vendredi 22 septembre 2017

Une histoire de souris et de taupes dans les Picos !

  
J'ai deux yeux tout ronds, un tout petit museau, quatre pattes et je ressemble à une petite boule de poil grise...
Mon nom ?! ... Tout une histoire !
 
Certains me nomme génériquement "rongeur" alors que les scientifiques disent que je suis un "muridé". D'autres m'appelle "gerbille", "musaraigne", "campagnol", "mulot", "gerboise" ou encore "lemming". D'autres, les moins funs, parlent de "rat" en m'évoquant, cela ne me plaît guère, mais peu importe, après tout, il n'y a pas de sot métier ! Certains Pyrénéens, un peu chauvins, me voudrait "Desman" mais il n'en est rien... Je n'ai pas le nez en trompette et il y a bien trop peu d'eau dans le désert de roches dans lequel je vis... J'en entends aussi parfois passer et parler de "raton", de "laucha"...
 

Que de noms compliqués pour la si petite bête que je suis !
Je suis ni plus, ni moins qu'une simple petite souris de montagne.
... Oui, oui, une souris de montagne ! La cousine germaine du rat des champs et la cousine par alliance du rat des villes.
J'habite entre deux cailloux dans une région remplie de milliers de millions de milliards d'autres cailloux :  Les Picos de Europa.


Je ne suis pas la seule à avoir posé mon camp de base ici. Il y a aussi quelques oiseaux qui volent à droite à gauche et je cohabite également avec des isards, les "rebecos". Ici, c'est leur royaume, il y en a de partout : des gros, des petits, des jeunes, des vieux... Pourtant, l'herbe se fait plutôt rare... A croire que ces animaux là broutent les cailloux !?  ... Mais peut être disent-ils la même chose de moi ! Que mange-t-elle ?! SAUF QUE, moi, j'ai mon petit secret... Et figurez vous qu'elle est plutôt chouette ma vie !

Mon secret le voici :
Cela fait quelques années déjà, qu'une colonie de taupes en vacances a fait de mon jardin leur terrain de camping pour les congés d'été. Pas gênés les types ! (Ben oui.. il n'y a presque jamais de taupe femelle ! D'ailleurs, cette année, il n'y en avait qu'une seule !)
 

Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils avaient élu domicile estival dans mon jardin... Pas un brin d'herbe, pas un arbre pour faire de l'ombre, simplement quelques fleurs roses poussant sur les cailloux... Peut être aiment-ils simplement ma compagnie (pourtant, certains jours, je crois bien que je les agace !), à moins que ce ne soit ce mince filet d'eau qui les attire ici.

Gros comme un pipi de souris, il coule péniblement dans un coin du terrain. Ce n'est pas les chutes du Niagara mais il paraît qu'il n'y a pas mieux ailleurs !


 


Chaque fois, c'est la même chose. A la même date presque jour pour jour, ils débarquent. Chacun reprend son emplacement habituel (bonjour l'originalité !), chacun plante sa même tente au même endroit... (Et ça se dit "aventurier" !)
Ils installent ensuite des poches noires remplies d'eau puis se mettent tout nus dessous en s'agitant comme des vers.


 
Cette année, ils sont arrivés en rampant comme des escargots et on aurait dit qu'ils avaient le monde entier sur leur dos ! Des sacs énormes ! Ils allaient et venaient, ramenant chaque fois davantage d'affaires... Les 3 h de marche et les 1000 m de dénivelé séparant le camp de la vallée civilisée ne semblaient pas les effrayer ! Mais pourquoi transporter tout ce bazar jusqu'ici ! ... enfin tant qu'il ne leur prend pas l'idée de ramener un chat jusque là, ça ira !

 
Voilà qu'ils déballent toute sorte de choses... Tentes, duvets, vêtements super moches, batterie, panneau solaire, casseroles, assiettes, bols, couverts, bocaux en verre (si, si !), cordes toutes sales et toutes raides, bottes boueuses, casques avec des spots vissés dessus, câbles, perceuse (Au secours !!), trucs métalliques qui s'entrechoquent et me cassent les oreilles (Ne seraient-ils pas un poil "bling-bling" ?).

Deux d'entre eux semblent, cependant, avoir davantage de goût : leurs cordes sont souples, leurs baudriers sont propres et leurs vêtements sont colorés... Peut être les croiserais-je un jour au détour d'une de mes balades verticales ?

 
Croulant sous le poids de leur chargement, ils n'avaient qu'un mot à la bouche : "hélico" ou quelque chose dans le genre ! D'après ce que je comprenais, il s'agissait d'un drôle d'oiseau qui devait trimbaler leur bazar jusqu'ici mais qui leur avait à priori fait faux bond. Quelle idée aussi de faire des plans avec un drôle d'oiseau migrateur ! ...Tout le monde sait qu'on ne peut pas compter sur eux ! 

