jeudi 21 octobre 2021

Ruta ciclista...


Octobre 2020,
« … Allo ? … Bonjour, police municipale de Béziers, on vous appelle parce que votre maman a eu un accident alors qu’elle roulait à vélo. Elle s’est faite renversée par une voiture et part avec les pompiers. Il faudrait venir chercher le vélo. »

Quelques instants plus tard, je retrouve ma petite maman, allongée dans une coquille, dans un grand camion rouge. Du sang séché sur le visage, une oreille amochée et le regard un peu hagard, elle semble cabossée et complètement perdue. Vingt minutes nous séparent de l’hôpital, vingt minutes où je devrais répondre environ trois cents fois à sa même question : « Comment va le vélo ?! »
C’est sûr, elle a pris un pet au casque, qu’elle n’avait pas d'ailleurs…
Finalement après de longues heures d’attente dehors et en plein vent (covid oblige), on finira par nous la rendre en soirée. Plus de mal que de peur pour elle, plus de peur que de mal pour nous !


C’est dans ces « drôles » de circonstances que nous quittons la maison pour sauter dans un train en direction du sud. Les sacoches sont pleines à craquer, les pneus des vélos sont gonflés à bloc et notre motivation est, elle, au taquet.


Le lendemain matin après quelques heures de train, du pédalage nocturne et un bivouac improvisé au milieu d’un potager, c’est au milieu des rizières du Delta de l’Ebre que nous nous réveillons. 
La mer, une rivière, des canaux et des champs de riz à perte de vue. Nous roulons jusqu’à l’embouchure pour prendre ce qui sera notre dernier bain de l’été.



L’ambiance est pour le moins animée à cette période de l’année. C’est le grand ballet des moissonneuses pour la récolte du riz. Il y en a partout et elles creusent de profondes ornières dans des rizières encore en eau dans lesquelles elles s’embourbent. Les tracteurs prennent le relais sur les routes pour amener la moisson jusqu’à la coopérative la plus proche. De notre côté, nous zigzaguons entre les morceaux de terre qui parsèment le goudron en observant toute cette agitation agricole. Le soir, les machines se calment mais la fête continue. C’est au tour des moustiques de batifoler aux abords de chaque canal d’irrigation et aussi du côté de nos oreilles ! Ils ne semblent vouloir qu’une seule chose : nous dévorer !


Le matin, au réveil, on est toujours vivant ! On quitte la côte et on prend la direction de l’ouest à la recherche d’un bout de caillou à se mettre sous les chaussons.
… Et oui, parce que dans nos bagages, il y a évidemment de quoi grimper !


On roule si vite que j’ai le temps de crever deux fois en deux heures. Il semblerait que j’ai un peu surévalué l’état de mon vélo et de ses pneus en particulier… Demi-tour, retour vers la mer, passage au stand pour un changement de pneus ! Heureusement la dernière ville n’est qu’à une trentaine de kilomètres. Après un aller-retour express et avec de beaux pneus, nous reprenons le chemin des collines.


C’est escortés par des centaines de motards que nous débarquons un samedi matin à Montanejos. On se croirait sur un circuit de coupe du monde, des cylindrées d’enfer et des gars déguisés comme des pilotes de formule 1. Un boucan de l’espace, on ne fait pas le poids avec nos montures non motorisées ! Des routes qui montent et qui descendent, qui tournent dans tous les sens et des flics cachés derrière les buissons.
Evidemment comme c’est nous qui roulons le moins vite, ces derniers réussissent sans mal à nous arrêter dans notre course. Après quelques négociations, on évite de justesse la « multa », non pas pour excès de vitesse mais pour non port du casque et on parvient aussi à ne pas se faire confisquer nos vélos. On évite également la suspension de permis ! Adios muchachos !



