samedi 25 octobre 2014

Expé Pamir : Visa pour l'aventure... (Episode 1)



6 octobre 2014, 4 heures du matin…

Nous sommes assis à même le sol. 
Rangers et uniformes se déplacent dans notre champ visuel. Discussions et éclats de voix, mélange amer de russe et de kirghize se mêlent aux gémissements de douleurs de quelques uns d’entre nous qui ont essuyé une arrestation plutôt musclée quelques minutes auparavant… Au fond de la pièce, une cellule de dégrisement vide, genre cage au fauve, semble attendre son premier locataire de la soirée. Nous voilà, échoués dans un des sûrement nombreux postes de police de Bichkek.
Les kalachnikovs sont brandies sans précautions sous notre nez… A croire que nous avions encore besoin d’une petite dose d’adrénaline avant de quitter le sol Kirghize!



On nous avait prévenus : « Eh les gars, ici vous êtes dans la capitale de la Kirghizie !». Petite phrase bateau, d’apparence anodine mais derrière laquelle on peut finalement y mettre tout ce que l’on veut : « ici vous trouverez tout ce qu’il vous faut ! », tout comme « tout peut arriver ! ».
Une embrouille en boîte de nuit, et tu finis ta soirée au commissariat après t’être fait traîner par terre et démonter l’épaule par une puissante clé de bras : ça ne rigole pas!


Dans le regard de mes compagnons de cordée, je rencontre tout l’éventail des effets observables de la vodka locale. Il y a tout d’abord, celui qui, assommé par son taux d’alcoolémie, ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive mais reste tranquille. Vient ensuite celui qui a l’alcool mauvais, l’hyperactif qui veut défoncer tous les flics du coin sans oublier de les insulter comme il se doit, en prenant soin de ne pas oublier leur mère et leurs sœurs (c’est vrai, c’est plus sûr pour être certain d’avoir VRAIMENT des problèmes !). Je croise aussi la peur dans les yeux de certains, complètement tétanisés par la situation peu confortable dans laquelle nous nous trouvons. D’autres plus lucides, voit en l’argent le seul dénouement et sont prêts à débourser toutes nos économies en guise de bakchich! Sans oublier, l’individu complètement euphorique qui gratte l’amitié aux policiers en leur chantonnant des airs de chansons françaises et en leur demandant leur facebook… 
Le punk de la bande quant à lui a déjà réussi à s’échapper... Quel guerrier!

Je me dis que la bière et la vodka ont bien fait leur travail, ce spectacle me ferait presque sourire.


Mais l’heure n’est pas vraiment à faire les andouilles, mieux vaut ne pas la ramener et attendre de voir le sort qui nous sera réservé quand tout ça se sera (espérons le) apaisé.

Pour ma part, je choisi de prendre mon mal en patience, l’occasion de se remémorer tout ce que nous avons vécu ensemble depuis notre premier passage à Bichkek, il y a un mois déjà et jusqu’à cette soirée bien arrosée qui nous ramène à ce commissariat et à ce moment précis...

Tout a commencé début septembre, nous sommes trois pyrénéens dans une voiture blindée filant comme un bolide en direction de l’Italie, croulant sous les sacs de voyage, sacs de hissage, cartons de nourriture lyophilisée empilés jusqu’au plafond.
Quitter les  Pyrénées, c’est déjà l’expé !
Il fait 40° et quelques centaines de kilomètres de voiture nous attendent jusqu’à Milan où nous rejoindrons nos amis alpins. Le groupe est au complet (ou presque) : Huit jeunes (Tiphaine, Ingrid, Lara, Julien, Matthias, Robin, Sylvain, Jonathan) et trois guides, Christophe Moulin, Titi Gentet et Patrick Pessi.



Nous nous envolons pour Moscou puis pour Bichkek, capitale du Kirghizstan. En sortant de l’aéroport, la chaleur est étouffante. Le trajet en bus qui nous amène de l’aéroport au centre ville nous permet déjà de nous plonger dans le bain Kirghize. Des champs jaunes s’étalant à perte de vue témoignent d’une sécheresse certaine en cette saison, des vendeurs de pastèques parsèment le bord de routes, certains hommes portent de hauts chapeaux en feutre traditionnels, les femmes des foulards fleuris. La circulation peut paraître à première vue anarchique, certains ont le volant à droite, d’autres à gauche, pourtant même si klaxonner semblent quasi indispensable à la bonne conduite, le trafic n’est pas si dense ni extrêmement bruyant. Fatigue et chaleur nous assomment un peu mais nous nous retrouvons vite devant une grosse tranche de pastèque de bienvenue dans un petit havre de paix et de verdure au siège de l’agence, c’est bien appréciable !





Après une journée passée à déambuler sur les trottoirs des larges avenues de Bichkek, à photographier les multiples statues monumentales du camarade Lénine, à faire les fous en tandem dans les parcs de la capitale, à tester quelques restaus et à faire quelques achats dans le grand Osh Bazar… Bref à faire les touristes, nous sautons à nouveau dans un avion et nous envolons cette fois vers le sud du pays. Toutes les compagnies proposant des vols internes étant sur listes noires, nous serrons un peu les fesses au décollage mais nous atterrissons à Batken sans encombre ni mauvaise surprise, c’est déjà ça !