Après quelques boissons plus ou moins anisées, il fut question d'installer "la yourte". Parce qu'il y a des taupes en Mongolie ?!? Moi j'en sais rien... je ne pars JAMAIS en vacances...
 
 
  
"Yourte" est un bien grand mot. Il s'agit en fait d'un pauvre abri composé de bâches bleues et blanches empilées les unes sur les autres, plus ou moins bien tendues grâce à des cordes accrochées un peu partout. Un vrai camp de réfugiés, les pauvres... Une colonie de vacances au rabais en somme ! 
 
 
Une fois la yourte installée, voilà tout ce petit monde qui s'affaire sous les bâches... et là... ça commence vraiment à m'intéresser :
150 œufs, 15 kg de pain, des oignons, 5 kg de lard, du jambon, des saucissons, des fruits secs, du fromage en veux tu en voilà, des gâteaux, du chocolat, des pâtes, de la semoule, du riz, du lait en poudre, du sucre... De quoi tenir un siège !

Le voilà mon secret ! Mes réserves, faites l'été dernier commençaient à sérieusement s'amenuiser... Top départ ! J'ai, à partir d'aujourd'hui, montre en main, 10 jours pour refaire le stock avant qu'ils ne repartent pour de lointaines contrées ! Je n'ai pas une minute à perdre, je me mets aussitôt au boulot en leur volant timidement quelques miettes. Dans quelques jours, je les aurai tellement bien apprivoisés que je pourrai sans doute leur piquer un fromage entier presque sous leur nez !
 
 


 
La journée c'est bien simple : les taupes sont sous terre et moi j'ai tout mon temps pour faire mes petites affaires. Le soir venu, c'est le grand rassemblement sous la yourte.
Ils font chaque fois semblant d'être surpris en découvrant le menu alors que c'est chaque jour pareil... Oignons et lard accommodant quelque chose !

 
Je ne comprends pas tout de ce qu'ils racontent mais j'adore les écouter. Comme ils parlent TOUJOURS de la même chose, je peux aller et venir, rater 2 minutes de la discussion ou bien 1 heure cela n'a pas grande importance !
Cette année, le "202" revient souvent dans les conversations. Je les entends également parler du P 100, du P 40, d'A.N, d'as, de stat', de "dynemaa", de "speedy" de frac', de dev', de pailles, de pointe, de -600..
 
 
Mais qui m'expliquera un jour, que le "P 100" est un puits de 100 mètres, que les "A.N" sont des amarrages naturels, que les "as" sont des espèces de plaquettes, que les "speedy" sont des maillons rapide, que les "stat" sont ces cordes raides comme des câbles et la "dynemaa" de la ficelle à rôti, que "frac" veut dire fractionnement et "dev", deviation...?  Qui me dira encore que les "pailles", ce n'est pas pour boire des cocktails mais plutôt pour faire tout péter, que la "pointe" c'est quand on fait des découvertes, que "-600" est la profondeur atteinte et que "202" est tout simplement le nom du trou où les taupes s'amusent toute la journée !? 
... Oui, oui, le 202 ème... Autant dire que je n'ai pas fini de les voir traîner par ici et que mon garde-manger n'est pas prêt d'être vide ! 

 
Il doit quand même y avoir quelques soucis de communication entre eux puisqu'ils rabâchent chaque jour les même choses. Problèmes de compréhension et, pourquoi pas, de surdité (C'est que la moyenne d'âge des taupes est assez élevée !)... Je connaissais l'expression être "myope comme une taupe" mais peut-être que les taupes souffrent également d'un handicap acoustique...Enfin ce ne sont que de simples hypothèses !
 
 
 
Les taupes passent leurs journées dans le noir et ressortent souvent bien trop tard pour profiter du magnifique spectacle du soleil qui se couche, chaque soir, sur une mer de nuage teintée de mille couleurs ! Pourtant c'est la seule animation du coin, la seule chose à ne surtout  pas rater de la journée ! Dommage pour eux...
 

  
Quand ils sortent de leurs trous, ils sont sales, humides et ébouriffés comme des rats d'égouts mais ils ont le sourire jusqu'aux oreilles (vous verriez leur tête !), et devinez quoi ?! ...ils parlent, ils parlent... les autres écoutent bouche bée (ils en goberaient presque une mouche souris passant par là !). Ils racontent, écrivent, dessinent chaque méandre traversé, chaque nouveau puits descendu, chaque stalactite... cassée pour pouvoir passer. (Ah bravo !)


 
Les jours de repos, chaque taupe vaque à des occupations aussi diverses que variées. Prospection et balade à la recherche de nouveaux terrains de jeu, lessive, corvée d'eau, vaisselle, sieste, lecture, portage pour les plus courageux, crêpes, pain perdu (pour essayer désespéramment d'écouler le stock d’œufs et de pain !). 



