dimanche 26 juin 2016

Deux "bombes" dans Nagasaki!


Les sacs de hissage n'ont pas le temps de se reposer et nous non plus !!
Il y a quelques jours à peine, nous triions une tonne de matos dans l'aéroport de Denver et voilà que l'on recommence aujourd'hui.
Quelques jours à peine que nous sommes rentrées d'un long voyage de cinq longues journées dans la magnifique paroi d'El Cap et nous voici, à nouveau, les fesses pendues des heures dans les baudriers...

Tout juste rentrées des US, nous voici reparties sur les chapeaux de roue... 
Au programme : stage de l'ENAF (équipe nationale d'alpinisme féminin). Nous allons retrouver nos copines. La dernière fois que nous nous sommes vues, nous avions les skis aux pieds, c'est dire si c'était il y a longtemps!!! L'équipe est au complet !
Direction le Verdon pour une petite session d'artif à la Paroi Rouge.

Au menu : pitons, coinceurs, friends, plombs, crochets et coins de bois !





 

L'artif est une drôle d'activité (encore une !) qui consiste à progresser en s'aidant de points plutôt précaires dans du rocher souvent décomposé !
C'est un peu comme faire du bricolage pendu à 100 mètres du sol !
Bref, l'artif ça fait peur mais c'est quand même rigolo !

  

Flo et moi partons comme des bombes dans "Nagasaki", une voie qui me trotte dans la tête depuis un moment ! 
Alexia, Johanna et Zabou tentent de répondre à cette drôle de question "Pourquoi j'ai mangé mon père?". Pendant que Maud accompagné d'Antoine vont faire un tour aux "urgences de Castellane" (mais là, malheureusement, ce n'est pas un nom de voie !) suite à une chute et à une cheville  qui n'a pas apprécié la galipette !

Gaël reste au sol mais n'a pas pour autant la partie du travail la plus facile : Surveiller tout ce petit monde, ramasser les pitons qui volent dans tous les sens, fabriquer des cannes à pêche, écouter 5 dindes se plaindre d'avoir vraiment trop peur !


Voilà un mois que nous jetons des friends dans des fissures parfaites sans trop nous poser de questions et aujourd'hui nous sommes complètement terrorisées de nous pendre sur des pitons à moitié plantés, sur des plombs aux câbles tout effilochés, sur des crochets à moitié enfoncés et sur des friends qui ripent de tous les côtés !
C'est officiel le calcaire ça ne vaut ni le grès ni le granit...
On est morte de trouille, on n'avance pas bien vite mais on rigole, c'est déjà ça !



Longueur après longueur, point après point, nous prenons de la hauteur tranquillement...
ça bourine, ça couine mais ça avance... Après avoir fixé les premières longueurs, nous reprenons la direction du sentier Martel puis de La Palud pour aller dormir dans des vrais lits, c'est assez rare. Aussi cela a le mérite d'être précisé! (eh oui... On s'embourgeoise!)

Flo dans la première longueur de "Nagasaki"
Le lendemain matin, c'est reparti !
Un rappel de 200 mètres plein gaz pour se remettre dans l'ambiance, quelques dizaines de mètres de jumar pour se chauffer les bras et bientôt les premiers coups de marteau retentissent dans les gorges ! 

 

Les copines dans "Pourquoi j'ai mangé mon père?"
Chacun vaque à ses occupations aussi diverses que variées : pendant qu'une se pend toute tremblante sur un plomb, une autre donne de grands coups de marteau sur un piton qui n'a rien demandé, alors qu'une troisième tente de déséquiper une longueur toute en traversée, pendant que la quatrième remonte sur une stat' qui pendouille dans le vide et que la dernière fait la sieste grigri à la main dans un hamac au relais...

Et les garçons alors ??! Antoine est lui aussi pendu sur une corde en mode photographe pendant que Gaël pilote le drone qui vole au dessus nos têtes tel une grosse mouche !




  

 

 

Nous sommes bien contentes de notre choix ! C'est de la bombe cette voie !
Les premières longueurs remontent une grande fissure : c'est la fête des friends !
La suite remonte un bombé bien compact : c'est la fête des crochets et des plombs !
Après quelques petits pas de libre, nous débouchons sur le plateau en début de soirée. Et devinez quoi ?! On est super contentes, même si on a parfois eu un peu peur, on s'est quand même bien amusé ! ... mais le prochain chantier attendra un peu !



