lundi 18 mars 2024

Buenos dias Argentina !.....Escal'A2roues#159




Passer une frontière par voie terrestre et entrer dans un nouveau pays avec son petit vélo, cela fait toujours un petit quelque chose !

Ces 10 derniers mois, n'ayant quasiment fait que sauter d'île en île en Océanie, nous avions presque oublié ce petit bonheur de voyageur à deux roues.



Imaginez qu'en quelques coups de pédales à peine, tout change subitement autour de vous : culture, paysages parfois, religion quelquefois, traits des visages ou manières de se comporter, monnaie ou unités de mesure et la plupart du temps changement de dialecte.

C'est là où on se dit, une fois de plus, que le vélo fait des miracles. Un si simple engin pour de si grands dépaysements !



Ce coup-ci, non seulement il y a la joie "habituelle" de découvrir plein de nouvelles choses mais il y a aussi, plus au sud de cet immense pays, l'excitation des retrouvailles. De belles montagnes et de grands sommets maintes fois explorés et des amis de longues dates à visiter, la convialité d'un asado bien fourni ou la joie de partager un maté.


Bruno aurait-il cru qu'un jour ce serait un vélo qui le conduirait en Argentine ?!

En guise de symbole à la situation, cette entrée en terre argentine est cyclistement parlant complètement folle !

Une perte de près de 3000 mètres de dénivelé en quelques jours à peine et une "muy grande bajada" de plus 400 km ! Imaginez donc !


Des paysages qui défilent sous nos yeux à toute vitesse : des étendues de cailloux à perte de vue, puis des cactus pour enfin découvrir un tout premier arbre ! Une sensation de plonger progressivement dans un grand bol d'air chaud et des températures qui grimpent chaque minute davantage, des moustiques qui font leur entrée dans la danse, des molécules d'oxygène qui se multiplient à vue d'œil, une circulation qui se densifie, des villages qui se font plus nombreux et moins sommaires, des visages croisés qui nous ressemblent de plus en plus. Les chapeaux disparaissent, les jupes sont moins volumineuses, la teinte des peaux s'éclaircit, les traits s'affinent, les cheveux passent de l'ébène au châtain, parfois même au blond.


Les lamas sur les bas côtés se font désormais plus rares, l'asphalte a pris définitivement le dessus sur la terre et le gravier. Des boucheries à tous les coins de rue et les cartes des restaurants affichent désormais quasi exclusivement de la viande. La proportion de "papas" et de "carne" dans l'assiette s'inverse littéralement !

Elle est bien là, la vraie magie du voyage à vélo : avoir le temps et l'opportunité, au fil des kilomètres, d'appréhender, tous sens aux aguets, tous ces changements.

Cette immense descente et le fait de se laisser filer ainsi auraient pu suffire, à eux seuls, à agrémenter toute la magie d'entrer en Argentine mais il fallait bien quelques épices, style "chimichuri" pour relever un peu la sauce et nous empêcher d'avaler tous ces kilomètres trop goulument.

Comme un clin d'œil de ce cher Éole au "patagon d'adoption", chaque matin, un doux vent soufflant dans notre dos, nous permet de filer comme des fusées. À la mi-journée, en quelques secondes et comme si quelqu'un choisisait d'inverser instanément le sens du courant dans un circuit, le vent tourne et malgré la pente favorable, nous sommes stoppés net, cloués au plancher !


Pédaler en descente, ce serait un comble ! Le mieux que nous ayons à faire est alors de se trouver un abri pour protéger la tente du vent et d'attendre que ce grand courant d'air s'inverse à nouveau, au cours de la nuit, pour continuer notre chemin, le lendemain matin de très bonne heure.

L'occasion de profiter encore de quelques nuits relativement fraîches avant de retrouver le véritable été, ses fortes chaleurs et ses orages. La chance de rester encore un peu immergés dans ces paysages sauvages, désertiques, magnifique du grand nord de l'Argentine.

samedi 16 mars 2024

623 ème jour.....Escal'A2roues#158










623 ème jour d'une vie nomade...