 
Les deux tourtereaux partent, quant à eux, explorer le monde. Il faut dire que depuis leur arrivée, ils louchaient sur le mur zébré de grandes cannelures. 
 


 
Un jour, alors qu'ils se décident à quitter le camp, je saute dans l'un de leur sac à pof. Me voilà embarqué pour un super voyage. Ces cannelures sont si profondes qu'il est parfois possible de grimper à l'intérieur : c'est magique !
 



 
 
Les friends se bloquent plus ou moins bien et l'escalade est parfois un peu exposée, disent-ils. Moi j'adore cette balade verticale et s'ils pensent avoir ouvert une nouvelle voie alors je rajouterais que moi aussi je faisais partie de la cordée !
 

 
Un autre jour, ces deux là sont repartis à l'assaut d'un grand dièdre suspendu situé juste au dessus de la maison. 
 

 
Vu l'heure plus que tardive de leur départ, j'ai préféré ne pas faire partie de ce plan (foireux!), j'avoue... J'ai craint de louper le dîner !
Partir ouvrir une voie à l'heure du goûter, c'est un peu bizarre...
Bref, ce qui devait arriver arriva... Le soir tomba et les deux loustics étaient toujours accrochés à leur paroi.


 
Ils avaient pourtant trouvé des traces de passage et étaient même tombés sur quelques points en place mais les difficultés s'étaient avérées plus ardues et la voie plus longue que prévues ! 
Ils battirent en retraite abandonnant tout leur matériel sur place. Arrivés au sol, 30 secondes avant la nuit, ils semblaient quand même contents d'eux !

Quelques jours plus tard, ils parviendront à terminer le chantier et à récupérer cordes et matériel, se rendant compte qu'effectivement... ça grimpe !


Mais revenons à l'activité "Underground" : plus les jours passent, plus l'équipe "de pointe" s'amenuise. La cavité semble prendre des allures de souricière, et au fond, se mouvoir semble devenir vraiment compliqué. Il parait qu'il faut même quitter le harnais ! Pour autant le moral des taupes n'est pas au fond des bottes, il faut dire que la côte -600 est atteinte et que l'excitation est à son comble ! Drôle de sport !
Seules les taupes les plus sveltes et le plus jeunes (.. ou les moins vieilles) poursuivent l'exploration dans le "méandre du pain perdu".



Malheureusement le séjour tire déjà à sa fin mais quand je les vois revenir de leur dernière journée sous terre, je comprend, qu'une fois de plus, ils reviendront !

Il fait déjà nuit (ils ont encore raté le coucher de soleil !) quand ils arrivent au camp, leurs yeux pétillent et ils sont contents puissance 1000 !
Stoppés au sommet d'un nouveau grand puits par manque de corde, leur curiosité est en haleine et ils ont de quoi rêver jusqu'à l'année prochaine ! 
Pour moi aussi, l'expé a été réussie : ...mon garde manger est plein à craquer !
Et puis finalement, moi, ces taupes là, je les aime bien, finalement on est un peu de la famille !

A l'année prochaine !
 
Fuente Prieta.
Août 2017

 

mardi 12 septembre 2017

Seul Itinéraire Dément Autorisé


Mois de juin caniculaire et réchauffement climatique ont parfois du bon...
On n'a, cette année, pas été obligé d'attendre le mois de septembre (et la rentrée des classes) pour aller grimper sur le beau rocher de la Tour du Marboré.



Les névés ont fondu plus tôt que prévu et le caillou est sec ou presque... L'orage prévu à la mi-journée nous oblige à une excursion en mode "hold up"...
Nous optons pour "SIDA (Seul Itinéraire Dément Autorisé) Vertical" avec un nom pareil on ne devrait pas être déçu du voyage !
Départ nocturne de la voiture, approche à la frontale et escalade de bon matin ce qui a l'avantage de nous laisser profiter des rayons du soleil, pas négligeable quand on grimpe en face nord !








Les deux premières longueurs nous mettent bien dans le bain pourtant le rocher est sec. La suite est parfois humide mais la grimpe bien plus facile... ça déroule !

En fin de matinée l'affaire est dans le sac et nous pouvons profiter du sommet avec vue plongeante sur le cirque et la grande cascade.
C'est assez marrant de se dire, qu'il y a environ 6 mois, nous bivouaquions quelques centaines de mètres plus bas dans la neige. Le lendemain nous nous offrions Aloïs sur cette même paroi où nous grimpons maintenant en chaussons. Aujourd'hui en baskets, tee-shirts nous avons opté pour un piolet plus light et un peu plus basique.



Une bonne petite journée sur du caillou extra bon qui comme toujours se termine par une jolie balade via la Brèche de Roland ! Mythique !