samedi 9 avril 2022

Comme deux gitanes au salon de la caravane !

Drrrrriiiiiinnnnng !!
Quand la cloche de l’école retentit pour sonner l’heure du départ en vacances, Flo est déjà loin de la salle de classe. En même temps, chausser ses baskets et prendre ses jambes à son cou, c’est plutôt prévisible pour une prof d’EPS ! 
De mon côté, retrouver cette sensation de fuir l’école en courant et sauter à pieds joints dans les vacances me rappelle de chouettes souvenirs. C’est clairement la partie du métier dans laquelle j’excellais !
Après quelques semaines à me cailler les fesses à l’ombre des cascades de glace, l’idée, non pas de retrouver des élèves, mais plutôt de me payer deux semaines de vacances au soleil entre copines n’est pas pour me déplaire ! 


Nos vacances ont chaque fois ce point commun : elles sont toujours pleines de surprises. Des rencontres parfois incongrues, des expérimentations en tout genre et des activités souvent variées.
Une destination qui se décide toujours au dernier moment, avec des centres d’intérêts assez divers. Comme ça, on peut se retrouver à aller faire du camping au Groenland pour voir si l’ours polaire s’intéresse alimentairement à deux rigolotes comme nous ou faire du tricot sans trébucher aux pieds des falaises américaines. On peut aussi se retrouver à jouer à cache-cache avec le vent patagon, accrochées au bout d’une corde ou encore être amenées à faire caca en tête à tête dans des ziplocs et à hisser des sacs plus lourds que nous ! 
En général, on revient de ces aventures un peu cabossées, parfois un peu affamées mais toujours avec la banane.
Ce coup-ci, le programme des vacances, c’est volcans, pizzas, gorgonzola et falaises avec vue sur la mer. 
Sicilia, nous voilà !



Les vacances avec Flo, c’est un peu comme être en colo, tout est super bien organisé pour s’amuser comme des petites folles.
D’abord, tu remplis ton petit sac à dos avec trois culottes, tes chaussons d’escalade, tes crayons de couleur et tu sautes dans le bus… Si, si, vous avez bien entendu : un bus. Les nanas s’embourgeoisent grave !



Ensuite, comme ces deux là ont des vies aussi trépidantes que fatigantes, un temps calme s’impose avant d’attaquer les vacances de folie. 
Vingt-quatre heures de repos forcé : Pas de réseau et un périmètre pour se dégourdir les jambes égal à celui du pont d’un ferry. 
C’est donc en grande forme que les matelots débarquent sur l’île dans une folle partie d’auto-tamponneuses. Tut’tut’ !! Palermo di notte in un camion… « Vas y fonce ! » Le problème, c’est que justement le camion qui fonce en question n’est pas à nous !


La suite se déroule à San Vito Lo Capo. 
Quartier libre : Falaises de rêve pour activités « grimpe en 3D » et balades botaniques. Concrétions, tuffas, trous, réglettes, colos, euphorbes, cactus et plants de rue gigantesques ! 
« Classe verte » : Géologie et jardinage. 






Caillou, flore et même faune : 
D’une part, parce qu’on a quand même retrouvé Flipper le dauphin tout sec échoué sur la plage. Et d’autre part parce qu’on a subi une attaque en règle de millions d’abeilles, arrivées en catimini, dans un bourdonnement d’hélicoptère. Sauver sa peau quand on est agrippé au rocher ou pendu au bout d’une corde…. Brrr.. Ciao les dégaines accrochées là haut ! 

Flipper, le dauphin 





Tempête de vent, chaleur étouffante, orages, froid, pluie… Le climat est aussi varié que les styles de grimpe. Les pattes avant font le job pendant que les pattes arrière suivent comme elles peuvent… à moins que ce ne soit l’inverse ! Quoiqu’il en soit, une chose est sûre, on fait des bonds de sardines, c’est trop bien l’escalade !






Pourtant nous avons un soucis de taille. Face à ces points d’assurage tout corrodés par l’air marin, on ne sait pas qui lâchera en premier, les bras de la grimpeuse ou le goujon tout rouillé. A moins que l’un n’entraîne l’autre dans sa chute et que tout le monde se cratérise au sol dans un tas de rouille et de «ouilles» !
On ne compte plus les descentes en moulinette sur deux points douteux sans respirer, en fermant les yeux et en serrant les fesses pour finalement toucher le sol, intactes. Qui aurait cru qu’on se ch…rait autant dessus, à 35 mètres du sol !


