dimanche 26 juin 2022

Teşekkür ederim ! •Escal'A2roues#14•

Dire qu'on aurait véritablement découvert l'hospitalité, l’accueil ou la bienveillance turque, une fois nos premiers tours de roues effectués dans le pays ne serait pas vraiment exact.

En mars dernier, alors que l'on venait tout juste de casser notre tirelire pour acquérir d’occasion nos deux engins à pédales, nous nous sommes empressés d’aller les essayer lors d’une petite balade dominicale dans l'arrière pays héraultais. Évidemment, la simple balade sur jolies petites routes s'était alors rapidement transformée en sortie VTT sur pistes, chemins scabreux, où il a parfois fallu pousser les vélos et traverser quelques passages à gué en se mouillant les pieds. C’était d'ores et déjà avoir oublié la marque de nos deux bicyclettes de voyage : « vélos de ville » !
Ce jour-là, notre pique-nique avait été un peu trop rapidement englouti au premier tiers de l'itinéraire et la sortie s'était avérée plus longue que prévue. Après avoir parcouru 80km, nous n’étions pas encore tout à fait arrivés et nous étions subitement tout flagadas ! Un seul remède pour les deux ramollos : manger !

Pas un magasin ouvert ce dimanche en fin d'après-midi et pas un sou en poche de toute façon ! Au premier village, nous demandions donc à une grand-mère qui prenait le soleil assise devant chez elle si elle ne pouvait pas nous dépanner d’un petit quelque chose à se mettre sous la dent. Pas simple de se faire comprendre, pourtant nous parlions la même langue. Le voisin, un poil plus jeune, dans son jardin à quelques mètres à peine, écoutera nos échanges mais ne tournera même pas la tête vers les deux mendiants que nous sommes. Heureusement, la mamie semble savoir ce qu’avoir faim veut dire, elle a sûrement connu la guerre et nous déniche un petit bout de pain dur (qui a lui aussi peut-être bien connu la guerre !). On se régale de ce petit en cas sous son regard un peu surpris.

Ne voyant pas d’autres mets nous être proposés, nous la remercions grandement et nous nous remettons en selle, un peu requinqués par cette pause mais pas vraiment ragaillardis par ce ravitaillement improvisé.

Quelques kilomètres plus loin, une aire de pique-nique, des barbecues encore fumants et des gens assis par terre un peu partout. On saute sur les manettes de freins pour retenter notre chance. Ce coup-ci, nous ne parlons pas la même langue. Turcs et maghrébins sont venus passer le dimanche en famille, à la campagne.
A peine avons-nous posé le pied à terre et avons-nous pointé nos bouilles d’affamés que nous nous retrouvons avec une assiette chacun et deux grosses parts de gâteaux posées dedans. Nous avons juste le temps d'avaler une bouchée, qu'on nous apporte deux cannettes de Coca. Bonheur en boîte ! Évidement dans notre état, tout ça passe comme une lettre à la poste !
Le feu est réactivé pour nous et s'en suit brochettes, saucisses grillées, concombres et galettes. Quel festin ! On englouti tout ça comme des bienheureux qui n’auraient pas mangé depuis un mois ! On nous ressert encore et on nous regarde manger avec bienveillance. On lit dans les regards la satisfaction de pouvoir offrir quelque chose et de partager. C’est ensuite l’heure des gâteaux et du thé préparé sur le petit poêle à bois. Nos hôtes sont turcs et c'est à deux pas de la maison que nous apprenons notre tout premier mot : « Teşekkür ederim ».


Google trad nous permettra de dialoguer davantage avant de remettre le nez dans le guidon. En quittant nos bienfaiteurs du jour, je crois bien que nous avons déjà l'intime conviction que notre prochaine virée passera par la Turquie !
Quelques mois plus tard, nous y voici ! Vagabonder sur les routes turques, c’est être surpris à chaque rencontre. Les journées où l’on ne nous offre rien sont finalement bien rares. Cela va d'un « çay » (thé), à un gâteau, une boisson fraîche, un repas, un spot où dormir, des chaises pour se reposer, un canapé pour la sieste, une douche ou bien un sourire, un salut de la main ou encore un coup de klaxon d'encouragement !


Illustre journée :
Quelque part entre Konya et Niğde, au centre de la Turquie, des dizaines de kilomètres sur une voie rapide avec une bande d’arrêt d’urgence confortable. Peu de villages en chemin, pas de commerce si ce n'est une station service régulièrement implantée tous les trente kilomètres. C'est dans une de celles-ci que nous avons fait halte hier soir, deux paquets de chips auront fait office de dîner puisqu'il n'y avait rien d’autre en rayon ! Thé à volonté, douche chaude et soirée devant une bonne série passant à la télé turque avec le gérant de la pompe à essence.


Au lever du jour, un thé et c'est reparti ! Les coups de klaxon de quasi chaque véhicule qui nous double ou nous croise nous accompagnent sur cette espèce d'autoroute. Une trentaine de kilomètres plus tard, bonheur ! La station service suivante ressemble à vraie une petite épicerie et on s’offre notre premier « véritable » repas depuis 24h. Entre deux rayons, on nous offre le second thé de la journée. On se remet en selle et nous avons juste le temps d’ajouter une quinzaine de kilomètres de plus au compteur que deux soudeurs nous invitent dans leur atelier pour le troisième thé du jour. Inutile de préciser, qu'à chaque fois nous avons droit à plusieurs tournées et parfois à un selfie. Le soleil commence à cogner dur et il n’est pas si simple de trouver un peu d’ombre dans ce paysage composé essentiellement de champs de blé. Finalement quelques kilomètres plus loin, ce sont des ouvriers agricoles qui nous invitent à nous mettre au « frais » à l’ombre sous leur tracteur. Quelques verres de Fanta orange bien frais, quelques échanges sur la France, la Turquie, l'économie, notre cher roi de France, l'UE, le maïs, l'irrigation, une photo et c’est reparti !




A ces heures les plus chaudes de la journée, nos peaux grillent et le goudron fond. La pause s'impose. Elle a lieu dans un restaurant ce coup-ci. Comme on est affamé, on nous fait griller de la viande qu’on tente de manger en répondant aux mille questions de tout un groupe de jeunes se trouvant là. Ils veulent tout savoir : d'où on vient, où on va, ce qu’on fait dans la vie, combien de kilomètres on fait par jour, depuis combien de temps nous sommes partis, où on va dormir ce soir, si on est marié, si on a des enfants, si on aime le foot, si on croit en dieu… Et là, ça se complique. Autant ne pas être marié ou ne pas aimer le foot ne semblent être que des demi problèmes, autant ne pas croire en Jésus semble les interloquer… Finalement , comme il semble si important de croire en quelque chose, on s’en tire en leur avouant que nous, on croit au père noël. La situation se débloque tout pile à l'heure de la sieste. Oufff ! Comme on est crevé, on nous invite à passer dans l’arrière boutique qui sert à la fois de lieu de prière, d’entrepôt de marchandises et d'hôtel à touristes exténués ! Un canapé, un tapis et des prises électriques, on recharge les batteries en tout genre ! Enfin, comme nous avons débarqué ici tout transpirants, on nous invite avant de repartir à prendre une petite douche et ce n’est pas de refus ! Quelques photos avec toute la troupe et c’est avec quelques « followers » instagram supplémentaires que nous reprenons la route.
Les kilomètres défilent et il est dur de garder les deux mains sur le guidon tant il faut saluer en permanence les gens à droite, à gauche. Des « merhaba » s'échappent des jardins, s'élèvent des champs et s'envolent des fenêtres… Parfois, des voitures ralentissent à notre hauteur pour prendre en photos les aventuriers, tout relatif, que nous sommes pour eux.
Pour clôturer en beauté cette folle journée, à la tombée de la nuit, alors que l’on s’apprête à quitter la route goudronnée pour s’enfoncer dans les champs de blé. Une voiture s'arrête, le conducteur baisse la vitre et nous offre ce qui sera notre repas du soir : un délicieux pain plat et rond qui semble tout juste sorti du four. Dans le chemin en terre qui nous écarte de la civilisation afin de planter la tente tranquillement, notre dernière rencontre du jour, un jeune en scooter nous souhaite une « good night » !

Ce jour-là, 100km dans les pattes et tellement de belles choses dans la tête et dans le cœur !

Teşekkür ederim !

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