jeudi 29 décembre 2022

En septembre, cest les cols •Escal'A2roues#42•

Ce n'est un secret pour personne, en septembre, c'est le grand retour à "les cols".


Habituellement, on tire un peu la tronche et on traîne un peu les pieds.

Oui mais voilà, ici, l'école est belle. La cour de récré est sublime et les petits camarades, à l'exception d'un, sont tous des petits nouveaux. Que de nouvelles surprises à découvrir !


L'été semble déjà loin. L'automne pointe son nez. On remballe les shorts et les tongs, on sort les doudounes et enfin... on va même enfiler des chaussettes !! On réorganise sa trousse :

- De réparation, avec quelques rustines en cas de coup de mou.

- De secours, avec un peu d'aspirine, en cas de MAM (mal aigu des méninges).

On change également le rétro de côté. Ici, c'est à gauche qu'on circule !

On affûte ses mollets, on recompte ses sommets, on remet le nez dans le grand atlas du monde, on refait la pression et c'est gonflé à bloc qu'on attaque cette nouvelle année !


Petit cours de géographie pour ouvrir le bal : "Ouvrez vos manuels au chapitre Inde !

"Consignes de l'exercice : Rechercher une région montagneuse du pays, faiblement peuplée, où vous pourriez imaginer circuler à vélo sans risquer de vous faire aplatir, où vous pourriez bivouaquer tranquillement et profiter de paysages incroyables.

Pensez également que le climat doit être adapté à cette période de l'année !

Le Ladakh !
Ici, sur la carte, tout au nord ! Région de l'union indienne à l'altitude moyenne la plus élevée, 4,6 habitants au km², de nombreux cols routiers culminant à plus de 4500 mètres.
Ça peut faire mais il ne faut pas traîner, la neige va bientôt arriver !

Le retour à l'école, ce n'est pas toujours agréable et comme pour tout changement brutal, il faut bien quelques jours pour s'acclimater, se remettre dans le bain, pour ainsi dire. Surtout quand la baignoire est haut-perchée à près de 4000 mètres d'altitude. Ici, les bulles de savon d'oxygène ont plus de mal à prendre leur envol.
Dès les premières heures de classe, c'est mal de crâne généralisé pour tous. On opte donc tout naturellement pour une leçon de SVT, thème physiologie du petit corps de l'homme sur les hauts sommets.
Problématique: "Que se passe-t-il quand, début septembre, on passe de la plage, altitude 0, à la salle de cours située entre 4000 et 5000 mètres d'altitude ?
"A vos hypothèses !"
C'est parti pour une série d'expériences en tout genre, avec Leh et ses alentours comme laboratoire. L'un propose de courir pour monter jusqu'au grand monastère situé tout en haut de la colline surplombant la ville pour y observer le soleil couchant et voir ce qu'il se passe. Axphysie garantie !



Un autre propose de boire des milkshakes à la banane, de manger des croissants et de faire des siestes... on aura largement le temps de se fatiguer plus tard !

Une autre proposition consiste en une méthode d'acclimatation motorisée. Le protocole est relativement simple : il s'agit de monter très vite en altitude (5300m) d'en redescendre aussi rapidement puis d'y remonter pour enfin en redescendre en nouveau, complètement épuisés après avoir parcouru 250km et passé plus de 10h au guidon d'une Royal Enfield.



Confrontation des hypothèses, l'une d'elles semble se vérifier ! On retient aussi que chaque petit être a son fonctionnement bien à lui. Ne pas brusquer les choses, prendre le temps, ne pas trop forcer, faire comme on le sent, s'adapter au rythme de chacun semble être la meilleure recette. Vive la méthode Freinet et la pédagogie différenciée !

Il est temps à présent de faire marcher un peu ses mains et son sens pratique. Classe de technologie :

Mécanique et remontage des vélos alors démontés et enfermés dans de grands cartons après un voyage dans un avion en papier. "Le guidon par ici, les pédales par là... la pédale gauche, le sens est inversé. Eh, t'as pas vu ma selle ? Tu me passes la clé de 13 ?"