Pour Flo se sera aussi à quelques reprises, « classe bleue » puisque cette grenouille se baignera dans cette eau qui me refroidit toute entière du simple fait de la regarder. Quel courage !

Pas de cryothérapie pour moi mais des vacances qui prennent vraiment des allures d’un sejour minceur & remise en forme : « Vitamines, sommeil et zéro alcool ». 
Exercice physique (J.O en direct), repas à 18h (comme à l'Ehpad !), légumes à volonté, hydratation maximale rarement égalée d’un volume équivalent à deux verres d’eau ( !!) par jour et au lit à 22h. Uffff… Qui l’eut cru ?! Merci la coach !


Mais attention ne croyez pas qu'à la colo, les veillées ne soient pas pour autant animées, surtout que dans notre palace, c’est électricité à volonté ! Quel luxe ! 
En moyenne, celles-ci commencent à 18h02 pour Flo qui a encore une fois englouti son assiette en 2 minutes. Une heure et quart plus tard, je fini enfin mon bol de salade (et encore que je ne compte pas le temps nécessaire à la rumination).
La salle à manger se transforme alors à la fois en atelier créatif, en bar des sports et en manif de gonzesses. « Classe culturelle » : pinceaux, crochet, papier, aquarelle, laine, crayons, gomme et craies pastel… ça gribouille et ça tricote sur fond de patinage artistique, de biathlon ou de nos podcasts préférés. On adore quand Candeloro élucide les disparitions inexpliquées sur France inter ou lorsque Fabrice Drouelle commente les triples loops piqués ou le double axel à la télé ! Passionnant ! 
Mais tout ça n’est rien par rapport à un épisode d’un podcast féministe « des couilles sur la table » commenté par ce bon Nelson Montfort ! Collector ! 



Sinon en février, la coutume, c’est plutôt « classe de neige » que « classe verte », il a donc fallu faire rentrer dans nos bagages skis-bâtons-chaussures, dva-pelle-sonde et gants-bonnet-lunettes !
On la connait la chanson même si pour ma part, ça fait un bon moment que je ne l’ai pas fredonnée ! Unique sortie à ski de l’hiver mais pour l’ascension d’un sommet de choix !
Roulement de tambour… Messieurs, mesdames, voici l’Etna tralala ! 






Approche du sommet non autorisée au-delà d'une certaine altitude mais pas non plus interdite. Allons voir ça de plus près !




Changement d’activité. Un pied devant l’autre, pour gravir 1500 mètres de dénivelé (stage remise en forme oblige !!) en ski puis en crampons pour aller voir quelles surprises se cachent au sommet ! C’est mieux qu’un œuf kinder parce que là haut, la surprise est énorme : Fumerolles, grondements, traces de souffre, épaisses fumées, crevasses, sol chaud et cailloux qui volent dans les airs. La montagne est vivante. Il s’en passe des trucs de fous là haut ! On voit rouge : cours particulier de vulcanologie, « Classe de sciences de la vie et de la terre ».
On en prend plein les yeux, plein les oreilles et plein les poumons.












Excitées comme des puces par tant de découvertes, ce n’est qu’au coucher du soleil que les deux pépettes se décident enfin à rechausser les planches et à se laisser glisser vers le bas. Quelques virages suivis d'une expulsion des pistes pour horaires trop tardifs et l’affaire est dans le sac ! 
Vous savez quoi ? C’est ma balade à ski préférée celle-ci !






En colo, il y a toujours la soirée du séjour que tous les colons attendent avec impatience. On compte les jours, on compte les heures, on choisit sa tenue, on se pomponne, on se parfume et on sort la boule à facettes. C'est la soirée où on peut manger des bonbons et boire du coca, le soir où les enfants ont la permission de minuit, le moment fort du séjour, la soirée des soirées, le clou du spectacle, la nuit où tout est permis, le soir des slows et des coups de foudre, c'est la boom quoi !
Alors ne vous inquiétez pas, ce soir-là, je n'ai pas roulé une pelle à Flo. Non, c'est largement plus croustillant que ça !
Ce soir, dans la nuit noire, l’Etna fait son show.


Sous un ciel étoilé, la masse sombre de la montagne semble tout d'abord couronnée par une faible lueur au moment où Flo sort du camion pour faire pipi avant qu'on ne reprenne la route. Elle revient en hurlant comme une sauvage qui aurait vu un grille pain. Elle me fait une de ces peurs cette folle, j'ai bien cru qu’il y avait le feu ! Ah bah si, en fait, il y a de quoi s'exciter, ça brûle carrément et nous on s'enflamme complètement ! Et dire qu’on aurait pu rater la seule éruption de ces derniers mois. Ou plutôt non, et dire qu'on est pile au bon moment, au bon endroit. C’est comme ça les vacances avec Flo !



Seules sur le parking de la station de ski, on est aux premières loges. Grosses doudounes, bonnets enfoncés sur la tête, cornet de popcorns et appareils photo dégainés, on est prête! Le spectacle ne fait que commencer pour les deux petites chanceuses que nous sommes… 
En quelques minutes, la lueur rougeâtre grandit à vue d’œil jusqu'à ce que le sommet s’enflamme littéralement sous nos yeux, tout comme nos cœurs qui battent la chamade. On court sur le parking pour avoir encore davantage de recul, on grimpe sur les barrières pour avoir un angle de vue différent, on saute dans tous les sens, on s’interpelle, on crie, on se marre et presque on pleure ! Les appareils s’affolent, on retient nos respirations à chaque cliché et comme on prends environ 3000 photos en quelques minutes on est au bord de l’apoplexie ! À plat ventre sur le goudron afin de stabiliser un peu les prises de vue, on grelotte de froid. Peu importe, on continue ! On en prend plein les mirettes. Ce soir, la nature nous gâte sacrément !




Nous papillonnons tellement dans tous les sens que lorsque nous décidons de reprendre le camion pour nous éloigner un peu et avoir encore davantage de recul, il faut se concentrer un peu sur le volant pour ne pas finir dans un talus ou dans un vieux champ de lave, témoin d'ailleurs de spectacles passés version XXL. À chaque fois que nous jetons un œil par la fenêtre, on a l’impression que les gerbes de lave sont de plus en plus hautes dans le ciel. Le panache de fumée occupe désormais toute la voûte céleste et on aperçoit bientôt la lave qui commence à couler sur les flancs de la montagne. C'est comme dans les encyclopédies. Magie puissance dix mille ! 
La montagne est en feu, c’est l'apothéose. Cette nuit, l’Etna sort le grand jeu !
C'est, je crois bien, le plus beau jour de ma vie. <3


Des éclairs immenses rayent parfois le ciel, en long, en large et en travers. On croit juste rêver mais finalement après quelques recherches, on apprend que ce phénomène est connu et même assez fréquent lors d’éruptions, on appelle ces décharges électriques, l’orage volcanique. Pour nous, c’est bel et bien le coup de foudre. On est excité comme des gitanes au salon de la caravane. Quand nous serons grandes, nous serons vulcanologues !
Comme Haroun Tazieff,  comme Maurice et Katia Kraft et comme Guy de Saint Cyr, nos toutes nouvelles idoles. 
On vous partage ce podcast là, parce que vraiment on est trop fan de Guy et de ses aventures !

Ce soir là, le stage « remise en forme et dodo tôt » prend un sérieux coup dans l’aile. A 2h du matin on n’est toujours pas au lit ,mais bon, on a une excuse en basalte : « on avait éruption ! »

C'est bien connu, les vulcanologues sont des animaux nocturnes. Notre nouvelle passion dévorante nous pousse dès le lendemain à embarquer sur un bateau en direction des îles éoliennes. Il est 5h du mat' quand le réveil sonne. Les lendemains de boom, ça pique toujours un peu. On a encore du mal à croire à la folle soirée que l'on vient de vivre.
Allez debout, pas de temps à perdre quand on a le monde entier des volcans à découvrir ! 

On navigue 2h d'île en île, chaque île est une colline et chaque colline, un volcan. Nous choisissons le dernier arrêt pour quitter le bateau. 
Stromboli nous voici !








Comme l'Etna, l'accès au Stromboli est officiellement réservé aux randonneurs accompagnés d’un guide vulcanologue ou d'un guide de haute montagne UIAGM. Deux petites guides UIAGM en passe de devenir vulcanologues comme nous peuvent donc se rendre là haut en toute tranquillité même si nos connaissances en terme de vulcanologie sont assez proches du néant. Cherchez l'erreur ! 
Cette idée n’est pas pour nous déplaire puisque suite à quelques infos prises auprès des locaux, l'accès au sommet serait officiellement interdit. Il est en effet demandé de stopper sa randonnée 400m de dénivelé sous le sommet pour cause de cratère en activité. 
400m sous le sommet ?? … mais c'est nul, on ne verra rien ! C’est que maintenant, on a des goûts de luxe quand il s’agit de spectacle "son et lumière".

Dans une pente de 900m, s'arrêter au beau milieu, c’est un peu comme rester devant la vitrine d’une pâtisserie pour moi ou d'un magasin de légumes pour Flo, sans pouvoir en pousser la porte. C’est même pire puisqu’ici, on n'a aucune visibilité sur ce qui se passe au sommet. Pas de son, pas  d'images et même pas d'odeur… On continue !




Dans cette pente raide couverte de roches noires, le sentier zigzague et on prend vite de la hauteur. Le soleil tape déjà très fort en ce matin de février. Évidemment, on a une pensée pour les collègues qui viennent travailler ici au mois d’août et pour leurs clients qui doivent tomber, comme des mouches, atomisés par l’effort, la chaleur et le manque d'eau dans ce désert minéral.
Aujourd'hui pas de mouche et pas un chat aux alentours. Nous sommes seules sur la montagne et habillées comme deux arlequins, on doit pouvoir nous apercevoir depuis la plage. Bonjour la discrétion pour des randonneuses clandestines ! On ne traîne pas. À l’approche du sommet, on commence à entendre quelques grondements de temps à autre et on hâte encore le pas !
Qui a dit que la curiosité est un vilain défaut ? Mais que ferait la science sans curieux ?!

Peu avant le sommet, on rencontre des abris en béton armé. Difficiles d’imaginer que des projectiles puissent arriver jusque là. On y abandonne nos sacs en se disant que ce sera ainsi plus facile s'il faut s’échapper en courant avec la lave aux fesses ! On prend nos appareils photos et on part en mode « grands reporters sur les volcans du monde ».
 




A chaque rugissement on s'arrête, on se regarde un peu inquiètes et en même temps beaucoup trop excitées pour imaginer ne pas aller voir ce qui se passe derrière la bosse suivante. 
Au sommet on découvre un immense cratère d'un côté, et puis de l’autre, en contrebas, on aperçoit plusieurs autres cratères de formes et de tailles différentes. C’est ici que se déroule le spectacle ! 




Ça fume et parfois, ça fume beaucoup beaucoup beaucoup. Parfois dans un bruit sourd, des morceaux de lave rouge sont expulsés en l'air, jusque très haut dans le ciel. Notre balcon est un belvédères parfait ! Une fois encore, on en croit pas nos yeux.
A intervalles irréguliers, chaque cratère offre ses quelques secondes de spectacle pyrotechnique. Comme devant un feu d’artifice, on peut nous entendre hurler à chaque nouvelle explosion ! Aujourd'hui encore, nous sommes les reines du pétrole... pétard !





En bonnes scientifiques, nous nous organisons dans nos observations. Pour être sûres de ne rien manquer, on se réparti la zone : chacune de nous deux doit surveiller deux ou trois cratères pour qu'à chaque signe avant-coureur on puisse identifier lequel va cracher sa lave. Chaque bruit suspect et chaque production de fumée notable sont des indices de taille. C’est bien connu, pas de fumée sans feu !
Surprise !
Et puis il y a ce petit cratère à la forme parfaite que l'on n'a à peine remarqué, qui depuis que l'on est là, n’a vraiment donné aucun « signe de vie ». Et voilà que sans que l'on s’y attende, il nous offre une éruption inattendue. Méfiez vous de l’eau qui dort, maintenant on sait aussi qu’il peut aussi y avoir du feu sans fumée ! Parole de chasseuses de lave !


Cent dix huit milles clichés plus tard, les cartes S.D sont largement saturées, nous n’avons plus de voix, on jette un coup d'œil à l'heure et on se rend compte que le temps passe encore plus vite au sommet d’un volcan ! Le soleil est déjà bien bas sur l'horizon. Pas sûr que le bateau attende les randonneuses illégales, on dégringole de la montagne pour rejoindre la plage à toute vitesse. 


Retour sur « le continent » à la tombée de la nuit. Depuis notre embarcation, nous avons une vue imprenable sur l'Etna. Semblable à une montagne tout à fait quelconque, coiffée d’un tout petit nuage. Dans notre dos, le Stromboli, petite colline si calme en apparence. 
Qui pourrait croire qu'il se passe parfois des trucs de l’espace là haut ?! Nous !


Aux bons endroits, aux bons moments, quelles expériences et quelles joies ! On est certainement pas prêtes d’oublier cette colonie de vacances en Sicile. 
Merci la vie et merci la terre !