samedi 2 mai 2020

• un jour, une étape, une photo • #14


J14 : «L’arrivée collector !»
30km dont 24 en kite 

Le réveil est de plus en plus matinal… Peut-être la faute à ce petit vent qui agite légèrement la toile de tente ou l’excitation d’arriver ??
Pour une journée annoncée sans vent, c’est plutôt à prendre qu’à laisser ! On essaie de ne pas trop traîner durant le rangement des pulkas et de la tente pour attraper ce petit créneau, qui comme souvent, risque de ne pas durer bien longtemps. Celui-ci ne fera pas exception à la règle. On part sur les chapeaux de roue pour un ride qui avait tout pour être parfait, si seulement il avait duré plus longtemps. Cap parfait, bonne allure et sourires jusqu’aux oreilles !

Je suis sous la 4m et Bruno sous la 8. Ça file bien, mais en me retournant, j’aperçois Bruno et les pulkas à l’arrêt au loin… Il plie sa voile pour passer à la taille au- dessus.

Il tente de gonfler la 12m en vain. Cette dernière est plombée, les caissons sont soudés par la glace puisqu’on l’a pliée, dans la tempête de neige, hier soir. Je fais du surplace voile haute en attendant mais le vent faiblit encore et encore… Je repars, mais quelques mètres plus loin, la 4m tombe. C’est terminé pour ce coup-ci !

Vingt minutes de kite et 10km de gagné vers Severobaïkal, c’est toujours ça de moins à faire à pied !
Une vingtaine de kilomètres nous sépare encore de l’arrivée, mais pas de stress, on a toute la journée devant nous ! Nous enlevons nos casques, ouvrons nos chaussures, tournons les fix, collons les peaux, sortons les bâtons, accrochons la cordelette pour tirer ensemble les pulkas, enlevons la grosse doudoune… Quelle logistique chaque fois ! Et ce que l’on ne sait pas encore, c’est que cela est pour la dernière fois !!!
Aujourd’hui, il faut aussi enlever les gants et le bonnet, remonter les manches et mettre le pantalon en mode bermuda ! Le printemps est là !

Nous marchons d’un bon pas afin de parcourir le maximum de distance avant que le soleil ne chauffe encore davantage et transforme la neige en super glue ! Si on venait à botter comme la veille, ce n’est pas une journée qu’il nous faudrait pour rejoindre la civilisation mais deux ou trois !! Rejoindre douche, lit chaud et bière est une bonne motivation et cela se ressent à notre allure de marche. On avance bon train, motivés comme jamais, pourtant la ville, au loin, est un minuscule point qui ne grossit toujours pas.

Petit cadeau d’adieu du Baïkal : un petit vent se lève ! De l’air dans le bon sens en plus, c’est suffisamment rare pour être signalé !! On remballe nos tenues de marcheur, à toute vitesse, et on passe en mode glorieux kiteurs ! L’arrivée est palpable … Ça file bien quelques minutes, puis ça faiblit encore… 

Bruno s’éloigne alors que j’avance à petite vitesse. Ma 8m décroche régulièrement. Je croise les doigts pour réussir à la refaire décoller chaque fois. Parviendrai-je à le rattraper ? Réussirai-je à rejoindre la rive qui est encore si loin, sous voile ?? Suspens jusqu’au bout !
Bruno trace tout droit, alors que comme la veille, je suis obligée de, sans cesse, donner de la vitesse à ma voile et de m’y opposer. C’est reparti pour une session de slalom géant à plat ! Chaque mètre est un mètre de gagné mais je doute de réussir à garder le rythme et à maintenir cette technique jusqu’à la fin ! Mais la joie d’arriver au bout du lac, me donne des ailes ! Virage à droite, virage à gauche, virage à droite… ça fonctionne ! Bruno s’arrête de temps à autre, voile au zénith, puis reprend à chaque coup une avance considérable.

La situation se complique encore davantage à l’approche de la berge. Il s’agit de zigzaguer, maintenant, entre les blocs, au milieu des barrières de glaçons qui défendent l’accès à la plage .Une fois les chaos de glace derrière nous, j’aperçois, dès lors, plus nettement, les jolis cabanons multicolores qui bordent la côte. J’avance tant bien que mal entre les buissons et les maisons, en partageant la route damée par le passage, avec quelques voitures… Pas facile ! Bientôt, je distingue Bruno, voile bien garée, devant les cabanons de plage… Cette fois, ça y est, quelques mètres encore et cette traversée sera terminée. 

