mercredi 21 novembre 2018

Deux patates au Mont Perdu !

Le Mont Perdu est un de ces sommets mythiques des Pyrénées. Situé entre Gavarnie, le Canyon de Pineta et celui d’Ordesa, le pied même du Mont Perdu ne se laisse approcher qu’au terme d’une belle et longue balade. Un sommet isolé et sauvage que j’avais envie de découvrir depuis quelques années sans que l’occasion d’y aller ne se soit encore jamais présentée. 
Cette année, par une belle journée d’automne, cette petite lacune fut joliment comblée de manière élégante et en excellente compagnie.


L’idée avait germé le printemps dernier en même temps que les amandiers blanchissaient aux pieds des tours de conglomérat des Mallos de Riglos. Nous partagions alors avec Françoise, nos tout premiers moments d’escalade ensemble. Au beau milieu de ces gros galets, champs de patates verticaux, la « cordée des patates » était née. Yééépa !

Nous avions alors enchaîné autant les jolies voies que les parties de rigolade, les bons petits repas et les fondants au chocolat que les dodos en mode clodo. Nos bras chauffaient et déjà les projets fleurissaient.



L’Eperon des Esparrets au Mont Perdu faisait partis de ces derniers. Une belle classique signée Ravier : une bonne approche, 800 mètres d’escalade et une longue descente via la voie normale. Une vraie petite course pour rejoindre un de ces sommets qui faisait rêver la petite pyrénéiste que je suis.


C’est fin septembre, profitant de l’été indien, que nous avons eu la chance de parcourir ce fabuleux itinéraire.
Une première demie journée de marche nous permet de rejoindre les alentours du Lac Glacé et le pied de la face Nord du Mont Perdu depuis la vallée de Pineta. Françoise qui connait bien le coin me guide à merveille jusqu’aux balcons de Pineta. Quel luxe ! 


C’est ici que nous choisissons de bivouaquer, en pleine montagne, les isards et nous : le rêve ! 
Les deux patates que nous sommes sont tout simplement ravies d’être ici et surtout de se mettre au chaud dans les duvets après avoir englouti une bonne purée de patate ! La nuit est plutôt fraîche.



Le lendemain matin, il fait encore nuit quand nous partons en direction de l’éperon. Une longue traversée à flanc puis un système de vires, un passage sous un bloc coincé et un couloir à désescalader nous conduisent au pied de la base de l’éperon que l’on remonte par des pentes herbeuses. Il nous faut environ une heure d’approche à la lueur de la frontale pour rejoindre l’attaque de la voie proprement dite. J’ai un peu de mal à imaginer que l’on puisse trouver si facilement ce chemin dans le noir sans repérage préalable. Contente d’être venue faire un petit tour et d’avoir déposé un peu de matériel au pied de la voie la veille au soir. 


Vers 7h30, avec les premières lueurs du jour, j’attaque la première longueur. Les lumières sont belles et l’escalade est un peu raide mais assez prisue. 

Quelques blocs instables donnent le ton de la journée. Il ne faudra pas tirer sur n’importe quoi si je ne veux pas transformer ma patate de copine en purée ! En moulinette (à ne pas confondre avec « à la moulinette » !), celle-ci me suit avec une efficacité redoutable. Ça ne traîne pas et on prend bien vite de la hauteur.


Mon petit doigt (cassé et bien sagement scotché à son voisin) me dit qu’il est ravi de reprendre l’escalade dans un cadre pareil !
Nous profitons des tout premiers rayons du soleil. Ce dernier nous accompagnera quasi toute la journée. Montée en versant Est, descente côté Ouest… Elle est pas belle la vie ?


Nous enchaînons les longueurs et les ressauts en jetant un coup d’œil de temps à autre au topo : Deux patates au Mt Perdu, ça a un peu peur de se perdre !

Tantôt sur le fil de l’éperon ou dans des dalles peu protégeables, tantôt en haut d’une aiguille, dans une cheminée, dans des murs raides et fissurés ou encore sur une vire magique ! Quelle imagination et quel sens de l’itinéraire ces Ravier ! Une fois encore, il fallait venir le chercher cet éperon puis s’y frayer un chemin.









La cordée de patates est tout sourire. On se régale. L’escalade est à la fois verticale mais roulante, aérienne et variée. L’itinéraire quant à lui est logique, esthétique et astucieux. L’équipement épuré et le rocher pas toujours évident à protéger. A chaque longueur, j’ai hâte de découvrir ce qui nous attend ensuite. On va de surprise en surprise jusqu’à cette miraculeuse petite vire qui semble tout simplement avoir été inventée pour permettre aux promeneurs des Esparrets de rejoindre les cheminées de sortie, à moindre frais. Magique !




