mardi 11 septembre 2018

Passeport Pyrénéen #1


  Il y a le grand voyageur qui collectionne, périple après périple, tampons et visas d’un nombre incalculable de pays. Les pages de son passeport se noircissent tranquillement d’encre. Le policier des frontières, quant à lui, doit se casser la tête pour trouver un peu de papier libre pour y laisser son empreinte.

Il y a le touriste qui sillonne la planète, appareil photo en bandoulière et qui sature son disque dur d’images du monde entier, celui qui remplit ses valises « d’objets souvenirs » aux goûts douteux, celui qui parce qu’il a mis une fois les pieds dans un endroit, se contente de dire « la Corse ? on a fait ! » ou encore celui qui collectionne des selfies plus ou moins réussis devant les 7 merveilles du monde.
 
Il y a l’aventurier, qui enchaîne voyage sur voyage, cherchant désespérément, à sortir des sentiers battus, pour découvrir des espaces restés sauvages, certain se dirait même explorateur cherchant dans ses pérégrinations, l’inédit, le « jamais fait », les grandes premières et l’inconnu, sûrement un peu nostalgique d’une époque à présent révolue.
 
Il y a aussi le grimpeur ou encore l’alpiniste, qui ne parle pas de voyage mais d’expé, quand il s’envole aux quatre coins de la planète, il n’a d’yeux que pour les parois et les sommets. Son rêve est simple : rentrer chez lui (de préférence en un seul morceau) des croix plein les poches ! 
 
 
Pourtant quelle que soit la destination de nos vacances, puisque c’est bien de « vacances » qu’il s’agit, il y a les choses à ne pas rater, les trucs à voir absolument, les incontournables du guide du routard. Voyageurs, touristes, aventuriers, je crois bien que nous sommes tout cela à la fois !
Quand un alpin lapin traverse la France pour aller passer quelques jours dans les Pyrénées, il est tout à la fois le voyageur curieux de découvrir le monde, l’aventurier heureux de s’immerger dans un massif sauvage, le touriste friand de fromage de brebis et de photos souvenirs, le grimpeur affamé de cailloux et admiratif de tant de parois !
Dans le rôle du guide du routard de la guide du montagnard, je me dois d’organiser le circuit touristique idéal, de sélectionner les « incontournables » pour faire de ce petit lapin, un futur amoureux des Pyrénées… Sacrée responsabilité !
La première impression étant souvent la bonne, les tours opérator misent, en général, tout sur la première journée. Il faut planifier LA visite qui donnera le ton du séjour. Pourquoi ne pas admirer les chutes du Niagara juste 5 minutes après avoir atterri au Canada, se balader sur la grande muraille après avoir posé pour la première fois un pied en Chine ou encore se retrouver au beau milieu du Macchu Picchu pour ses premiers pas au Pérou !


Seul le cirque de Gavarnie en plein hiver pouvait être à la hauteur de ces espérances-là. Des sommets enneigés, une grande muraille couverte d’une pellicule de glace et une grande cascade gelée… pour un glaciairiste, j’avais plutôt mis toutes les chances du bon côté… et ça a marché ! Il semblait déjà conquis ! Ouff !
La visite touristique avait continué quelques mois plus tard en mode estival par une chevauchée d’arêtes au dessus des lacs du Néouvielle. Partir faire de l’alpinisme après une grasse mat’, en short et sans s’encombrer de crampons, il semblait kiffer !  
Suivirent ensuite un petit tour sur les patates de Riglos, des balades verticales sur le calcaire de Monrebei, dans les goûtes d’eau de la Tour du Marboré ou dans les cubes d’Ordesa… Passage obligé, il fallut, bien entendu, aller pincer quelques colos côté espagnol et s’user les doigts sur du caillou tout neuf.

 
Ici pas de crevasse qui vous guette, pas de sérac qui risque de vous tomber sur le coin de la figure et si les cailloux tombent c’est qu’ils l’ont bel et bien décidé puisque le permafrost s’est déjà fait la malle depuis un bail ! Pas de refuge à réserver, pas d’horaire de benne à respecter, pas l’ombre d’un guide qui bosse, juste le plaisir de discuter avec de rares grimpeurs croisés !
Peu à peu comme les pages d’un passeport se rempliraient de tampons de toutes formes, les poches se remplissaient de cailloux de toutes les couleurs, d’Edelweiss et de souvenirs.
Cet été, quand le lapin fut de retour au pays des isards, je compris qu’il avait désormais un penchant pour ces contrées sauvages, à moins que ce ne soit pour la guide touristique (à peine moins sauvage !).
 