Temps calme... petite session de phonologie : on frappe les syllabes. 
LA-DAKH. Deux syllabes. Bien.

Et si on faisait un peu de sémantique. Prenez votre dictionnaire Ladakhi, que signifie "la" ?
"Baralacha La", "Kardung La", "Taglang La", "Lachung La", les exemples ne manquent pas... "La" signifie "col". Le Ladakh serait-il donc le pays des cols ??
Des cols oui mais aussi des colliers de turquoise.


A vos cartes, on va imaginer un petit parcours afin de jouer tous ensemble à saute-cols ! ...les moutons aillant tous été bouffés par la panthère des neiges...

La highway Leh-Manali agrémentée de quelques variantes semble l'itinéraire parfait. Remonter le fleuve Indus sur quelques dizaines de kilomètres, puis gravir le "Namshang La 4960m" pour aller découvrir le lac de Tso Moriri, revenir sur ses pas, puis passer le "Polokongka La 4970m" pour rejoindre la route classique et grimper jusqu'en haut du "Lachung La 5100m", du "Nakee La", débarouler les vingt et une épingles des "Gata loops", regrimper le "Baracha La" pour enfin se laisser glisser jusqu'à Manali.
Sur le papier, c'est un bel itinéraire et chouette programme !


Dans les faits... C'est parti pour un peu de mathématiques.
Additions, soustractions, conversion pieds-mètres pour savoir combien de kilomètres et de mètres de dénivelé, il va falloir empiler pour aller boire un chocolat chaud à Manali !
5.. km et ... m de dénivelé et une dizaines de jours à plus de 4000 mètres d'altitude.

Rien que d'y penser, vous êtes déjà fatigués ?! Aller... Pause !

Ah oui... Ne cherchez pas la cantine. Ici, il vaut mieux avoir quelques chapatis dans son cartable et vous comprendrez vite qu'il faut manger n'importe quoi, à n'importe quelle heure et profiter simplement de l'occasion gastronomique qui se présente.


Les ravitos sont peu nombreux, les épiceries inexistantes et c'est ainsi que l'on se retrouve à manger une soupe chinoise à 9h du matin, à manger trois biscuits à midi, un dal à 16h et à se coucher le ventre à demi rempli à 19h alors qu'il fait déjà nuit noire.


Les soirées sont plutôt longues et obscures mais cela laisse le temps pour effectuer les devoirs du soir à la frontale. Lectures en tout genre : Bruno prend de l'avance, toujours plus à l'Est, il plonge dans la littérature Japonaise. Quant à moi, à 4500m en ce début d'automne, je gèle ! Je tente donc de me réchauffer avec la meilleure bouillotte dans mon duvet : "D'un volcan à l'autre" et les aventures aussi farfelues que torrides de Guy de St Cyr.

Séance d'écriture également pour que vous puissiez lire justement ces quelques lignes. Des lignes et des heures de cols... à peu de chose près on pourrait croire qu'on enchaîne les punitions, il n'en est rien ! Sage comme ces belles images...


Les sujets du cours de dessin sont très nombreux et les pages du carnet se remplissent à vue d'œil.
Ici, l'art est partout. Les couleurs vives explosent, l'architecture en impose, les paysages inspirent et la calligraphie intrigue. Tout est prétexte à un coup de crayon. Ça griffonne, ça pinceaunne et quelquefois ça gomme... Quel bonheur d'avoir emporté ces pages de papier, je rayonne !




Au cours de langue, après une fin d'année en compagnie du prof de russe, c'est le grand retour du prof d'anglais. Encore un qui vu mes talents va s'arracher quelques cheveux. Peu importe, à l'interro, je pomperai sur le camarade Bruno !

Ici encore, langage des signes et sourires font le job à merveille et puis les Ladakhis ont tout compris, un seul mot pour trois choses.
Bonjour, Au revoir, Merci = "Julley".

Enfin après la torture du cours de langue, vient enfin l'heure de mon cours préféré : le cours d'éducation physique.


J'ai, par le passé, souvent trouvé qu'on ne bougeait jamais assez en cours d'EPS, qu'on ne prenait pas assez l'air et qu'on en ressortait tout compte fait, pas si fatigués !