623 ème jour de voyage. Des vacances qui, peu à peu, se sont transformées en une autre vie. Une vie de tous les jours, différente, où le mouvement est permanent, où sobriété et simplicité sont les maîtres mots, où inconfort rime avec liberté, où effort est synonyme de récompense pour les yeux et pour le cœur, où chaque rencontre prend une valeur folle et où chaque minute vaut de l'or

On a beau être parfois un peu fatigué, rêver d'un petit peu de confort, de bonnes choses de la maison à manger, de retrouver nos amis, clients et famille, pour autant ce monde est tellement vaste qu'on aimerait tant rouler encore et encore !A

jeudi 7 mars 2024

Que les globules s'amusent !......Escal'A2roues#156




Faire un séjour de plus de deux semaines, entre 4000 et 5000 mètres, ce n'est pas tous les jours que l'occasion se présente. Aussi, profiter de notre accoutumance actuelle à l'altitude pour aller titiller le plafond supérieur suivant est, au fil des jours, devenu assez tentant !

Pour le réveillon du 24 décembre, pas de dinde aux marrons mais un volcan à la sauce aux cailloux. En ces temps de fêtes, dans nos poumons, c'est pénurie de molécules d'oxygène mais dans nos veines, les globules rouges se multiplient et se bousculent encore davantage à l'approche des fêtes.


Une acclimatation quasi optimale acquise selon la désormais bien connue méthode "bicicletaltura" déjà expérimentée et approuvée dans les régions du Pamir et au Ladakh nous permet de rêver à l'ascension du sommet emblématique se présentant ,"a la derecha", sur cette fin de parcours du Sur Lipez : le Licancabur, 5920 mètres.


Cette année, pour Noël, au menu c'est :

*Apéro : "Bicyclette et son étendue sableuse sur fond de Laguna Verde"

*Mise en bouche : "VTT sur son tapis de cailloux"

*Entrée : "300 mètres de dénivelé accompagnés de pierres et graviers"

*Trou Normand : "Courte nuit fraîche & ventée dans son abri de toile"

*Plat de résistance : "+ 1600 mètres assaisonnés à l'éboulis géant et aux pierres qui roulent"

*Dessert : "un carré de chocolat avec vue sur le lac au cœur du cratère sommital"

*Café gourmand : "Grande bajada accompagnée d'un bon sentier"

*Digestif : "balade à vélo saupoudrée de sable fin dans son assiette de tôle ondulée"

Bon appétit et... que les globules s'amusent !


Nous voici donc au petit matin, enfilant nos petits baskets et nos gants à la lueur de nos frontales. J'ai toujours été plutôt matinale le matin de Noël pour ouvrir les cadeaux mais ce coup-ci, on bat tous les records, il fait encore nuit noire quand nous sortons de la tente !


Une bien jolie balade de Noël à quatre pattes puisque c'est ainsi que nous remontons l'immense pierrier instable, qui après quelques 1600 mètres de dénivelé, nous conduit jusqu'au sommet du Licancabur.

Un peu froid aux pieds au lever du jour, pas très bien chaussés pour le terrain et pas vraiment sûr d'avoir choisi la bonne face de la montagne mais peu importe... La vue depuis le sommet est imprenable sur le joli petit lac niché au cœur du cratère du volcan.



Tout autour de nous des paysages désertiques à perte d'horizon. Sous nos pieds, les lagunas verdes et blancas colorent un peu les alentours.

En se tournant vers le nord-est, tout le chemin parcouru à vélo, les jours précédents, se dévoile à nos yeux.


En observant d'un peu plus près les environs du sommet, surprise inespérée : un véritable petit sentier de randonnée nous permettant de rejoindre facilement et rapidement la base de la montagne.



Un chouette cadeau de Noël que de ne pas avoir à redescendre de ce grand volcan à quatre pattes et en marche arrière !

De retour au bivouac, il ne reste plus qu'à refaire nos bagages, réenfourcher nos vélos et à continuer notre route l'air de rien !

14 000 km......Escal'A2roues#155





lundi 4 mars 2024

À bientôt près de chez vous !......Escal'A2roues#154




Holà todos !

Envie de faire un tour sur un porte-bagage et de découvrir du pays à moindre frais ? (Je veux dire sans vous exploser les mollets !)

C'est par ici !

Au Club Andino de Córdoba en Argentine, à la salle de bloc Wattabloc à Chambéry, à la salle de grimpe Altissimo à Albi, au Club Alpin Français Marseille Provence à Marseille mais aussi à Pau et à Luchon !

Merci à toutes celles et ceux qui prennent ces initiatives et se motivent pour rendre ces moments de partage possible !

L'heure du bain........Escal'A2roues#153




L'eau n'est de loin pas mon élément préféré et pour que j'en arrive à enfiler un bikini et à faire un plouf, il faut, soit que je me sente vraiment cracra, soit que la piscine vale le détour !

