bouddhistes qui chuchotaient tout bas. Qu'il est loin, le temps de ces villages du Pamir silencieux et figés... Qu'il est loin le silence naturel des montagnes...


Dans la famille des cinq sens, pas un n'est épargné. Le goût est probablement celui dont la sollicitation est la plus agréable. Après des semaines de nourriture plutôt fade et très basique, les pays en "-stan" ne riment définitivement pas du tout avec "gourmand". En Inde, on se met toujours à table avec plaisir ! Que va-t-on découvrir ?
Ici c'est l'explosion des papilles. C'est bien simple, même le thé est épicé !


Aurait-on pu imaginer pouvoir ingurgiter le même menu que le commun des indiens ? Certainement pas et pourtant... si on s'en tient au plat de base sans l'agrémenter de piquant supplémentaire et si l'on accepte de terminer le repas avec une petite goutte de transpiration qui perle sur le front, on peut s'aventurer à tester presque toute la carte (qui même dans le moindre boui-boui est bien fournie) !

Passons au toucher... ici ça se joue au contact !
On est nombreux, partout et tout le temps. Dans la foule, les corps se frôlent souvent, se touchent parfois mais se heurtent rarement.
Mais quand il s'agit de grimper dans ce train bondé quelques jours avant la grande fête de Diwali, c'est encore différent. Les corps sont collés, empilés, pressés les uns contre les autres, ils se déforment, sont écrasés. Ça crie, ça tire, ça pousse, on disparait noyé dans cette marée humaine... on se perd de vue puis de voix : Rendez-vous à l'intérieur !


Quand la porte s'ouvre enfin, après ces longues minutes à se faire écrabouiller, c'est la ruée ! Ça court dans les couloirs, ça se jette sur les banquettes, ça grimpe dans les couchettes...

Si en bons petits européens, on aurait envie de dire : "Ne poussez pas, il y en aura pour tout le monde ! Euh, pardon, mais là c'est ma place !"
Mais ici, c'est différent, il n'y en aura pas pour tout le monde. Chacun n'aura pas sa place, certains se la feront tant bien que mal dans un coin du wagon alors que d'autres resteront sur le quai comme cet homme au regard désespéré qui courra quelques instants aux côtés du train qui démarre.


La suite est encore plus inimaginable que cette montée sauvage dans le train.
Il y a les tickets avec des places numérotées et puis il y a tous les autres tickets... Le surbooking indien, vous connaissez ? 
En quelques minutes, nous nous retrouvons dans un compartiment prévu pour 8 personnes à plus de 22 voyageurs ! C'est bien simple, il y a des gens partout, partout, partout. 
Au moins la SNCF locale ne pourra pas prétexter que la ligne n'était pas rentable ! Le train croule sous les voyageurs !

Parfois 3 ou même 4 par couchette, parfois assis ou allongés à même le sol, la scène est surréaliste. Au beau milieu de la nuit, alors que nous choisissons ce meilleur moment et ce meilleur endroit pour attaquer notre super gastro, il n'y a plus un centimètre carré de libre au sol pour pouvoir poser un pied et se rendre aux toilettes !
Qu'à cela ne tienne, un petit sac en tissu étanche fera office de bassine ! Un système D qui se révèle plutôt très efficace... 



Aller, ne vous inquiétez pas, on est bientôt arrivé plus que 11h dans ce train de l'enfer !!!
On vous rassure aussi, on a choisi le train dernière classe, ceci expliquant cela !



L'Inde a aussi cette caractéristique de vivre non-stop, d'être en mouvement perpétuel : un flot permanent.
Le seul pays qui a une roue de vélo sur son drapeau mais dans lequel tu peux finir à chaque instant aplati comme un chapati.


La circulation indienne, pourrait-elle seulement fonctionner autrement ?
Vu le flux et la densité de véhicules, ce serait une opération escargot si on n'avait à faire qu'à des endormis du volant !

Et si on n'avait à faire qu'à des petits nerveux sanguins, la route serait un ring de boxe où les vaches sacrées seraient les arbitres.
Les indiens ont trouvé un compromis, conduire comme des fous en restant impassibles comme des sages.
Et ça fonctionne ! Ça se faufile partout, ça klaxonne beaucoup, ça recule en plein milieu, ça se gare en double-file n'importe où, ça accélère à fond, ça pile d'un coup, ça double à droite comme à gauche, ça roule dans un sens ou dans l'autre, ça zigzague entre les vaches sacrées qui mangent du carton et les chiens qui roupillent en plein milieu, ça frôle les piétons, ça roule sur les trottoirs...


Voilà.
Il y a l'Inde.
L'Inde bruyante, remuante, fatiguante...
Et puis, il y a encore pire.
Il y a l'Inde dans l'effervescence des préparatifs de festivités.
Et puis, il y a l'Inde, un jour de fête !
Happy diwali !



Une journée encore plus bruyante et plus colorée que les autres. Une nuit où le bruit des klaxons est remplacé par les détonations et les explosions continues de pétards et de feux d'artifices. Tintamarre de ces bombes de joie non-stop jusqu'au lever du jour et le matin à la toute première heure... tous ces gens toujours aussi en forme ! Jamais fatigués ...
Martiens ?!?? ...non, Indiens !


Définitivement, l'Inde est le pays le plus vivant que l'on ait pu rencontrer jusqu'ici !

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