Ce coup-ci, je suis servie ! Sûr que si on me collait à la suite un cours de français, je m'endormirai sur mon plumier. D'ailleurs, à ce sujet, vous remarquerez que j'ai fait l'impasse sur le cours de français à cette rentrée. Pour une fois qu'on a l'opportunité de choisir son emploi du temps, il ne faut pas s'en priver !



Au cours d'education physique, on donne tout ! Ainsi chaque jour, ça pédale, ça mouline, ça trialise entre les cailloux, ça maintient l'équilibre dans la boue, ça zigzague entre les flaques, ça joue à cache-cache avec les camions et à trap-trap avec les motos, ça se balade sous les flocons, ça grille sous le soleil d'altitude, ça lutte à contre vent, ça tétanise sur les manettes de freins ou ça force sur les pédales et parfois ça pousse !




On a beau passer des heures et des heures sur nos vélos, l'ennui n'arrive jamais. Ici, il y a toujours quelques choses à regarder !



Des décors incroyables, des villages animés, des ouvriers qui travaillent, des geysers d'eau bouillante, des nuages qui envahissent brutalement le ciel, des lacs turquoises, des chevaux sauvages, des cols enguirlandés, des motos chargées, des camions joliment décorés.


Des ponts délabrés, des épingles à compter, des routes taillées dans la parois, des cérémonies bouddhistes, des falaises géantes, des mouflons, des murs à mani et leurs beaux cailloux gravés, des tentes et un tchaï fumant. 



Des rivières bleues, des sourires et des "juley", des cheminées de fée, des moulins à prières gigantesques, des cailloux peints, des bornes kilométriques et humoristiques.

Devant chacune d'elles, on pourrait aisément s'installer, assis en tailleur,  pour philosopher un peu...
Écrit noir sur jaune, certaines formules sont de vraies pépites... Inspirée la DDE locale !




Enfin quand il s'agit de l'heure du cours d'education civique et de découverte des religions, il suffit d'oser pousser la porte...

Battements de tambours qui donnent la mesure, son de voix guturale, cors qui retentissent, symbales... Nous voici comme deux petites souris dans un coin de cette pièce aux mille détails, aux mille recoins et aux couleurs éclatantes. Des moines vêtus de teintes prune et safran, concentrés à leurs tâches nous ont à peine aperçu passer la porte. Ils lisent des prières, jouent d'un instrument, reçoivent des offrandes... se marrent aussi parfois.

Ces drôles de cimagrés s'enchaînent, tout semble rodé, codifié, ordonné, chaque détail semble avoir son importance, les accessoires sont nombreux, de la nourriture circule, des statuettes sont installées au sol, puis des tissus blancs étendus ça et là. On sort le gros coquillage qui produit un son de corne de brume, puis vient le moment de l'eau chaude puis du thé, enfin de la pause... Et puis ça reprend, cela dure des heures et des heures... 

Certains religieux paraissent imperturbables, d'autres un peu éprouvés, d'autres ne pensent, semble-t-il, à s'amuser avec leur voisin, puis tous se ressaissent et la cérémonie suit son cours de longues minutes encore... Quel spectacle !







La récitation à apprendre par cœur pour demain est simple, 6 syllabes : "Om, ma, ni, padme, hum".



Enfin comme à chaque rentrée des classes, c'est la même rengaine : les poux sont de retour !

Comme d'habitude, on ne sait jamais d'où ils viennent, qui les a ramené de ses vacances et qui ne fait pas son petit shampoing à la lavande ou au vinaigre pour s'en débarrasser.
Ce coup-ci, c'est sur ma tête qu'il font une partie de foot. Ça galope, ils ont l'air de s'amuser comme des petits fous ! Sport-étude les mecs !

Bientôt le retour à la civilisation, la dégringolade à 3000 mètres d'altitude, le retour des restaurants, des arbres, des chauffards, de la douche... les vacances ?

Déjà deux semaines dans cette cour de récréation géante. A coup sûr, c'est mon retour à "les cols" préféré ! 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire