Après cette première
voie à la Tour Rouge, une journée de repos s’impose... Lessive, toilette, lecture et prépa du matos...
Nous sommes motivés à
bloc pour aller tâter les fissures de la belle « Perestroïcrack » sur
la Tour Russe dans la vallée voisine d’Aksu.
"Perestroïcrack" est une grande voie de 800 mètres, cotée ED: 24 longueurs au total dont quelques unes en 7 et beaucoup en 6...
Le topo |
C’est entre Pyrénéens que nous
partons à l’assaut de ce beau big wall : On ne change pas une équipe qui
gagne… ou pas! Et oui, tous les essais ne sont pas toujours gagnants!
Première tentative! |
Après avoir glané
quelques précieuses infos à nos copains partis en éclaireurs et tout
fraîchement rentrés de la même voie, nous nous mettons en chemin. Rejoindre la
vallée d’Aksu n’est pas très compliqué en soit, mais cela nécessite quelques
heures de marche chargés comme des mules! Il suffit d’atteindre un col, de
traverser un joli plateau puis de redescendre au fond de la vallée et enfin de
remonter celle-ci en suivant la rivière jusqu’à un chaos d’énormes blocs. Au
col, nous découvrons enfin le monstre : la Tour Russe. Magnifique aiguille
granitique de plus de 1000 mètres de haut, culminant à 4240 mètres d’altitude. Vu
d’ici, les lignes de faiblesses ne sont pas évidentes à discerner et tout ça parait
bien raide mais qu’est ce que c’est beau! Les parois voisines ne sont pas en
reste, le Pic 4810 nous fait face et c’est ultra classe !
La vallée d'Aksu... |
La Tour Russe |
Un abri de berger
sous un gros bloc nous offre un bon spot de bivouac, la nuit est étoilée et
nous nous endormons en rêvant déjà à la journée du lendemain.
Au réveil, il fait
encore nuit mais les étoiles ont disparues. Le jour se lève quand nous nous
mettons en marche et nous découvrons un ciel bien chargé. Nous n’y prêtons pas
vraiment attention, peut être avons-nous un peu trop la tête dans le guidon, à
moins que ce ne soit dans le c…
Bref, après une
heure de marche dans un énorme et pénible pierrier, nous sommes au pied de la
voie et là : surprise ! … il neige! Le haut de la vallée est bien
dégagé et le vent souffle à bloc, en bon optimistes, nous comptons sur
celui-ci pour chasser les nuages que nous avons au dessus de la tête!
Dans le pierrier à l'approche de la voie... |
Dans les premières longueurs |
Au col... |
Au col, Matthias prend le relais pour quelques longueurs. On découvre alors une
succession de longueurs de toute beauté. Une dalle compacte est rayée par une
belle fissure qui indique le chemin à suivre. Nous la suivons sur quelques
longueurs, ces passages là sont vraiment extras! De temps à autre une éclaircie
nous laisse espérer que le temps s’arrange. Faux espoir puisque les averses de
neige deviennent de plus en plus fréquentes et de plus en plus mouillantes.
Le caillou commence
sérieusement à glisser quand vient mon tour de passer devant. Même humide,
grimper cette fissure est vraiment plaisant. On est super contents!
Des 5+/6a de malades! |
A 18h, il neige
sérieusement, nous sommes au 10ème relais, soit 3 longueurs sous la
vire du bivouac, il nous reste environ 1h30 de jour, les longueurs suivantes ne
sont pas faciles et le caillou dégouline carrément. Nous nous concertons en
mode « réunion de crise », que faire ? Nos sacs de hissages sont
couverts de neige, nous sommes trempés et nous ne sommes pas sûrs de parvenir à
rejoindre la vire du bivouac avant la nuit.
Après une journée à
batailler dans le froid et la neige, c’est la mort dans l’âme que nous signons
le but.
On misère une bonne
partie de la soirée puis de la nuit à descendre en rappel, à coincer les cordes
dans les fissures, à mouliner nos sacs toujours aussi lourds et enfin à les
porter. La neige ne cesse pas de tomber, au contraire, ça empire. Finalement
vers 1h du matin, nous touchons enfin le sol.
Frigorifiés et trempés jusqu’aux os, Juju nous déniche un super spot de bivouac alors qu’avec Matthias nous finissons de plier les cordes. Nous nous jetons successivement sous un énorme bloc puis dans nos duvets qui sont, eux, quasi secs! On ne tarde pas à s’endormir… Ouf! Quelle aventure!
Frigorifiés et trempés jusqu’aux os, Juju nous déniche un super spot de bivouac alors qu’avec Matthias nous finissons de plier les cordes. Nous nous jetons successivement sous un énorme bloc puis dans nos duvets qui sont, eux, quasi secs! On ne tarde pas à s’endormir… Ouf! Quelle aventure!
Le trou où nous avons fini la nuit... |
Le lendemain, nous
croisons Tiph, Ingrid et Pat qui montent en direction de la voie, nous
échangeons quelques mots et leur souhaitons bonne chance. Contrairement à la
veille, il fait grand beau… Grrr! Ce n’est pas juste! On reprend le chemin
emprunté deux jours auparavant en sens inverse sans trop nous retourner pour ne
pas voir la Tour Russe ensoleillée qui nous nargue et nous rejoignons le camp
de base, la motiv’ dans les chaussettes.
Le Pic 4810... |
Deux jours plus
tard, nous voici à nouveau sur ce même sentier, regonflés à bloc, reposés, nous
repartons pour une seconde tentative. Espérons que cette fois soit la bonne!