Montanejos est une petite ville thermale entourée de falaises, ce qui fait donc le plus grand bonheur des curistes et des grimpeurs ! Nous nous offrons une première petite cure d’escalade à cette occasion. Aux grandes voies populaires nous préférons un joli petit secteur de couennes : Le labyrinthe des dragons.
Un nom qui ferait froid dans le dos à un chevalier mais qui réchauffe instantanément les bras d’une princesse ! De belles longueurs d’une trentaine de mètres sur du caillou dément qui me valent de répéter à peu près trente fois (soit une fois par mètre gravi) que « l’escalade, c’est vraiment trop chouette ! »



Quand les pattes avant commencent à sérieusement fatiguer, il est temps de refaire marcher les pattes arrière, on saute sur nos vélos en mettant le cap vers le sud !


On laisse à Google Maps le soin de nous guider pour la suite et nous ne sommes pas déçus du voyage ! Les voies rapides se transforment aussitôt en nationales puis en départementales puis rapidement en toutes petites routes. Ces dernières laissent la place à des pistes cimentées puis à des pistes en terre de plus en plus parsemées de cailloux. Bientôt les chemins deviennent des sentiers et là on commence à trouver ça plutôt très intéressant !


Souvent très roulants et parfois beaucoup moins, on se régale toujours ! En chemin, on rencontre toutes sortes d’obstacles : des ruisseaux à traverser, des talus à escalader, des sentiers trop étroits pour la largeur de nos sacoches, des pistes caillouteuses. On porte, on pousse, on manque de tomber dans des ravins, on se raye les jambes dans les bartas, on descend les deux mains sur les freins… C’est parfois fatiguant mais on est carrément mieux là que sur une autoroute ! Le vélo ça creuse mais ici c’est le paradis, il suffit de tendre la main pour se régaler de toutes sortes de choses : du raisin, des mandarines, des figues, des grenades, des amandes et des noix !


C’est en suivant un petit sentier de ce genre que nous arrivons à Fanzara par l’entrée des artistes. Les habitants de ce petit hameau ont longtemps été opposés par différentes querelles politiques dont une liées à un projet d’usine de traitement de déchets toxiques mais depuis que le village est devenu un musée à ciel ouvert, tout semble s’être apaisé.


Le MIAU est venu égayer l’humeur des villageois et les façades du hameau par de grande fresque colorée. Une pause artistique qui fait le plus grand bien entre quelques longueurs d’escalade et quelques kilomètres de vélo.

Mieux que des mots, des images !






Nous quittons les murs colorés de Fanzara pour rejoindre les murs concrétionnés de Chulilla… toujours de l’art mais dans un autre registre !
J’ai beau déjà connaître cet endroit, arriver au village en pédalant et découvrir le canyon restent un moment magique. 



Nous posons le camp dans la garrigue, non loin du village et à quelques kilomètres à peine des principaux secteurs ombragés… Il fait encore bien trop chaud pour espérer pouvoir grimper au soleil.




Les jours se suivent et se ressemblent. On se lève, on laisse la tente installée et on cache quelques affaires dans des buissons. Avec nos affaires d’escalade, on descend au village pour déjeuner et faire le plein d’eau puis on remonte la côte pour ensuite redescendre en direction du canyon, petite marche d’approche puis escalade à fond toute la journée sur des colos plus incroyables les unes que les autres. En fin d’après-midi, on ressaute sur nos vélos pour remonter au village et enfin s’offrir quelques bières et tapas au bar ! En fin de soirée, à la lueur de la frontale, il ne nous reste plus qu’à grimper la dernière côte de la journée pour rejoindre la tente… La belle vie !



Quelques jours plus tard, nous reprenons la route et mettons le cap à l’Est puis au Sud. Un contournement de Valencia et quelques cols côtiers plus tard, nous voici sur la plage de Calpe en train de manger une glace ! 




Calpe ne ressemble vraiment pas aux lieux habituels de nos vacances : une cité balnéaire ultra urbanisée. Des plages, des palmiers, des immeubles partout mais aussi un sacré beau bout de caillou ! C’est sans aucun doute pour lui qu’on est ici.



