L'Esfinge en mode barbare !

On en rêvait de ce monolithe de granit, aperçut depuis le sommet du Pisco... et bien c'est chose faite: on a grimpé l'Esfinge!

 L'Esfinge (le Sphinx) est un sommet qui culmine à 5325m et qui offre une belle paroi de granit de 800m, situé dans la Quebrada ("vallée" en Quechua) Paron au coeur de la Cordillera Blanca... Il y a actuellement une douzaine de voies qui sillonnent la paroi, nous avons choisi de grimper en face Est, la ruta original de 85... C'est une voie de niveau ED (7a max) de 750m, peu équipée, ouverte comme son nom l'indique en 1985...

L'Esfinge

L'Esfinge... c'est fait mais c'était pas gagné!

Il y a des fois comme ça où rien ne va,où les(petites)galères s’enchaînent! 

Avant de quitter Huaraz, nous consultons la météo (pour la première fois du voyage), pluie et soleil pour chacun des prochains jours, on hésite un peu... Le temps de faire les sacs, nous prenons le bus collectif pour Caraz, petite ville au nord de Huaraz, vers 10h, on est dimanche, le bus est bondé, on passe 2h avec les gros sacs sur les genoux... 

Les joies du bus!

Arrivés à Caraz, l'objectif est de trouver le moyen de remonter une longue piste de 30km jusqu'au lac de Paron, nous prenons donc la direction de la pseudo gare routière afin de trouver un taxi... Plusieurs nous proposent leurs services mais pour pas moins de 100 soles les 30km, soit un peu plus de 30 euros, nous avons l'impression de nous faire arnaquer, on tente de négocier, ils ne lâchent pas et nous non plus... Nous sautons donc dans un bus (beaucoup moins cher) qui nous avancera de moitié parcours jusqu'au village de Paron, de là nous espérons trouver un taxi ou faire du stop...

En fait le village est minuscule et il n'y a pas un engin motorisé à l'horizon! 

On passe en mode "Pyrénéen", c'est donc parti pour 15km de piste interminable pour remonter la Quebrada Paron, les sacs sont lourds, c'est encore nous qui faisons les mules, il est déjà assez tard, nous n'aurons pas le temps de monter au pied de la face ce soir, il fait des gouttes et bien sûr, on n'a pas pris la tente!!

On devine les multiples lacets de la piste... 

Sur la carte figure trois petites maisons juste avant le lac, on compte donc essayer d'y arriver le soir et de taper l'incruste chez l'habitant... 3h30 plus tard (15km c'est long!), on tombe presque par hasard et juste avant la nuit sur les dites trois maisons, c'est en fait des baraques du genre ancien camp militaire un peu en ruine, mais il y a un toit, c'est donc parfait !! On passe la nuit là, un peu crevés, on a déjà une bonne petite dose de fatigue dans les jambes...

On dort comme des loirs, il a un peu plu dans la nuit mais aujourd'hui, il fait beau! On est motivés à bloc, ce soir on est au bivouac et demain, on griiimmpppeeee!

Après la piste de 15km à pied, la seconde galère c'est qu'on a du mal à trouver le départ du sentier pour monter au pied de la face... On monte donc droit dans des énormes touffes (plus hautes que moi!), ça glisse, ça pique, on bartasse, c'est juste horrible! On met 1h pour faire 100m de dénivelé!!! 

Finalement on trouve le sentier plus haut, il fallait partir du lac et non des cabanes, on le saura !!!

Bartas dans les touffes...

Clin d'oeil aux instits, à 4200m il y a aussi des phasmes!

Après avoir remonté un grand couloir herbeux, la face se dévoile, grande et belle! On dépasse l'emplacement du premier camp, bien déterminés à aller poser le bivouac au pied de la paroi à 4700m!

 L'emplacement est juste super, un énorme bloc sert d'abri, on va être trop calé là dessous!

Le bivouac

Par contre, on nous avait pourtant indiqué de l'eau dans le coin mais rien! Il va falloir redescendre 40 minutes pour faire le plein de bouteilles...

Bon il nous aura donc fallu deux jours d'approche, mais cette fois on y est! L'Esfinge est là, on a bien repéré le départ de la voie, les premières longueurs, l'emplacement des relais... On est au top! Demain on part dans la voie pour la faire à la journée!

Dans la nuit, il pleut et quand le réveil sonne à 4h, il est en train de neiger... Pas de chance! 

On déjeune quand même, on se recouche 1h et on fait le point au lever du jour à 6h...

Il ne neige plus, le ciel s'est dégagé, le caillou est encore trempé mais on part quand même, on attaque la voie vers 7h...

Les premières longueurs sont faciles, on passe les longueurs dures: fissure à doigts, cheminée, dalles, pendule...  On atteint la vire en fin de matinée, il fait bon, le caillou a vite séché, ça déroule c'est cool, on se régale!

Dans la longueur 7a

Escalade sur fond de Huandoy...

4ème longueur

Cheminée dans la 5ème longueur

Juste avant le pendule de la 7ème longueur...

On s'en est déjà rendu compte ici, le temps change vite, voir très vite, on est à 5200m, quelques centaines de mètres sous le sommet et voilà qu'arrive une bonne averse de neige, si si!

En quelques minutes, on est trempé, il fait froid, j'ai vraiment très froid aux pieds dans les chaussons et le caillou dégouline... Génial ! 

Sous la neige...

Quelques mètres sous le sommet...

On parvient à continuer tant bien que mal... On perd quand même un peu de temps et c'est bientôt la nuit qui nous attrape alors qu'il nous manque seulement 2 ou 3 longueurs à grimper, on se perd un peu et finalement vers 20h on débouche au sommet!! 

On pense que le plus dur est fait et ben non!! ...reste la descente!

Pour celle ci, il est indiqué dans le topo qu'il faut suivre l'arête jusqu'à un col et de là effectuer 3 rappels, sauf que de nuit et surtout avec la neige et la glace sur les cailloux c'est nettement moins évident!

On se rencorde et on finit par trouve une ligne de rappel, sans trop hésiter on installe notre corde sans trop savoir si c'est vraiment la bonne ligne (surement trop à gauche)... bref après avoir laissé quelques uns de nos pitons dans l'histoire (les rappels sont équipés à 60m et nous n'avons que des cordes de 50m) nous atterissons sur de vieilles dalles moisies, entendez par là, inclinées, humides et glissantes!

Là encore nouvelle galère, que faire? On cherche des solutions mais de nuit c'est pas évident, on jette notre dernier piton dans la bataille, un pendule à droite, désescalade sur les fesses et on prend pied dans l'éboulis de descente tout gelé! Ouf !! Cette fois, c'est bon...

De retour au bivouac, il est 1h du matin, on est juste dégommés!! 

L'Esfinge c'est dans la poche mais quelle aventure!! ...Heureusement que ce n'est pas tous les jours comme ça!

Séchage...

 Et pour bien terminer cette petite histoire, on se tapera juste la redescente jusqu'à Caraz à pied... 30km de piste...toujours chargés comme des mules!

Ciao l'Esfinge !

Aujourd'hui c'est REPOS !