lundi 10 août 2020

Un mois au paradis !

Un mois à parcourir les montagnes de mon enfance…

Quel plaisir d’arpenter ces sentiers un temps abandonnés, redécouvrir ces parois presqu’oubliées, retrouver le gneiss et ses cristaux qui croustillent sous les doigts, sentir la fraîcheur des ruisseaux du bout des orteils, revoir les gorges, traverser le plateau sous les lumières du soleil couchant, passer quelques nuits dehors, marcher dans les hêtraies et les châtaigneraies, croiser des mouflons et leurs tout petits de l’année, s’émerveiller de la bruyère en fleur et des myrtilles déjà là, descendre ces ravins et regrimper ces aiguilles…

Est-ce parce que je connais tant ces endroits que je les trouve si attachants ou est-ce parce qu’ils sont si charmants que j’y suis tant attachée ? 

Est-ce parce que j’ai tant grandi que je trouve à présent cette paroi un peu moins grande ou ce pont beaucoup moins haut ? Mais alors pourquoi les genets sont-ils toujours plus grands que moi à la fin du printemps ? Et cette marche d’approche, pourquoi s’est-elle considérablement allongée avec les années ? Pourquoi tous ces noms de sentiers, de pistes, de vires et de ravins se sont-ils échappés de ma mémoire ? Et cette grande voie qui avait de quoi m’occuper une journée entière jadis, pourquoi est-elle avalée en une ou deux heures à peine aujourd’hui ? Les cordes se sont-elles tant étirées pour en venir à faire si peu de relais le long de ce pilier, à présent ? Et cette longueur qui m’effrayait tant, où est-elle passée ? Et cette aiguille que l’on désescaladait depuis son sommet à toute vitesse pour rejoindre le pied d’une autre aiguille voisine et la grimper à son tour ? Pourquoi aujourd’hui, y guider un groupe me demande tant d’heures et pas mal d’énergie ? Mais comment pouvais-je descendre ces longs ravins en chaussons d’escalade sans avoir les pieds complètement explosés ? Et maintenant, voilà que je grimpe ces voies-là en baskets… Et grimper toutes ces fissures sans camalots… Tous les pitons, se seraient-ils envolés ?

Les mystères des souvenirs d’enfance. L’émerveillement de les retrouver à présent… 

Est-il utile d’essayer de répondre à ces questions ? Ont-elles même vraiment une importance quelconque ? Un sens ? Je ne crois pas… Au fond avec les souvenirs, le plus important, n’est-il pas ailleurs ? N’est-ce pas l’étincelle qui traverse le regard lorsque l’on y songe qui finalement compte ? La vague de bien être qu’ils soulèvent ? La pétillance d’une nostalgie un temps retrouvée…

En ce début d’été, quelle satisfaction de pouvoir à nouveau sillonner mes chères petites montagnes. Quelle chance de pouvoir encore y explorer des itinéraires inconnus pourtant très anciens ! Et quel privilège d’en grimper des tout fraîchement ouverts ! Quel plaisir de faire découvrir, à mon tour, ces modestes parois qui, qui sait… apparaîtront peut être bien plus grandes à certains ou certaines qui y poseront leurs tout premiers coinceurs ou qui y graviront leur tout premier V+ avec brio ! 
Après toutes ces semaines enfermées, quelle joie de profiter du grand air et d’une forme de liberté retrouvée… Quel plaisir de se retrouver un peu chez soi !
Dans ces parois perchées, le long de ces piliers oubliés, dans le creux de ces ravins cachés, sous ces hêtraies sauvages, non loin de ces charbonnières abandonnées, dans ces dièdres suspendus, le long de ces arêtes aériennes, égaré (e) au beau milieu d’une carte rayée de toutes parts de pistes cairnées et de sentes mal tracées où seul le local saura s’y retrouver : l’aventure est à portée de main. Et bien heureux ou bien chanceuse celui ou celle qui saura la saisir !
Profiter des jours les plus longs pour voyager à côté de la maison : Immersion de plusieurs jours dans le massif, itinérances grimpantes de plusieurs jours sans retoucher une voiture, bivouacs improvisés, soleil, baignades et tout plein de sourires : le cocktail parfait !
« Apprendre à poser ses propres protections », « gérer le tirage », «chercher son chemin », « trouver l’itinéraire le plus simple », « construire des relais corrects », « stocker sa corde », « installer et descendre en rappel »… quand à tout ça il faut également ajouter « grimper », « retirer les friends sans les laisser coincés », « désescalader », « trouver l’accès puis le départ d’une voie » et « ne pas se perdre dans la descente »… tout ça sans se prendre trop au sérieux et sans oublier de bien rigoler… vaste programme et possibilités immenses ! 
Marcher, grimper jusqu’à la nuit, bivouaquer, recommencer le lendemain, continuer ainsi plusieurs jours durant en traversant le massif… 
Mais quel meilleur terrain de jeu pourrais-je imaginer ? Et que pouvais-je espérer de mieux comme occupation professionnelle (si vraiment il en faut une !) quand à 8 ans je grimpais ma toute première grande voie carousienne ?! Et comment aurais-je pu penser grimper un jour avec autant de filles à la fois en grande voie ?
Quelle satisfaction de voir l’autonomie grandir de jour en jour et la confiance gonfler à vue d’œil ! 
De la pose des tout premiers friends, les pieds au sol, avec l’aide des deux mains et en s’y prenant à trois fois pour choisir la bonne taille, en passant par les toutes premières longueurs en tête pour finir par des grandes voies terrain d’av en autonomie complète comme des grandes ! Quelles aventures !
Quand une grande bande de nanas motivées débarque le premier jour, toutes timidettes m’expliquant que « ça non, ça fait peur ! » et que « ça, je n’y arriverai jamais… » ou encore « c’est trop dur, je suis nulle ! » et qui repartent cinq jours plus tard, toutes souriantes en réclamant à leurs amoureux de leur offrir de toute urgence, un jeu de friends pour leur prochain anniversaire… c’est comme un joli cadeau !
Ce mois de juin passé au Caroux est comme la cerise posée sur le gâteau d’un été qui ne fait que commencer ! 

Une douce pensée pour Bernadette qui, elle aussi, les aimait fort ces montagnes pour les silloner en long, en large et en travers… Souvent au pas de course et parfois seule comme ce mardi 23 juin où elle ne rentrera pas après sa balade… 

Au Caroux, pour toujours…