Il nous aura fallu une journée et demi pour venir à bout de nos chantiers respectifs mais ce soir nous sommes tous réunis ! De retour à La Palud, nous retrouvons Maud qui est déjà une machine en béquilles et qui nous a trouvé des projets d'expé par milliers! On n'est pas prêtes de s'ennuyer !


mercredi 22 juin 2016

mercredi 15 juin 2016

Les NaZes au NoSe... Cap ou pas Cap?!

Naze, Nose, Cap... Mais c'est quoi ce charabia?!
Un petit décodage s'impose avant de vous raconter cette grande aventure...



Le Nose, c'est la voie "classique" qui remonte l'éperon central de cet énorme bout de caillou qu'est El Cap!
Situé dans la vallée du Yosémite en Californie, "El Capitan" est probablement la paroi la plus connue du monde, à moins que cela ne soit la plus belle ou alors les deux à la fois ! Près de 1000 mètres de granit ultra compact rayés de fissures, de dièdres, de toits...
Se retrouver devant cette immense face c'est éprouver un drôle de sentiment. Une impression de déjà vu sans n'avoir pourtant encore jamais mis les pieds ici... Une paroi familière et intimidante à la fois; impressionnante mais attirante...


Dans une vie de grimpeur, El Cap est quelque chose auquel on rêve sans vraiment y croire... Quant au Nose c'est la voie royale ! C'est le premier itinéraire tracé sur ce magnifique mur en 1958 et en 47 jours ! Le Nose, c'est l'élégance, c'est Lynn Hill et la première ascension en libre en 1993 !
Le Nose, c'est la grande classe !

Et les nazes ?! Eh ben, c'est nous ! Pas vraiment à la hauteur du Nose ! Deux petites grimpeuses débutantes dans cette drôle d'activité qu'est le "Big Wall"...

Le Big Wall, c'est l'art de passer des jours et des jours dans des immenses parois dont on ne voit pas la fin. C'est passer des heures dans les longueurs, c'est dormir sur de toutes petites vires qui sentent l'urine, sur des portaledge (si on a de la chance!) ou passer des nuits suspendu à un pauvre relais (si on a moins de chance!), hisser des énormes sacs plus lourds que soi, trimbaler des litres d'eau, avoir un crochet fifi et des kilos de friends accrochés au baudrier, manger dans des ziplocks, faire pipi sans quitter son baudrier, faire caca dans des boîtes, grimper plus en baskets qu'en chaussons, porter des chemises, des mitaines et des genouillères et hurler "The pig is freeeeeee !" quand on dévache les sacs de hissage du relais ! ... Drôles de cochons ces patates!

Tout ça peut paraître bien effrayant et pourtant, si vous saviez comme nous nous sommes amusées !

En mai, fait ce qu'il te plait, alors à la question "Cap ou pas Cap ?!", nous avons répondu: "Cap !" Voilà comment nous nous sommes embarquées à passer 5 folles journées les doigts dans l'Nose !



Bien sûr, on ne vous cache pas que dans un premier temps, le seul fait de prononcer le nom de cette voie mythique nous rendait mortes de trouille! Dans un second temps, nous avions un peu honte de dire que nous voulions partir dans cette paroi tant nous nous trouvions godiches et inexpérimentées pour ce genre d'aventure !



Lundi 9 mai, le premier jour de notre vie au Yosémite!

Une journée à courir partout! Le programme est plutôt chargé :

- Deux heures de queue pour se procurer des places au camping "Camp 4" pour la semaine: Check!

- Rassembler de quoi contenir 30 L d'eau (les garçons étant partis dans leur voie avec tous nos bidons!): Après une chasse au trésor dans toutes les poubelles du parc pour récupérer des bouteilles, le compte y est !

- Faire un tour au magasin de sport : Agrandir la famille des micro friends, craquer pour un étrier de compet' et buter dans l'achat d'une quéquette en plastique pour faire pipi debout et d'un hamac en cas de bivouac improvisé... Il n'y a pas ça en rayon et c'est bien dommage !