Une fois encore, nous ne regrettons pas le détour. Nous grimperons deux belles voies en face Ouest du Peñon d’Ifach. L’escalade y est raide et le caillou vraiment génial. On parvient à chaque fois au sommet en échappant aux fameuses attaques de mouettes et juste avant que le soleil ne nous rattrape !
Une fois dans la face, on grimpe avec une vue imprenable sur la mer. D'ici on apercevrait presque les voisins d’en face siroter des cocktails sur les plages d’Ibiza.




C’est en parcourant « Mare nostrum » que nous découvrons la paroi. Du devers, du devers et du devers… Décidément ce Peñon est vraiment renversant !

Nous continuons la visite par « Costa Blanca », une voie brillante nous dit le topo... On s’est effectivement réveillé quelques années trop tard pour profiter de ce beau caillou avant qu’il ne soit déjà bien patiné… pour autant même brillante, l’escalade reste magnifique !




La médaille d’or du patinage revient sans aucun doute à la très populaire voie normale. Le sentier est un véritable miroir ! Les randonneurs y montent à quatre pattes et en redescendent sur les fesses et il faut bien l’avouer, en crocs, nous ne sommes pas tellement plus dégourdis !


C’est par une espèce d’autoroute que nous continuons notre route vers le sud. On aura connu des itinéraires plus agréables, c’est certain !! Finalement dès que possible et au bout d’une trentaine de kilomètres, on parvient à s’échapper et à trouver une option bien plus sympathique en retrouvant de jolies petites routes. Pistes en terre, passages à gué, sentes, on s’enfonce davantage dans les terres et cela commence à grimper sacrément. On rétrograde et on rétrograde encore jusqu’à ce que… Paf ! Le câble permettant le changement de pignons de mon vélo explose !


Une vingtaine de kilomètres en montée nous sépare de notre prochaine escale, aussi on continue tant bien que mal. Bruno me pousse pour les prises d’élan puis ensuite la seule option semble être de pédaler en danseuse et une fois encore je me rends compte que la danse ce n’est définitivement pas mon truc…


On finit par arriver à Sella dans l’après-midi, un joli petit village accroché à la montagne. Je bouquine au bar pendant que Bruno se motive à repartir vers le magasin de vélo le plus proche à la recherche d’un câble tout neuf. Finalement, il lui faudra faire une cinquantaine de kilomètres et quelques centaines de mètres de dénivelé pour revenir avec un câble de frein qui ne s’adapte pas vraiment au système de vitesse. Dommage !

Un coup de meuleuse arrangera en partie le problème mais dorénavant je forcerai davantage en montée puisque je ne pourrai plus profiter des grands pignons ! Redommage !



En suivant de longues pistes en terre plus ou moins roulantes et parfois très raides, nous trouvons quelques jolis spots de grimpe. Nous profitons de quelques jours d'escalade avant de devoir retourner à la civilisation… On a soif, faim et on est sales !!




On se refait une santé dans un de ces petits bars locaux et c’est reparti !

Encore un peu de vélo pour rejoindre Cabezón de Oro. Une pente à 14% avec sur son porte-bagage de quoi grimper et de quoi manger et boire quelques jours, ça laisse quelques souvenirs dans les jambes ! …ça tombe bien, c’est maintenant au tour des bras de travailler !



Ici, c’est de la grimpe 5 étoiles, des lignes vraiment incroyables. De grandes envolées sur du caillou de dingue !
Imaginez des colos de toutes tailles qui s’enchaînent les unes à la suite des autres… 40m de bonheur à pincer !
On adore !




... Toutes les bonnes choses ont une fin et c'est bien dommage qu’il soit déjà l’heure de rentrer à la maison parce qu'à ce rythme, on prolongerait bien encore un peu l'automne en continuant jusqu’à Gibraltar ! 

L'occasion de prendre conscience, une fois encore, que le voyage à vélo offre cette si précieuse liberté aux voyageurs qui ne sont pas pressés ! 
Merci les bons mollets, les beaux grenadiers, le fabuleux caillou et mon cycliste préféré !

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