Nous sommes
confiants, nous avons forcément acquis en expérience lors de notre première
tentative et de notre retraite compliquée. (Merci Titi pour les encouragements !)
Seconde tentative... |
Pour mettre toutes
les chances de notre côté, on essaie d’être stratégiques. On optimise au
maximum le poids en décidant de ne prendre qu’un seul sac de hissage au lieu de
deux. Pour faire léger, on ne s’encombrera ni de duvet, ni de réchaud.
Cela nous permet de
pouvoir porter le sac sur le dos dans les 4 premières longueurs où nous avions
perdu pas mal de temps à hisser les jours précédents, sans compter qu’hisser un
seul sac assez léger dans la suite nous coûtera aussi moins d’énergie.
De même, nous
referons en tête les mêmes longueurs que la fois précédente ce qui devrait
aussi nous faire gagner du temps.
Prendre des forces! |
Alors que nous
remontons le grand pierrier conduisant au pied de la voie, quelques gouttes de
pluie nous font dire que l’on est quand même un peu maudits… Finalement au
lever du jour, le ciel se dégage. C’est parti, Julien est devant, je grimpe
derrière et récupère le matos pendant que Matthias remonte sur la stat’ avec le
sac de hissage sur le dos. Bonne stratégie, ça ne traine pas!
On attaque la dalle
et la belle fissure, Matthias prend la tête puis c’est à mon tour. Julien est quant
à lui, tout désigné au poste de « hisseur de sac »!
Juju hisse es sacs... |
En fin d’après midi,
parvenus à R13, nous découvrons la vire du bivouac, confort 4**** ! On
décide rapidement de rester là pour la nuit, craignant qu’on ne trouve pas
aussi bien plus haut. Comme nous disposons encore de quelques heures de jour,
nous montons fixer les longueurs au dessus ce qui nous facilitera la tâche le
lendemain matin…
Avec pour seule protection, un petit muret pour nous abrité du vent et des couvertures de
survie jetables, la nuit sera longue et froide. Nous « dormons »
assis, blottis les uns contre les autres. Au lever du jour, nous ne sommes pas
très frais mais nous sommes contents de nous remettre en mouvement espérant
ainsi se réchauffer un peu!
Pas dégueu la vue... |
...ça pèle le soir... |
... le matin aussi ... |
Nous commençons la
journée par remonter au jumar sur les cordes fixées la veille. Effectivement,
ça réchauffe!
Il est 8h du matin,
11 longueurs nous attendent et, déjà, il neige! La journée s’annonce encore
éprouvante!
Matthias reprend la
tête des opérations. Une fois passée les deux longueurs dures, nous avons
vraiment espoir de sortir au sommet pourtant il faudra encore se battre. Les
averses de neige deviennent de plus en plus fréquentes et le caillou fini par
être complètement trempé. Il fait vraiment froid!
Vers 16h, nous
débouchons sur l’arête sommitale partiellement enneigée, nous sommes à quatre pattes, tant le
vent nous secoue violemment. Décidément, rien n’est facile! Cette fois, on y
est !
On est vraiment super contents!
On est vraiment super contents!
Il est encore tôt,
nous espérons donc pouvoir rejoindre la vallée et retrouver nos duvets afin de
dormir au chaud ce soir… Erreur ! Après avoir fait un rappel pour
descendre du sommet puis rejoint un col, nous descendons un immense pierrier,
parfois entrecoupé de dalles… Il se remet à neiger pour la énième fois de la
journée, ce qui nous ralenti probablement dans la descente de ce grand éboulis.
Puis c’est au tour de la nuit de se mêler à la neige, ce qui rend notre
progression encore un peu plus lente. Les flocons dans le faisceau de nos
frontales nous éblouissent, nous n’avons aucune visibilité et bientôt c’est sur
les fesses que nous désescaladons les dalles qui sont maintenant complètement
trempées. De petites cascades se forment, ça ruisselle de partout dans cet
immense canyon.
Après quelques tentatives à
droite, à gauche, nous n’osons nous engager davantage dans la descente car ça
devient vraiment casse gueule !
Nous voici donc
condamnés à passer une nouvelle nuit (toujours sans réchaud et sans duvet et
maintenant sans grand chose à manger!) au beau milieu de ce gigantesque
entonnoir. Reste à espérer que le risque d’orage annoncé pour ce soir soit une
blague!
Encore une longue
nuit inconfortable, serrés les uns contre les autres, à raconter des bêtises
pour ne pas trop déprimer! Des températures bien basses, des éclairs, des
averses de neige et Matthias qui joue Mr Météo, en nous faisant un petit bilan
de l’état du ciel ou nous demande : « Et qu’est ce qu’on fait
maintenant ?? » à chaque fois qu’on arrive (enfin) à s’endormir
quelques minutes! « Eh ben, maintenant, on essaie de dormir,
Matthias!!!! »
Encore un bivouac... |
On fini tant bien
que mal par rejoindre le bout du canyon où celui-ci plonge en une haute
cascade. Deux rappels, un peu de marche et nous retrouvons enfin le chaos de
bloc où nous avons laissé nos affaires il y a trois jours maintenant.
Après un lyoph’
avalé et une bonne grosse sieste en plein cagnard dans nos gros sacs de
couchage, ça va déjà un peu mieux!…
Nous reprenons
ensuite le chemin du camp de base, en nous retournant encore et encore pour
admirer une dernière fois cette fichue Tour Russe qui ne se sera décidément pas laisser faire…
On est quand même un
peu fatigués mais on est surtout super méga heureux!
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