jeudi 29 décembre 2022

Halo Indonesia •Escal'A2roues#53•



▪︎ De cyclistes à backpackers...

Novembre, nous passons de 4 à 8 pattes et nous tronquons les vélos pour des sacs à dos… Vacances en famille, Noël avant l'heure !Les premiers jours sur Java sont comme un sas de transition avant cette nouvelle aventure.

Joie des retrouvailles, changement de culture pour tous, nouveau rythme de voyage pour nous, repères différents... Nous passons d'une équipe 2 à 4 et nous passons de cyclistes à piétons. Séisme sur l’une des îles les plus sujettes aux tremblements de terre !


Il va falloir composer avec tout cela et trouver un équilibre qui convienne à peu près à chacun. L'occasion aussi de se rendre compte que ces quelques mois de voyage nous ont déjà sûrement profondément transformés... Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes qu'il y a six mois lorsque nous enfourchions nos vélos pour la toute première fois.



Finalement, en écrivant ces lignes quelques semaines plus tard, je dirais que l'adaptabilité et le bonheur de se retrouver auront triomphé !


▪︎ Dansons la Javanaise…

Java marque pour nous, l'arrivée en Asie du Sud-Est et une virée dans l'hémisphère sud. Ce sont aussi les retrouvailles avec l'océan, la plage, les bateaux… La découverte de fruits multicolores, parfois inconnus. Un changement de climat et un saut dans une végétation luxuriante.


Sols chauds, entrailles de la terre brûlantes, fumées denses, vapeurs souffrées, geysers bouillants, cratères béants, lacs d'acide…

Bienvenue sur l'île aux volcans !




L'Indonésie compte pas loin de 500 volcans dont 126 sont clairement actifs. 45 de ces volcans parsèment la seule île de Java.


À Java, c'est aussi le grand retour des voiles et de la culture musulmane. Ici la grande majorité des femmes ont la tête et parfois même une partie du visage couvert. Même les toutes petites filles, âgées d'une dizaine de mois à peine sont soigneusement emmitouflées. On s'était, pour le coup, agréablement habitués aux ventres dodus débordants des sarhis colorés et aux cheveux couleurs d'ébène, libres comme l'air.



Les mosquées aux coupoles vertes parsèment chaque quartier et les haut-parleurs relaient par-ci, par-là la bonne parole. Il ne s'agirait pas de rater un mot du discours divin. Volume sonore au maximum, muezzin qui braille à toutes heures du jour et de la nuit et élucubrations interminables. Le micro passe même parfois aux mains d'enfants !



Sans transition aucune avec les jours précédents, les peaux s'éclaircissent brutalement, les nez sont plus épatés, des regards rieurs s'échappent des yeux bridés, les esprits semblent curieux. De grands sourires rayent les visages, les bouches sourient de toutes leurs dents ou du moins de ce qu'il en reste ! Tout le monde est prêt à nous apporter de l'aide même lorsque nous n'en avons pas vraiment besoin...

Le contraste avec l'Inde est frappant. Ces derniers jours à Delhi, combien de personnes nous ont-elles réellement souris ou salué ?

Probablement moins, en une dizaine de jours, qu'en quelques heures ici... On a tendance à penser que la surpopulation dégrade ces liens entre humains. Pour autant, Jakarta est la capitale du troisième pays le plus peuplé du monde.


Une fois encore, nous venons de changer de monde. L'Asie est décidément aussi riche que variée. Qu'elle est loin, à présent, la Turquie, ses champs de blé et ses thés sucrés. Les paysages et les bâtiments abandonnés de Géorgie ou d'Arménie semblent être un lointain souvenir. Qu'elle nous semble éloignée la sobriété des pays de l'ex URSS, qu'elles sont loin les montagnes abruptes de l'Himalaya et la vie bruyante des villes indiennes !

Une nouvelle page du voyage va s'écrire ici, sur cette île... Hâte de la découvrir !

▪︎ Jakarta, premiers pas à Java.

Jakarta, une grande ville à la veille du G20, c'est bien simple, les beaux quartiers sont tout barricadés. Barrières, plots en béton, fils barbelés, police...

Sauvons-nous dans ce dédale de minuscules ruelles où règne une ambiance bien plus populaire.

Dans la vielle ville, les grands bâtiments blancs de style colonial et les vélos multicolores sont les derniers témoins du passage des Hollandais.