Après tous ces jours dans la poussière et devant un tel décor, ces éléments semblaient tous réunis.



Une flaque dans le désert est comme un véritable petit trésor, quand l'eau s'avère être douce au milieu de lacs salés c'est comme trouver une perle rare et s'il s'agit de sources d'eau naturellement chaude alors c'est la cerise sur le gâteau !


Et si on barbote dans une piscine débordant sur un lac dans lequel, à quelques mètres à peine, se baladent des flamands rose, là je signe direct pour un bain quotidien !







Tempête sur le Salar......Escal'A2roues#152




Tempête sur le Salar #1

Désormais, du blanc à perte de vue.

C'est assez étrange comme notre esprit cherche inconsciemment à recoller un environnement pourtant inconnu à une réalité que l'on connaît...

Un vaste plateau enneigé, un bout de banquise sans sastrugis, un glacier tout bouché, une immense flaque glacée ? Pourtant non...

Nous sommes tels des marins en pédalo évoluant sur la terre ferme !


Nos roues se fraient un chemin dans les profondeurs d'un lac asséché, nos pneus cheminent sur une surface incroyablement lisse après des jours et des jours à s'enliser dans du sable à la profondeur variable et à se faire secouer tous les os sur de la tôle ondulée de compétition.



Quelques éclaboussures d'eau salée viennent crépir nos engins, agressent nos peaux et le sel se glisse doucemement (mais sûrement !) partout. Les mécaniques grincent, la rouille s'invite précocement sur le moindre bout de métal mais nos jambes se décontractent : c'est lisse, ça déroule... Des vacances pour ainsi dire !

Rouler sur ces salars est comme un rêve éveillé !


Et puis soudainement, la réalité nous rattrape, une bande sombre au loin masque l'horizon, un nuage étrange nous barre le passage, une tempête nous fonce droit dessus...

On abandonne alors notre insouciance de cyclos et on reprend en vitesse nos vieilles habitudes de montagnards, de promeneurs polaires ou de voyageurs à voile.

Vélos couchés à terre, emmitouflés comme des esquimaux, nous observons patiemment l'évolution de cette drôle de turbulence. À quelle sauce allons-nous être mangés ? Salée et bien secouée sans aucun doute...


Le vent se déchaîne en même temps que la visibilité se réduit encore.

Après quelques heures d'attente dans ce tourbillon fou, il faut bien se rendre à l'évidence : planter une tente ici, serait de la folie et attendre que le vent passe pourrait prendre peut-être un temps infini.

Avant que la nuit ne tombe, nous reprenons donc notre route, version "peloton" pour se protéger les uns les autres de ce furieux courant d'air et une navigation tout au GPS est de rigueur !


Tempête sur le Salar #2

Attendre que passe le vent... Regarder passer le temps...

Pédaler laisse souvent la possibilité à l'esprit de divaguer : pendant que les jambes moulinent, le cerveau vagabonde à sa guise.

Sur les mauvaises pistes du Sur Lipez, c'est différent : sable, tôle ondulée et parfois rochers demandent au cycliste d'être présent à 100%. Une seconde de déconcentration au guidon suffit à ce que le pneu avant n'en fasse qu'à sa tête et sorte de la mini zone considérée comme à peu près roulante.

C'est alors à chaque fois ou presque le même cirque, poser un pied à terre à l'arrache, relever le vélo lourdement chargé d'eau et de nourriture, le pousser jusqu'à sortir de la zone sableuse en question et tenter de repartir en un minimum d'essais pour économiser ses quelques forces.

Alors évidemment quand après plusieurs jours de dur labeur en mode 4x4 version 2 roues, un boulevard blanc, plat et lisse tel qu'un désert de sel s'offre à nous, c'est juste le paradis !

L'esprit peut à nouveau bouillonner d'idées en tout genre pendant que les gambettes font le job sans forcer ! Au fil des kilomètres, rouler sur cette immense flaque blanche nous rapelle inévitablement quelques similitudes avec une grande traversée d'un des plus grands lacs gelés du monde, réalisée il y a quelques années : le lac Baïkal en Sibérie.

650 km à pied/ski/pulka/kite avec parfois un assistant de choix : Éole soufflant dans nos voiles !