- Faire un petit point internet à visée purement psychologique: Se rassurer ou plutôt se faire rassurer ! Merci donc à ceux qui nous ont répondu et encouragé ! Un simple "Venga chicas !" a suffit à nous donner des ailes!

- Compartimenter dans des ziplocks de la nourriture pour quatre ou cinq jours, remplir les 23 bouteilles d'eau et trouver des boîtes étanches pour balader nos cacas jusqu'au sommet ! (Beurk !)
Les trois sacs de hissages se remplissent peu à peu jusqu'à peser quasiment plus lourds que nous! Entre 40 et 50 kg... De quoi tenir un siège!

La fameuse boîte !
Une chose est sûre, ce n'est pas la faim, la soif ou la surfréquentation qui nous feront redescendre, mais plutôt une météo capricieuse à moins que ce ne soit tout bêtement une cheminée improtégeable ! 

- Choisir le matos à emporter : On prend tout ! Environ trois jeux de friends, jusqu'au n° 4, plus deux n° 5 et un° 6 (ça c'est cadeau !), un petit jeu de coinceurs et un bon jeu de microfriends... 
Niveau corde, nous optons pour les seules que nous avons, c'est à dire pas grand chose ! Une corde simple de 80 m (c'est un peu long !) et un brin pour hisser en 6 mm de 50 m (c'est un peu court et un peu fin !!)

- Enfin (juste avant la nuit !) nous partons en direction de la paroi pour fixer les premières longueurs de la voie et hisser les patates (faut bien apprendre à un moment donné !) jusqu'à R4 pour nous faciliter la tâche du lendemain !

Sacré programme!





Mardi 10 mai, deuxième jour au Yos' et premier jour dans le Nose !

Le réveil est matinal. Nous quittons la tente en sachant que nous ne retrouverons son confort que d'ici quelques jours en ayant la sensation de l'avoir quittée depuis des semaines !

Arrivées au pied de la paroi, il fait encore nuit. Nous profitons de cordes fixées par d'autres cordées (et oui les nôtres étaient trop courtes !) pour remonter jusqu'à R4 où nos trois patates nous attendent.

Alors que j'arrive au premier fractionnement j’aperçois des frontales qui se dirigent vers le pied de la face puis j'entends des voix en bas. Flo m'informe que les gens ne sont vraiment pas contents que l'on utilise leurs cordes et qu'ils veulent qu'on redescende immédiatement ! (Eh m.... !)
"Hors de question ! Moi je suis là... J'y suis, j'y reste !" Je hurle à Flo de me rejoindre... On verra bien !

Finalement après avoir fait de grands yeux doux à deux anglais et avoir fait preuve de beaucoup de diplomatie avec deux américains, une grosse machine du big wall (Maria) et son compagnon de cordée (Dustin) ; on nous laisse gentiment remonter au jumar les 200 mètres qui nous séparent de "Sickle Ledge" et de nos sacs. Ouffff ! On est vraiment ultra contentes d'être là!



Nous voilà maintenant redevables à tous ces braves gens, aussi nous n'osons pas demander à les doubler et restons bien disciplinées derrière eux : erreur !
L'heure tourne et devant ça n'avance pas... pas du tout ! 
L'après midi est déjà bien avancée et un vent de malade nous secoue dans tous les sens. Peu à peu, nous comprenons comment gérer le hissage des sacs, les remontées sur corde, les pendules... C'est ce qui s'appelle apprendre sur le tas ! Et ici c'est un sacré tas... de caillou !









Trop lourdes ces patates !
Durant cette première journée, nous ne prenons pas beaucoup de hauteur car la majorité des longueurs traversent vers la droite. Le haut de la paroi parait si loin, presque inaccessible. Nous nous sentons vraiment toutes petites dans cette immense face.
Plus le temps passe, plus l'espoir d'atteindre "Dolt Tower" pour le bivouac de ce soir s'éloigne...
Nous comprenons assez vite que nous allons passée une bien mauvaise nuit à R6. Les deux cordées de devant continuent à la frontale. Tant mieux, ils vont prendre un peu d'avance et on ne les aura pas dans les pattes demain.

Le prix de la tranquillité est assez élevé : une longue nuit en plein vent, pendues comme des sacs au relais, pas l'ombre d'une marche pour poser un peu les pieds, les baudriers nous cisaillent les cuisses et les hanches, on ne peut sortir ni duvet ni réchaud et à peine de quoi manger froid. 
Heureusement, nous sortons le joker : le hamac !

On se cale tant bien que mal, l'une contre l'autre en changeant de position toutes les dix minutes, bientôt le froid nous enveloppe et nous attendons patiemment que la nuit passe dans un concert de claquement de dents !
Comme toujours, il faut voir le bon côté des choses : On renforce les liens de notre cordée, on rigole bien et j'apprends même à faire pipi en étant complètement pendue dans le baudrier : une première !




Aux premières lueurs du jour, nous ne pensons qu'à une chose : quitter ce relais vraiment inconfortable !
Les yeux pas vraiment en face des trous, me voilà repartie dans les magnifiques "Stoveleg cracks", c'est assez laborieux et je n'avance pas bien vite... 
Flo me rejoint et bientôt nous assistons à un spectacle inattendu. 
Deux nanas déboulent comme des fusées. Une grimpe en tête avec pas loin de 20 mètres de mou et en posant un friend tous les 30 mètres pendant que sa copine, un petit sac sur le dos, remonte sur la corde une poignée jumar dans chaque main. Elles nous doublent en ayant l'air super contentes de nous voir là : "Youhou ! Girls in the Nose !!" 
Il y a des "fast girls" et des "slow girls", nous ne jouons pas dans la même catégorie ! 
On les regarde passer bouche bée... Wahou les machines ! Le Nose à la journée, c'est donc comme ça que ça marche !


Dans les "Stoveleg Cracks"...





Nous continuons notre petit chemin dans des fissures toutes plus belles les unes que les autres. Sous nos fesses, un gaz impressionnant. Bientôt nous débouchons au sommet de la tour de "Dolt Tower". Comme il est encore tôt, nous poursuivons jusqu'à "El Cap Tower". Encore un petit pendule pour finir la journée en beauté, suivie de deux très belles longueurs. 





Fin de journée à El Cap Tower !
Après une grande traversée à droite, nous découvrons un emplacement de bivouac 5 étoiles ! Une jolie vire longue et bien plate qui semble être là pour offrir le repos mérité aux grimpeurs de passage.
Maria et Dustin sont (encore !) là aussi. Demain ça va encore bouchonner mais nous n'en sommes pas encore là... Un bon repas, un marshmallow aux m&ms, une tisane et une bonne nuit de sommeil nous attendent. Quelle récompense !


Bon app'!
Après de gros efforts, petit réconfort ! (Made in Flo, of course !)
La jolie vire 5 ***** d'"El Cap Tower" !
Au réveil, il fait encore grand beau. Quelle chance ! 
Nous nous remettons en route en direction de l'énorme "Texas Flake", une grosse écaille qui masque une grande cheminée assez terrifiante ! C'est large, glissant et surtout improtégeable... 
Flo tente sa chance puis passe son tour. A moi de jouer ! Franchement, ça fait peur ! Je tente d'utiliser le joker "appel à un ami" en interpellant les deux anglais qui se trouvent quelques dizaines de mètres au dessus de nous ! 
"Help ! Sorry ! J'ai peur !" ... Je simule même quelques sanglots... Ce à quoi ils répondent avec leur charmant accent anglais tout en continuant leur chemin : "C'est très facile !" ... "Ok ! Merci les gars ..."
Bientôt, je les aperçois courir à l'horizontale (et se rétamer à maintes reprises !) sur les dalles pour réaliser le célèbre pendule du "King Swim". Oulala ! Ça aussi ça fait trop peur !
C'est le but ! Retour à la case départ, il nous faut trouver une autre solution !

Nous redescendons donc en rappel une longueur sous le bivouac, moulinons les sacs qu'il faut ensuite moufler à l'horizontale car cela traverse vraiment beaucoup... Je vous passe les nœuds dans les cordes, les poignées jumar et les microtracs sous tension complètement tanquées... Les sacs sont toujours aussi lourds. Bref ! C'est le chantier ! On se croirait dans le bouquin "Le big wall pour les nul(les) " si cependant il existe...