Nos biclous à nous prennent des vacances ce mois-ci. Pas un tour de roue pour eux en Indonésie, vacances de fêtards pour ainsi dire : un mois en boîte !

Nos premières marques prises, nous nous mettons en route vers l'Est... Nous sautons dans un train et passons huit heures à voir défiler les rizières, les chapeaux pointus en paille et les averses par la fenêtre de notre wagon.




▪︎Yogyakarta, terminus du train. Tout le monde descend !

Une ville à taille plus humaine dans laquelle nous passerons quelques jours avant de partir vadrouiller dans les environs.







Un gigantesque bazar à étage, des boutiques de Batik (tissu peint) en pagaille, du street art et même des potiers avec des tours qui ne tournent pas !

J'ai ainsi pu remettre la main à la pâte même si ce ne fut pas vraiment concluant ! Finalement, on a opté pour le travail en équipe, la poterie version tandem, le tour à moteur musculaire, une qui façonne et un qui tourne !


Yogyakarta est une ville qui grouille sous le regard d'un volcan qui somnole. Le Merapi est l'un des principaux volcans javanais, il domine la grande ville et sur ses flancs sont accrochés une multitude de villages. Quand on connaît la violence de ses éruptions passées, cette cohabitation paraît quelque peu osée ! Pourtant, ici comme à bien d'autres endroits en Indonésie, les gens semblent vivre paisiblement avec cette espèce d'épée de Damoclés au dessus de la tête et ce chaudron bouillonnant sous les fesses...

Fatalité, résignation ? Et si c'était simplement nous les intrus face à ces éléments si puissants ?


Les jours suivants nous voyons successivement le soleil se lever sur le temple de Borobudur et sur ses dizaines de boudhas, sur les collines verdoyantes du plateau de Dieng puis sur le Merapi depuis le sommet du Sumbing.

▪︎Borobudur, des boudhas et des éléphants.


Borodupur, c'est un des plus grands temples bouddhiste de l'île. Ce qui est surtout fou, c'est que comme le Machu Pichu, il est resté enfouis sous une luxuriante végétation et oublié durant des siècles avant d'être re-découvert plus récemment. Rochers sombres, architecture en escalier, fresques décoratives sculptées, stupas ajourées et un nombre incalculable de boudhas assis dans des niches.

C'est bien simple, ici pour s'endormir, on ne compte pas les moutons mais les boudhas !




Après une inspection des quatre faces du temple dans le sens réglementaire des aiguilles d'une montre, nous observons, curieux une bande d'éléphants qui vaquent à leurs occupations.


Un qui mange une branche, un qui se gratte les fesses contre un poteau, un qui barbote comme un canard dans une mare et un qui fait la courte échelle, à l'aide de patte, à un humain qui grimpe sur son dos. C'est génial de voir avec quelle délicatesse, ces gros patapoufs évoluent.

▪︎Dieng, un plateau aux pays des collines...


S’il y a bien un endroit où nous n'avons pas regretté de ne pas avoir nos vélos, c'est à Dieng ! Les pourcentages de pente sont renversants et l'endroit est bien arrosé ! Combien d'averses avons-nous essuyé ici ?



Dieng est un peu le potager de Java et c'est bien connu : dans un jardin, de l'eau, il en faut ! Collines immenses aux flancs hyper raides, ici le maraîcher doit être aussi cordiste ! C'est presque encordé que l'on va ramasser ses navets.


Des millions de terrasses, parfois si étroites qu'elles n'accueillent que deux ou trois plans de patates. Chaque centimètre carré de terre est exploité et impossible de dénombrer combien de variétés de légumes différents nous avons rencontrés !





Mais il n'y a pas que des patates, des choux, du thé, des carottes, des salades, des papayes... qui poussent ici. Au milieu de toute cette verdure, il y a aussi des fumerolles blanches, une odeur de souffre, des cailloux jaunes poussin, des flaques grises qui bouillonnent, des lacs acides fluo et des geysers d'eau bouillante qui giclent en l'air.

Le centre de la terre est en ébullition et on le sent tout proche !






▪︎Sumbing, les vacances avec des randonneurs !


Voilà ce qui arrive lorsque l'on part en vacances avec des randonneurs... On démarre la balade à 23h30, on marche toute une nuit, on grimpe 1700 mètres de dénivelé, on redescend en courant et puis on a des courbatures de malades pendant trois jours...