C’est de « croulantes » que les topos qualifient les cheminées de sortie. En évoluant dans cette pile d’assiettes verticale, je me dis que les topos ont parfois les mots justes. Malgré tout, quand Françoise me rejoint, elle a le sourire jusqu’aux oreilles et son casque ne ressemble pas à une passoire : tout va bien ! On continue ?


A la mi-journée, après 800 mètres d’escalade, nous sommes en haut de l’éperon, pour autant le sommet du Mont Perdu est encore loin. Nous troquons les chaussons contre les baskets, raccourcissons notre encordement, rangeons un peu de matériel, mangeons une demie barre et buvons trois gouttes d’eau. 

Une alternance de ressauts faciles, de vires mais surtout d’éboulis nous conduits au Col Oriental. Il est aux alentours de 14h quand nous découvrons avec surprise le dernier ressaut. Environ 350 mètres de dénivellé, nous séparent encore du sommet. Sans concertation aucune, on lâche d’une seule voix un « Oh purée ! ». Un grand mur gris très raide se dresse au- dessus de nos têtes, on se croirait au pied de la face Nord de la Tour du Marboré. C’est vertical, voir déversant, compact, humide, à l’ombre et plutôt austère. Oulala !
Un peu inquiète, je jette un œil au topo. Celui-ci indique que la clé du mystère se trouve sur la gauche du grand mur par des passages d’escalade côtés III+/IV. Une blague ? … Les cheminées croulantes et les « mots justes » du topo me reviennent en mémoire. Allons voir !

Patates que nous sommes, nous oublions de faire ce qui devait être la première vraie pause de la journée et repartons aussitôt, un peu perplexe je l’avoue, en direction de la partie gauche du mur final. En quelques secondes, nous réalisons que le réel problème n’est peut être pas le mur terminal mais le moyen de s’en approcher. Au col Oriental, l’arête neigeuse présente habituellement a laissé place, en cette fin de saison, à d’ignobles éboulis verticaux qui plongent dans le vide. Un pas en avant, trois pas en arrière, les patates perdent un peu de leur frite !
Finalement, en zigzaguant à droite puis à gauche, je parviens à me frayer un chemin dans ces pierriers « croulants » puis entre du caillou moisi, des toits, des flaques de rochers mouillés et même de fines plaques de glace, dans ce dernier ressaut. En quelques petites longueurs nous rejoignons encore de grands éboulis et le soleil. Ouf !



Les patates retrouvent le sourire. Cette fois, le sommet est en vu mais il va encore falloir user la semelle des chaussures et faire chauffer les cuisses pour le rejoindre. Une petite demie -heure de randonnée et une centaine de mètres de dénivelé plus tard, nous y sommes !
Pas un isard, ni même un vautour ou un espagnol à l’horizon. Le sommet juste pour nous. Quelle chance ! Je suis tellement heureuse d’être ici… 
Je ne sais pas ce qui me plait le plus : être au sommet du Mont Perdu avec Françoise ou être avec Françoise au sommet du Mont Perdu ?! A moins que ce ne soit d’avoir gravi l’Eperon des Esparrets avec ma patate préférée !


Il est 16h et nous nous accordons la première vraie pause de la journée. Au sommet à l’heure du goûter ! Nous grignotons un morceau, buvons un coup, quittons enfin nos baudriers, sortons les bâtons, tentons un coup de fil à nos hommes restés en bas et immortalisons ce chouette moment par une petite photo. Une heure plus tard, il est temps de nous remettre en route. La descente est encore (très) longue.


Des cailloux, des cailloux et encore des cailloux… En cette fin de saison, la voie normale est quasi exclusivement minérale. Quand on atteint l’Etang Glacé, nos baskets sont à moitié pleines de gravier. 


Nous regrimpons ensuite jusqu’au Col du Cylindre puis basculons en face Nord et descendons jusqu’au niveau du glacier. Les chaussures se remplissent encore davantage. Un kilo de petits cailloux à chaque pied se n’est pas pratique pour désescalader les cheminées !