 Après avoir perdu quelques heures dans la bataille, nous voici au pied de la variante en A0 qui permet de squizer "Texas Flake" et le "King Swim" par la gauche et nous voilà (à nouveau !) derrière nos deux pros du big wall, Maria et Dustin, qui n'ont pas bougé depuis 3h. Grrrrrrrr !
Les spits du passage en A0 ne sont pas tout proches les uns des autres et la suite n'est pas toujours facile à protéger mais après un petit pas sur crochet, ça passe !!! Bientôt on rejoint les magnifiques dièdres de la voie classique. C'est gagné pour ce coup-ci ! On continue !









Quelques longueurs supplémentaires nous conduisent à Camp IV. Une petite dalle presque horizontale dominée par le célèbre "Great Roof", le toit mythique du Nose.
Malheureusement nos deux compères américains se sont installés à la meilleure place et ont un peu tout envahi avec leur sac et leur matos. Il y en a partout ! Crise du logement !

Visiblement, ils ne sont ni disposés à nous laisser un peu de place pour dormir ni à nous laisser passer devant demain matin. 
Il est déjà tard alors pas le choix, on reste là !
La cordée composée des deux anglais quant à eux redescendent pour une bonne et simple raison : ils n'ont plus d'eau !

Nous passons donc la nuit chacune assise sur une petite marche inclinée vers le vide où règne une très forte odeur de pipi à laquelle s'ajoute l'odeur qui s'échappe de notre boîte à caca mais également de celle de nos voisins. Bref ! C'est dégueulasse !


Bouuuhhh ! Ils ne nous laissent pas de place ! :(
Au réveil du 4ème jour !
P'tit dej à Camp IV
Autant dire que la nuit n'est pas très bonne et le réveil pas beaucoup plus agréable. Debout depuis 4h du matin, nous attendons plus ou moins patiemment que nos voisins se préparent et quittent le bivouac. Il est 6h30 lorsqu'ils décollent enfin !
La suite n'est pas plus glorieuse, c'est Maria qui grimpe en tête et c'est vraiment interminable... 3h pour faire la longueur au dessus du bivouac et la voilà qui repart dans  la longueur suivante, le "Great Roof" ... Oh non ! C'est une blague ?! (Et bim ! 5h de plus !)

... Des heures d'attentes à Camp IV...

J'en profite pour rattraper toutes les heures de sommeil en retard puisque j'ai la dalle de Camp IV pour moi seule. Pendant ce temps, Flo tient compagnie à un Dustin impassible qui se contente de répéter imperturbablement sur un ton monocorde : "Nice work Maria, good job !" Pourtant ce dernier est scotché au même relais depuis bientôt 5h sans broncher ! Visiblement les mecs patients, ça existe ! (...On aura au moins appris ça !)




En route pour le "Great Roof" !
Il est 14h quand je quitte enfin le bivouac. Incroyable ! On attaque la journée aussi tard que si on allait grimper en falaise alors que nous sommes à la 21ème longueur à 800 m du sol !
Youpi ! La longueur du "Great Roof" m'attend. 
Un long dièdre parfait puis la traversée sous le célèbre grand toit. C'est vraiment magique d'être ici. C'est un peu comme se retrouver au beau milieu des pages d'un livre feuilleté à maintes et maintes reprises et voir défiler un tas de photos mythiques.
Etre pendue sur de tout petits coinceurs ou des microfriends sous un énorme toit, les fesses plein gaz, ça n'a pas de prix !







La suite est toute aussi magnifique et c'est Flo qui s'y colle : "Pancake Flake", une splendide écaille et du caillou dément. Ça bouchonne toujours devant nous mais on rigole bien et cela nous fait patienter un peu !
En début de soirée, nous sommes à Camp V, Dustin et Maria s'installent pour y passer la nuit alors que nous décidons de continuer. 


Flo dans "Pancake Flake" !



Frontales vissées sur la tête, on continue !