Presque six mois que nos pieds ne s'étaient pas retrouvés enfermés à l'étroit dans des baskets et que nos jambes n'avaient pas enchaîné plus de 500 pas d’affilés. Quant au dénivelé avalé, nous étions jusque là toujours assis, jamais debout ! Ajoutez à cela un mois de tourista en mode raplapla et sous-alimentés et vous vous retrouvez avec deux ex-cyclistes à la forme physique de deux lapins nains et grabataires. Et j’exagère à peine…

Bon, on a quand même fait la séance de step du siècle, on a aussi vu le soleil se lever sur le Merapi et on a aperçu les fumerolles au sommet du Sumbing... et c'était chouette !


▪︎Malang au chat...

C'est dans la fraîcheur toute relative du matin que nous sautons du train à Malang.

La première chose que nous rencontrons est ce premier grand rond point, couverts de banderoles, de photos et surtout entouré d'imitations de cercueils... Il semblerait que des choses graves se soient passées ici récemment. On comprend que pas mal de ces jeunes gens décédés auraient été victimes de violences policières.



Par cette mise en scène, les militants ont réussi leur coup, ce funeste spectacle fait vraiment son effet. Mais que s'est-il passé ici ? Je donne Malang au chat...

Après quelques recherches Googlelisées, nous apprenons que suite à la fin d'un match de foot qui a dégénéré le 1er octobre dernier, 127 supporters ont trouvé la mort sous les coups et les gaz policiers. Cata…


Après ce sombre épisode, quelques centaines de mètres plus loin, nous entrons dans la ville multicolore ! C'est depuis un pont que nous assistons au spectacle en contre bas. Maisons arc en ciel d'une part, camaïeu de bleu d'autre part : Kampung Jodipan et Kampung Biru Arema.




On se croirait dans un joli album de littérature jeunesse. Le nuage bleu de Tomi Ungerer serait-il passé par là ? Ou serait-ce « petit bleu » et « petit jaune » qui se seraient embrassés ici à l'infini rejoint par quelques amis ?

Je donne Malang au chat...



A l'initiative de quelques étudiants et avec l'aide de magasins de peinture, ces kampungs (quartiers) pauvres de la ville ont été dynamisé, il y a moins d'une dizaine d'années. Égayer les lieux de couleurs arc en ciel et les rendre plus attirants et plus joyeux à vivre. En voilà une belle idée ! Le résultat reste rustique mais mignon !


Quelques rues plus loin, nous nous retrouvons au milieu de cages de toutes tailles, habitées de spécimens en tout genre. Bienvenue au marché aux oiseaux ! Les indonésiens adorent les oiseaux en cage. C'est bien simple, il y en a partout mais ce coup-ci, ces animaux sont de drôles d'oiseaux...


Lapins, serpents, souris, iguanes, cochons d'Inde, écureuils, hamsters, singes, chiens, chauves-souris... Tout ce petit monde dans des cages microscopiques, mais pourquoi ?!?

Je donne Malang au chat... ah mais même les chats sont en cage ici.

▪︎Rêveurs éveillés…


Premiers rayons du soleil éclairant une mer de sable, vaste étendue de poussière grise, plaine suspendue, boulevard de cendres : la Caldeira de Tengger s'enflamme.

Cône parfait, strié à la perfection, jeu d’ombre et de lumière sur ces cannelures aux premières heures du jour : le Batok s'illumine.


Masse sombre qui sommeille au loin, poussant un soupir fumant de temps en temps… le calme avant la tempête : le Semeru veille.




Montagne aux flancs arides et au cœur fumant, bouche béante, puis plongeant au centre de la terre, ronflement du monstre endormi, fumée sans feu : le Bromo s’éclaire lentement.





Île aux enfants, Île aux volcans...

Quand chaque colline est conique,

L'équilibriste évolue sur le fil,

Cratère vrombissant, fumant, étouffant,

Un pas de travers, le vide, le centre de la terre, un gouffre vertigineux brûlant, la gueule béante du monstre,

Alpiniste des ténèbres, funambule des caldeiras, personnage de papier,

Course d'arête circulaire, balade sans fin, tourner en rond, perdre le Nord,

Pisteur de lave, cueilleur de souffre, baigneur acidulé, chasseur d'images, rêveur éveillé, spectateur bouche bée.

Jouer avec le feu.



"Hati hati"(*), la suite des aventures de la famille Riquiqui tralara en Indonésie arrivent bientôt !

(*) Doucement

Affaire à suivre…