Une longue itinérance où à quelques dizaines de degrés celsus près, les interrogations furent parfois les mêmes : comment planter une tente dans cette étendue ventée et ne proposant pas le moindre abri, comment l'amarer solidement au sol, quelles réserves de nourriture (ou d'eau ce coup-ci) prévoir pour cette grande traversée, comment adapter nos déplacements et nos directions afin d'avoir le vent pour allié ?

La glace trop glissante, la neige trop collante se transforment ici en sel et parfois même en eau salée qui s'immiscent dans les moindres recoins.

Cette fois, la première douche, une fois la terre ferme rejointe sera destinée... aux vélos !



Tempête sur le Salar #3

Et pourquoi ne pas changer de cap pour se laisser filer vent dans le dos ?

Qui cédera le premier, Eole déchaîné ou le cyclo-rêveur qui croit pouvoir ramer à contre courant ?


Nous voici tels des skippers à deux roues changeant de cap afin de concilier caprices du dieu des courants d'air et petits mollets qui partent en fumée ! La route directe est certes la plus courte mais pas toujours la plus rapide et quand le vent se déchaîne à des dizaines de km/h sur des petits cyclistes au milieu de nulle part, ce n'est rien de le dire !

Lutter vent dans le nez, se faire chahuter vent de côté... très peu pour nous ! Pourtant si l'idée est de tirer un bord pas forcément très favorable pour ensuite profiter d'une poussée extraordinaire dans notre dos, la stratégie mérite d'être étudiée de plus près.


Après quelques minutes de lutte acharnée, il est à présent temps d'ôter les pieds des pédales et de se laisser filer tel des optimistes... sans voile !







Voyage sur l'Altiplano....Escal'A2roues#151






Quel voyage !

Une fois encore, nous avons comme l'impression d'ouvrir une petite parenthèse dans ce très grand périple, la sensation d'inventer un nouveau petit voyage dans le grand, d'écrire un nouveau chapitre dans le grand livre illustré "Escal'À 2 roues" : "Voyage sur l'Altiplano"


De nouvelles lignes à écrire, de nouveaux paragraphes à imaginer, de nouveaux mots aux consonances latinos à aligner.

Ce chapitre n'aura duré qu'une poignée de semaines à peine mais, comme toutes les expériences marquantes, cela aura semblé durer une petite éternité. Une balade sur les hauts plateaux Boliviens hors du temps, loin du bruit et à l'écart des foules. Une sorte de pérégrinations itinérantes dans un univers minéral sec et chaud où chaque goutte d'eau est comptée et où chaque molécule d'O2 respirée fait un bien fou !



Le préambule de ce nouveau chapitre commence, tel un lendemain de fête. Dès les premières lignes, on se sent un peu vaseux et accablés d'un furieux mal de crâne venu d'on ne sait où. Ce n'est pourtant pas un excès de bières locales Huari qui est responsable de ce tapage dans nos tempes mais bel et bien une arrivée un peu trop brutale sur les cimes du globe.

Tout est plus laborieux et tout demande davantage d'énergie à 4000 mètres d'altitude, surtout lorsque l'on vient de passer 3 ou 4 mois au niveau de la mer.

Tout prend aussi une autre saveur et toute expérience s'en trouve d'autant plus enrichie.





Dès les premiers instants, on plonge la tête la première dans une carte topographique où la couleur verte et la couleur bleue sont quasiment absentes, laissant place à des tons jaunes, ocres, marrons, orangés et où d'étranges flaques blanches apparaissent ça et là.




En se penchant davantage sur ce bout de papier et à la lecture des quelques mots qui le parsèment, l'esprit part immédiatement en vadrouille.

La seule évocation du noms des lieux suffit à faire rêver : Sajama, Salar de Coipasa, Uyuni, Laguna colorada, San Pedro de Atacama, Licancabur...





Si l'on ouvre un peu plus grands les yeux, quelques chiffres donnent le vertige : 4300, 4905, 5920 mètres...

Pour cette aventure dans d'immenses paysages sauvages où les minuscules petits villages et les cours d'eau se font rares, il nous faudra être un peu plus prévoyants qu'à l'ordinaire : une autonomie en nourriture pour plusieurs jours est absolument de rigueur !






C'est aussi une première pour les vagabonds à deux roues que nous sommes. Ce coup-ci, il faudra quelquefois également porter plusieurs litres d'eau pour être autonomes durant quelques jours.

Voilà qui allourdit considérablement nos chargements : le poids de nos vélos est au moins aussi grand que la curiosité et la soif de découverte qui nous habitent !