Nous voici, de retour à la case départ : l’emplacement de notre bivouac au pied de la face Nord, quitté un douzaine d’heures plus tôt. On arrive tout pile pour l’apéro. Faute de cervezas et de patatas bravas, les patates se contentent d’un petit thé et de quelques miettes. Les sacs se remplissent à nouveau.
Nous repassons en mode escargot. Avec notre maison sur le dos, il ne nous reste plus qu’à nous laisser glisser jusqu’au fond de la vallée. La nuit ne tarde pas à nous rattraper et c’est à la lueur des frontales, que nous perdons tout doucement de la hauteur. Les jambes commencent à fatiguer mais les langues semblent encore bien fonctionner. Deux patates, ça n’arrête jamais de parler !


A 22h, nous rejoignons enfin le fond de la vallée de Pineta et la voiture. Quelle bambée ces Esparrets ! 

Je me souviendrai d’un bel itinéraire, d’un beau sommet, d’un chouette voyage en montagne, entre filles et sans avoir vu un chat. Il est minuit quand nous retrouvons Jacques à Arreau. Les patates sont ultra contentes mais cette fois, les patates sont cuites !

mercredi 7 novembre 2018

Les pépètes en vacances


Vacances : [au pluriel] Temps de repos, d'interruption des travaux.

Changement de rythme et, parfois, de décor avec la vraie vie : celle où l’on bosse (dur !).
1936 : Premiers congés payés, les français partent (enfin !) en vacances remerciant le Front Populaire pour ces quelques jours de répit. Partir. Quitter l’usine, le bureau, l’école ou le chantier... Fuir la routine et le réveil qui sonne chaque jour un peu trop tôt. Remplir ses valises d’un maillot de bain et d’une serviette puis prendre la route du sud.
Pour la plupart des gens, le mot « vacances » est synonyme de repos. Un moment pour décompresser, se relaxer, se ressourcer. En trois mots : le prendre cool !
Tapez toujours ce même mot sur Google, c’est, sans aucun doute, des images de plages de sable blanc, de chaises longues, de cocotiers et d’eaux turquoise qui apparaîtront.
Il s’agit aussi de passer du temps en famille, entre copains, parfois rencontrer de nouveaux amis ou encore trouver le grand amour.
Prendre des vacances, c’est avant tout prendre du bon temps et se faire plaisir. Plus d’horaire, plus de contrainte, juste ne rien avoir à faire.

Apéros en terrasse, restau avec vue sur la plage, plateaux de fruits de mer, glaces de toutes les couleurs, sieste sur le sable, hôtel 4 étoiles ou camping avec piscine.
Tout peut sembler facile. Encore faut-il avoir choisi le bon paréo, ne pas avoir oublié son maillot de bain et avoir pensé à s’enduire de crème solaire !
Imaginez par exemple, la pépète qui va planter sa tente sur une plage au bord de la France. Elle doit choisir entre la robe jaune et l’écossaise, les collants, les chaussettes ou les bas puis tout faire rentrer dans sa valise en carton. Il lui faut gérer les marques blanches sous son string et le reste de sa peau toute brûlée, à grands coups de monoï et de crème Nivea. En plus, elle rêve d’un grand amour exotique. (Merci Renaud !)

Pas simple… Moi, je serais sacrément embêtée à sa place !

Bref, il y a les vacances des gens « normaux » et les vacances des alpinistes.

Les alpinistes sont cette drôle d’espèce qui cherche toujours à faire compliqué quand on pourrait faire simple. Ceux qui montent pour redescendre aussitôt plutôt que de marcher à plat. Celles qui préfèrent se cailler les miches à la verticale que de cuire (les miches à l’air !) à l’horizontale. Ceux qui préfèrent dormir sur des cailloux froids et pointus que sur du sable doux et chaud. Celles qui passent leurs vacances à avoir peur, mal et froid !

Dans le rôle des aoûtiennes : Flo et Lara. Les pépètes qui partent en vacances… à la montagne !


Premier jour des vacances infernales, les pépètes ont voulu s’éclater (les bras !). Elles hésitent entre les chaussons, les crampons ou les bonbons. Finalement elles s’arment de piolets et optent pour quelques longueurs de dry.

Elles sont un peu étonnées d'être surprises quand elles découvrent qu’une trentaine de bidasses en uniforme ont eu la même idée qu’elles. Il faut dire que c’est le seul bout de rocher sec de la vallée.
En quelques heures, elles comptabilisent moins de voies que de remarques lourdingues « made in la caserne ».

« Z’ont jamais vu de pépètes qui grimpent ou quoi ces troufions ?!? »
Quand elles terminent la journée, même les piolets sont complètement daubés et toute la poussière du secteur a fini dans leurs grands cheveux (emmêlés) ! Quant au grand amour exotique, ce n’est pas ici qu’elles le trouveront !

Deuxième jour des vacances infernales, elles hésitent entre une gore tex rouge et une doudoune bleue un ptit peu déchirée, les grosses chaussettes, les moufles ou un poisson surgelé. Finalement elles se fringuent en « pépètes alpinistes » et prennent la direction du Cervin.

Au bout de quelques heures, alors qu’elles sont enfin tout près du Col du Lion, la neige se met à tomber, manque de bol ! Le vent souffle aussi très fort et en quelques minutes, elles sont aussi glacées que les stalactites qui pendent de toutes parts y compris au bout de leur nez ! 





En arrivant, frigorifiées, au refuge Carrel, elles sont quand même heureuses d’être contentes : elles n’ont pas à dormir sous la tente.

Elles avalent une purée au fromage et cailloux puis filent se réchauffer en se glissant sous la moitié des couvertures du refuge. Soit une vingtaine de couvertures pour deux !
Bonne nuit les pépètes !

Troisième jour des vacances infernales. Le réveil sonne à 3h puis à 4h puis à 6h et enfin à 8h. Une grasse mat’ en pointillés. Le point commun à ces différents réveils, c’est que dehors c’est la tempête. Il y a de la neige partout. Il souffle un vent à décoiffer une pépète et il fait un froid de canard ! On se croirait en plein hiver. Bravo les vacances d’été !



Hors de question d’aller jouer aux pépètes volantes et surgelées sur les arêtes. Le Lion et Hörnli attendront.
But au Cervin !
Elles sont quand même furieuses d'être en colère, elles auraient mieux fait d’aller à la mer ! 


Mais les pépètes ça sait rebondir : ça a plein d’idées et ça sait aussi conduire longtemps ! Dolomites de Brenta les voilà !


Quatrième jour des vacances infernales. Elles hésitent entre un maillot de bain, une raquette de ping-pong, des chaussures de bowling ou des tenailles.
Finalement, elles se décident pour dégaines, friends et cordes.


Quand les pépètes quittent la vallée, il fait nuit noire. Une frontale sur la tête et un gros sac bien lourd sur le dos. Au lever du jour, elles sont complètement scotchées d’être bluffées. Des tours rocheuses se dressent de tous côtés. C’est tellement beau d’être joli ! 




 Arrivées aux alentours du refuge Brentei, elles cachent leurs affaires de bivouac derrière des blocs puis, telles deux cloches, filent en direction du Campanile Basso. 
Un quart (car) de l’Ensa est là aussi, et avec lui le grand amour exotique. (Chouette !)


Dièdre Ferhman




Sur les traces de Ferhman, elles se baladent dans le grand dièdre puis sur les pas de Preuss, elles serrent les croûtes jusqu’au sommet. Sacré Preuss !


Cette fois, cela ressemble enfin à de vraies belles vacances de pépètes : caillou chaud, lunettes de soleil, belle escalade, beau sommet et cadre grandiose. 



Sur les pas de Preuss...

Elles sont même super heureuses d’être contentes quand vient le moment de faire tinter le carillon au sommet : trois cloches au Campanile !



C’était sans compter une série de rappels, un vilain couloir de descente et un caillou un peu trop gros s’approchant un peu trop près d’une des pépètes.
Et paf ! Aplatie la main ! Ouille !
Elle est quand furieuse d’être en colère : mais qu’est ce que je lui avais fait à cette pierre ?!?


Attelle de fortune multicolore = Attelle de pépète !
Le petit doigt prend des airs de petit boudin. Leurs vacances sont foutues pour de bon, elles n'avaient qu’à faire un peu attention et c’est tout !

Cinquième jour des vacances infernales.
Pour rentrer, les pépètes hésitent entre la voiture, le bateau ou une fusée !
2h de marche et 7h de bagnole pour une petite visite aux urgences.

Elles sont quand même bien déçues d'être tristes ; les vacances sont finies pour de bon !

Comme la coutume veut que l’on mette du froid sur les fractures, les deux pépètes s’offrent, en cours de route, une bonne glace italienne. Les pépètes trouvent ça délicieux tellement c’est bon ! 


Manger des glaces, bouquiner avec des écouteurs sur les oreilles (https://www.youtube.com/watch?v=NmsgK3bWLlU), se reposer.
En trois mots : le prendre cool.
Tiens, ça me rappelle quelque chose…


Vacances : [au pluriel] Temps de repos, d'interruption des travaux.


PS: si vous n'avez rien compris à ce texte alors suivez le lien ci dessus !