Nous arrivons juste à temps pour la première représentation du célèbre festival de Gavarnie. Au théâtre de plein air avec le cirque pour décor, nous optons plutôt pour un long spectacle en gravissant les trois grandes marches de cet énorme escalier : l’intégrale du cirque !
 
Pourtant à Orphée et Eurydice et au bain de foule que le festival attire, nous préférons la douche pyrénéenne. Parapluie ou maillot de bain auraient été plus appropriés à la situation mais restons classique, c’est vêtu de Gore tex que l’on s’est promené dans la Classique du Mur du Cirque. A la lueur de la frontale et en basket sur un épais névé, nous voici au pied du mur !

 
 
L’itinéraire chemine le long de lignes de faiblesse entre minces filets d’eau et cascades parfois plus conséquentes. Après avoir manqué de boire la tasse dans le tiers supérieur de la voie, nous sortons, en début de matinée, en haut du premier étage propre comme des sous neufs (ça faisait longtemps !).
 
 
 
Nos tickets d’entrée au Cirque incluant trois spectacles successifs, nous poursuivons notre chemin en direction du deuxième étage et de son grand dièdre. Là encore, un énorme névé nous accueille. Il nous faudra jouer les acrobates pour échapper à l’humidité du dièdre dégoulinant et imaginer un nouveau cheminement dans ce grand mur. Corde tendue et tirage garanti ! Je file toujours plus à gauche, cherchant désespérément la moindre fissure qui aurait l’amabilité d’accueillir un friend, en vain… Je pense à toute la corde déroulée et aux rares points entre moi et le clown qui me suit derrière en basket dans ces dalles, où même en chaussons, je m’applique !
 
 
Finalement je m’engouffre dans la première cheminée venue dans l’idée d’y faire enfin un relais. Surprise ! Il va falloir cohabiter… Un chausson d’escalade, un sac de pique nique, des bouts de tissus et un morceau de sac à dos…
Quelqu’un est passé par là mais a laissé des plumes dans la bataille… J’écarte assez rapidement l’idée d’un père noël calibré trop gros pour cette cheminée puisque la Gore tex n’est pas rouge mais grise et que le sac à dos n’a rien d’une hotte. Je perds mon sourire quand j’imagine qu’il y a peut être quelqu’un coincé sous cet énorme caillou et tout ce bazar. Petit coup de flair… Pas d’odeur… Je suis déjà à demi rassurée ! Finalement après investigations plus poussées, je ne trouve aucune trace du propriétaire et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle !
Quand Bruno me rejoint et découvre à son tour les tristes restes du dernier alpin venu faire l’intégrale du Cirque, il devient tout aussi blanc qu’un lapin arctique !
Le mystère restera entier…
Après quelques zigzags, nous trouvons l’issue de secours du deuxième étage.
 
Entracte !
 
 
L’escalier de service nous conduit sur le palier du troisième. On entre sans frapper par la porte de gauche et on grimpe sur la pointe des pieds. Le caillou ne nous paraît pas aussi mauvais qu’annoncé dans le programme, et on trouve ce dernier épisode plutôt sympathique.
A 13h, le rideau tombe, les artistes saluent la Tour du Marboré, à droite et le Col de la Cascade, à gauche. Nous voici sur le toit du chapiteau, tout en haut du Cirque !
 
La sortie des artistes se fait par la grande porte : tapis blanc (de neige) jusqu’à la brèche de Roland !

Retour dans les pierriers puis les prairies de Gavarnie par les Echelles des Sarradets. Des échelles dont on n’aura pas vu le moindre barreau. Habitué à des dalles couvertes de métal, l’alpin ne comprend plus rien.
Ici, il n’est pas question de train à ne pas rater, il suffit juste de prendre ses jambes pour rentrer !
 
Cartes des Pyrénées en en main, passeport d’apprenti pyrénéiste en poche, les vacances continuent… Il y a encore sur le chemin quelques immanquables à ne pas manquer !
 
A suivre…
 
 
 

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