À nos bagages, nous devons également ajouter une quantité non négligeable de globules rouges, histoire de vivre au mieux un séjour d'une vingtaine de jours à des altitudes comprises entre 4000 et presque 6000 mètres.




Nous voici embarqués dans une folle traversée du Sur Lipez, région désertique à califourchon entre deux pays. La porte d'entrée de cette aventure se situant à Sajama en Bolivie, celle de sortie à San Pedro de Atacama au Chili, entre les deux, de vastes étendues de pierres et de sel ainsi que la liberté pour seule guide.



Dans ce chapitre, il y a des grains de sable qui se glissent entre les pages, il y a quelques gouttes d'eau salées qui collent les feuilles de papier entre elles. Dans ces paysages désertiques, en guise d'horloge, un soleil féroce qui brûle tout sur son passage. Des jours durant, il grille nos peaux, dessèche nos lèvres, décolore nos vêtement et lorsqu'enfin, le soir venu, il décline, ce dernier nous indique qu'il est temps de lâcher le guidon pour trouver un emplacement de bivouac et de profiter d'un peu de repos mérité. Un coin plat, sans trop de pierres, sans épines, avec potentiellement un peu d'eau pour boire et surtout, surtout, surtout avec de quoi s'abriter de ce vent furieux qui ,chaque fin de journée, se déchaîne autant qu'il le peut.




À la mi- journée, il est courant qu'Éole redouble de puissance et souvent même change de sens. Ultime épreuve du jour alors que, déjà fatigués de pédaler dans du sable ou sur de la tôle ondulée, il faut désormais continuer d'avancer vent dans le nez jusqu'à atteindre un abri providentiel où passer la nuit.

Avec le flapement de la toile de tente pour seule berceuse, nos corps usés ne se font pas prier pour s'endormir.

Le dieu du vent, quant à lui, attendra que l'on dorme bien paisiblement pour lui aussi se décider, enfin, à aller se coucher.




Au petit matin, requinqués par quelques heures de sommeil réparatrices, nous nous remettons en selle avec souvent le prochain point d'eau en ligne de mire.



Tel un clepsydre, le goutte à goutte du filtrage d'eau quotidien rythme nos journées comme seule mesure du temps qui passe. Un liquide parfois légèrement visqueux et salé comme un symbole d'un voyage où le temps s'écoule au ralenti, où l'on prend le temps de vivre.










Rouler sur l'Altiplano, c'est un véritable cocktail de sable qui se glisse partout, de poussière qui vole, de lamas qui traversent devant nos roues, de petits murs de terre sèche qui offrent un peu d'ombre ou un abri contre le vent, de vicuñas qui prennent la fuite à notre vue, de viscachas qui nous observent passer perchées au sommet de leur rocher, de tôle ondulée de compétition qui secoue tous nos os et fait claquer toutes nos dents, de vent qui de notre meilleur allié devient parfois notre pire ennemi, de vastes étendues salées à perte de vue, de sel qui s'immisce partout et fait grincer les mécaniques, de cactus aux mille épines, de volcans pointus comme seuls points de repère à l'horizon, de geysers bouillants, de boues bouillonantes, de bains d'eaux naturellement chaudes, de voûte céleste brillant de milliards d'étoiles, de lacs aux couleurs improbables, de flamands rose qui barbottent et de soleil qui cogne très fort !
















En conclusion de ce nouveau chapitre, de ce voyage dans le voyage, j'écrirai ces lignes...

L'esprit et le coeur sont-ils plus perméables lorsque le corps est mis à rude épreuve ? Ce voyage sur l'Altiplano et cette traversée du Sud Lipez, n'en sont-ils pas la preuve ?



De toutes ces heures à pédaler sur des pistes parfois si peu roulantes, à batailler, à zigzaguer ou à pousser dans du sable, à se faire secouer sur de la tôle ondulée, à appuyer si fort sur les pédales pour ramer à contre vent, à défier ces espaces où l'oxygène se fait rare, de ce soleil brûlant, de ces nuits ventées, froides et inconfortables, de ce climat sec, nous nous sommes enivrés de ces paysages incroyables, de ces déserts de sel surréalistes, nous nous sommes délectés de la plus petite goutte d'eau douce et fraîche, du moindre coin d'ombre où trouver un peu de repos et nous nous sommes enrichis de chaque rencontre.




Bientôt, en guise de souvenir, la rouille envahira nos vélos pendant que les images de cette aventure salée, solaire, sableuse et minérale seront gravées à jamais...