Ce soir là, nous faisons des heures sup' pour rejoindre Camp VI. Deux longueurs de 50 m à la frontale et pas des moindres : la longueur de "Glovering Spot" est probablement une des plus expo de la voie... Une vingtaine de mètres à faire dans la pénombre pendue sur de tout petits coinceurs avant de rejoindre une fissure plus large et plus rassurante ! Je ne fais pas ma maline à la lueur de la frontale. Finalement, je serre les fesses et ça passe ! Encore une longueur et le bivouac est en vue !



Arrivée tardive à Camp VI

Le réveil du 5ème jour à Camp VI est un peu douloureux... Il fait encore nuit quand le réveil sonne. Nous n'avons dormi que trois heures. Il était plus d'1h du matin quand nous nous sommes glissées dans nos duvets hier soir après avoir grimpé deux longueurs de nuit pour tenter de rattraper le retard pris le matin même mais aussi pour être enfin devant la cordée qui nous ralentit depuis bientôt 4 jours !




Difficile d'ouvrir les yeux, nous avons sommeil et il fait froid. Les duvets sont humides et sentent vraiment mauvais, tout comme nos vêtements (et nous aussi d'ailleurs !).
Les doigts sont gonflés, nous avons mal au dos à force de charrier ces sacs énormes, nos hanches et entre-jambes sont cisaillées de tant d'heures passées dans les baudriers.

Nous sommes un peu barbouillées et n'avons pas vraiment le goût à petit déjeuner. Flo me force quand même à avaler quatre cuillères de flocon d'avoine pendant que la sonnerie du réveil résonne encore en boucle dans ma tête.

Si durant les quatre jours précédents, nous n'avions pas ressenti de réelles marques de fatigue, à présent, c'est différent et nous n'avons qu'une chose en tête : Sortir !

... Marre de ces bivouacs qui puent où l'on se traîne dans des flaques de pipi sec, marre de la puanteur qui s’échappe de notre "boîte à caca", de nos sacs de hissage et qui nous suit partout. L'odeur de nos vêtements et de nos corps nous donne envie de vomir et les ziplocks de flocons d'avoine nous écœurent.
Contrairement aux autres matins, le ciel est parsemé de quelques nuages, peut être le temps va-t-il changer? Devant nous, plus aucune cordée en vue. La voie est libre !
C'est décidé, ce soir, on sera dans la vallée !


C'est reparti ! "Changing Corner"



La bonne humeur revient rapidement et nous nous mettons en route. En parcourant le célèbre "Changing Corner", je me demande bien comment il est possible de grimper ça en libre. Hallucinant !
La suite déroule davantage. Encore de magnifiques fissures que nous prenons le temps d'apprécier comme pour profiter de nos derniers instants ici. Le sommet se rapproche peu à peu !






Après avoir franchi la "Bolt Ladder", l'échelle à spits, nous débouchons sur le plateau sommital en début d'après midi.



Un moment que nous ne sommes pas prêtes d'oublier... Un doux mélange de joie, d'excitation, d’euphorie, de soulagement et de fatigue aussi : On l'a fait !



On est tellement heureuses que nous ne savons même pas quoi faire !
S'affaler par terre, enlever les baudriers, se prendre dans les bras, vider les sacs, manger, boire, sauter, courir ou tout simplement marcher ! (eh oui cela fait 5 jours que nous n'avons pas posé un pied devant l'autre !!)

On a tant de mal à croire que ce rêve soit devenu réalité que l'on prend plein de photos pour immortaliser le moment et le savourer plus tard à tête et bras reposés quand nous serons redescendues de notre petit nuage !



Il ne reste plus qu'à vider les 12 litres d'eau que nous avons baladé jusqu'ici pour rien, à reremplir les sacs qui pèsent une tonne, à se laisser descendre dans la vallée où une bonne douche (vraiment pas superflue !) nous attend.



Dès le lendemain matin, nous voici à nouveau à bord de notre petite voiture, quatre sacs de hissage ficelés sur le toit en direction de l'aéroport de Denver.

Fatiguées mais heureuses, nous quittons le Yos' moins d'une semaine après y avoir mis les pieds pour la première fois avec une légère impression d'avoir commis un "hold-up" !

Voilà comment rentabiliser un séjour de six jours en Californie, optimiser un créneau de beau temps, s'initier aux bigs wall et surtout clôturer en beauté ce voyage de OUF !!


CiaO les States ! Merci Flo !