Je m’applique pour rejoindre, à mon tour, le parking à la voile, en prenant soin de ne pas arracher une antenne TV sur un toit ou de ne pas rester accrochée à une voiture qui me double par la droite ou par la gauche ! Vu mon expérience en kite urbain, je ne peux m’empêcher de repenser à toutes ces histoires de kiteurs nautiques empalés sur des clôtures, en bordure de dunes, ou éclatés sur des façades d’immeubles de bord de plage… Après tout, nous aussi, nous sommes des kiteurs nautiques et on n’est pas si loin de cet environnement de bord de mer !

Finalement, je me gare sans accros, en épis, à côté de mon « choubidou » de kiteur. On se regarde, trop contents.

Passer la ligne d’arrivée d’une si belle manière, on n’en revient pas ! Trop la classe de chez la classe ! Celle-ci, on n’est pas prêt de l’oublier…
Le temps de se décrocher des voiles et on se saute dans les bras : « Tu sais quoi ?? On a traversé le Baïkal !!!!!! »

Il est 13h, cela fait maintenant 13 jours et demi que l’on a quitté Kultuk, sur la rive Sud du lac. 646km parcourus au total : 193km à pied et 453km en kite. « Spasiba » le vent !

On est heureux comme des navigateurs qui accosteraient d’une grande traversée. Un mélange de joie, de délivrance, de désir de repos mérité mais aussi une petite perte de repères après tant de jours passés à avancer dans la même direction. Et maintenant, on fait quoi ?

En quelques minutes, on est presque déjà nostalgique de cette immense flaque gelée qui nous aura tant fait rêver, nous aura malmenés parfois, tenus toujours en haleine. Nous sommes un peu comme deux marins qui auraient le mal de terre…

vendredi 1 mai 2020

• un jour, une étape, une vidéo • #13



J13 : «Bataille avec Eole ou les bottes de sept lieues !»
41km en kite (pas cadeau !)

Toute une journée sous les voiles à attendre le vent… Ce petit bout de vidéo parlera de lui-même !
Peu de vent et beaucoup de neige collée sous nos pieds !

Bruno passe la journée accroché à la grande 12m alors que je tente d’avancer sous la 6m puis sous la 8m.
Après un mini vent travers, c’est vent arrière au menu… ça avance au ralenti !
Est-ce la faute de ce vent léger ou de ces kilos de neige collante qui nous cloue au sol ? Sûrement un peu des deux mais quand même… cette neige… Grrrr !
Alors que Bruno réussit à avancer tout droit à petite vitesse, je suis en mode « slalom géant » (d’où les skis… enfin, je comprends !!)

Je dois sans cesse opposer mon corps et mon sens de déplacement à la traction de la voile afin de garder de la tension et de la maintenir un minimum gonflée. Mes skis doivent donc changer de direction toutes les 5 à10 secondes par des virages serrés ou être en chasse-neige le reste du temps… C’est crevant de chez crevant et j’explose de chaud !!
Si quelqu’un suit ma trace dans la neige, qu’ imaginera-t-il ?
Peut-être se dira-t-il : « Tiens, tiens… un kiteur accompagné d’une grande skieuse de slalom (à plat !) s’approchent du but ultime !!

En effet, le bout du lac se rapproche, et pourtant, il est bien difficile de dire précisément, quand est-ce que nous accosterons de cette transbaïkal… Depuis quelques jours, nous sommes passés sous le cap des 100km et on se rend compte peut-être encore davantage des aléas du vent dans le timing du périple.
Pour exemple :
150km peuvent largement être parcourus en kite, en une seule journée, par bonnes conditions de vent, alors que sans l’aide de ce dernier, il nous faudrait, environ une semaine de marche pour en venir à bout… Voilà pourquoi, chaque matin, depuis 3 ou 4 jours, en se réveillant, on imagine peut être rejoindre la terre ferme (douche, lit et frites…) le jour même, après un ride d’enfer… ou pas !
Chaque jour est donc une surprise !
Pour autant, plus on avance, même à un tout petit rythme, et plus on a maintenant de chance d’arriver le jour suivant ou celui d’après...

Ce soir, 30km à peine nous séparent de la rive Nord du lac, autant dire que ce coup-ci, le voyage se termine demain à coup sûr !
Une grosse journée de marche ou quelques minutes de kite… La seule chose qui changera, sera l’heure plus ou moins tardive à laquelle nous engloutirons notre premier vrai repas au restau et avalerons notre première bière pour fêter cette trop chouette traversée !
Fin de journée avec encore un peu de vent mais aussi une bonne averse de neige, on pourrait pousser encore un peu…

Mais croyez-le ou non, la fin approchant, nous sommes déjà presque un peu nostalgiques et on ne veut plus finir si vite ! Et à quoi bon se presser… de toute façon, maintenant on le sait, chez nous tout le monde est confiné…
Un dernier bivouac pour le plaisir !