Aéroport de Batken
Trois heures de bus, en mode rallye sur des pistes archi poussiéreuses, nous conduisent jusqu’à Ouzgurush, petit village dont les maisons aux toits de tôles et aux murs de terre séchée, sont entourées de clôtures fermées par un portail. Nous passerons la nuit chez une famille qui offre des services de muletier dont nous bénéficierons dès le lendemain matin.


Arrivée à Ouzgurush





 S’en suivent trois jours de trek à travers des paysages arides et minéraux où nous ne croisons en tout et pour tout qu’un troupeau de moutons et quelques vaches. Après avoir franchi quelques cols, avoir avalé pas mal de déniv’, quelques bonnes heures de marches, réalisé deux bivouacs, tiré (voir parfois tractés) et pousser nos mules, nous arrivons le 14 septembre à destination : le camp de base, un beau cadeau d’anniversaire!










La vallée de Karasu se dévoile...
Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu, l’arrivée au camp de base est un véritable sketch :
Quand en début d’après midi nous arrivons à l’entrée de la vallée de Karasu, nous découvrons rive droite ce qui pourrait bien être le pic Assan et au fond le Pic Pyramidal. A ce moment là, tout le monde, ou presque, est d’accord pour dire que la vallée d’Aksu où nous avons prévu de passer quelques semaines se trouve juste derrière. Mais quand nous voyons tous les muletiers s’engager sans hésiter dans la vallée de Karasu, on commence à avoir de sérieux doutes! Ils nous assurent que c’est ici que notre camp de base est installé. Effectivement, on refait un tour rapide de nos mails enregistrés sur nos smartphones et c’est bien le nom de Karasu qui figure sur les messages envoyés par l’agence. Eh ben voilà… on s’est trompé de vallée !
Il faut dire que dans tous ces noms, on s’y perdait un peu. Personne ne semblait appeler les sommets et les vallées par le même nom : Karavshin, Karasu, Aksu, Pic Aksu…

On ne sait encore rien de la suite de l’expé, mais en se trompant de vallée, on a sans doute déjà réalisé une belle première !




On est un peu déçus de se retrouver ici sans topos et sans vraiment d’infos sur les sommets et parois alentour alors que plusieurs de nos objectifs se trouvaient dans la vallée voisine, la vallée d’Aksu. C’est un peu dommage et cela nous ferait presque oublier que nous arrivons dans une jolie clairière avec la rivière toute proche où notre camp de base est déjà installé, comprenez par là : tente cuisine, tente mess, tentes dodo et même tente toilette sans oublier la douche ! Max et Elena, deux jeunes Kirghizes aux traits tout aussi occidentaux que nous sont là pour assurer l’entretien du camp et la cuisine.

Dès le deuxième jour, les hostilités sont lancées. Tough, Robin et Sylvain partent dans la vallée d’Aksu à l’assaut de la Tour Russe et de « Perestroïcrack », célèbre big wall de 800 mètres, ouverte en 1991 par une équipe de français dont Mr Titi Gentet en personne !
Les copains partent pour "Perestroïcrack"...
Pendant ce temps, nous partons explorer la vallée de Karasu et réalisons dans la journée deux voies de 700 mètres chacune sur ce que nous appellerons la Tour Rouge. Tiphaine, Christophe, Ingrid et Pat choisiront le pilier et graviront ce que l’on baptisera la voie de « la Flèche » alors qu’en compagnie de Titi, Julien et Matthias, nous nous lançons dans la ligne de faiblesse qui raye la face, voie de « la Diagonale ».

Session reconnaissance à la Tour Rouge


Titi dans la Diagonale



Julien et Matthias au sommet

Ingrid dans la voie du pilier
Tiph' en action...
Je commence à grimper en tête, le rocher est parfois humide mais globalement de bonne qualité. Sans trop savoir si des cordées ont déjà parcouru ces itinéraires nous trouvons réponses à nos interrogations en même temps que je rencontre un spit! Tout roule jusqu’à une fissure oblique, large et déversante qui nous crame un peu les bras, la longueur suivante n’est pas si facile non plus. Nous rejoignons le fil du pilier puis le premier sommet et enfin le second, il est 16h30. Mission accomplie, on devrait être de retour au camp de base avant la nuit.
Ce qui ne sera pas le cas de nos amis engagés dans le pilier, sortis tard de leur voie, ils se verront obligés de bivouaquer sous le sommet et attendront le lever du jour pour rejoindre le camp de base. Les nuits sont plutôt fraîches. Ils ouvrent le bal des bivouacs "à l'arrache"! Une voie et un bivouac improvisé, ça commence fort !


Bien d’autres bivouacs au confort médiocre suivront! D’autres très belles voies aussi… 
Rendez-vous donc au prochain épisode !


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