jeudi 21 août 2014

O Sole Mio !

"O Sole Mio"!
On l'aura chercher ce soleil et pourtant... ce jour là, nous nous sommes sacrément caillés!

Obligés d'enlever les chaussons et de remettre les grosses chaussettes à chaque relais, d'assurer avec les gants et manquer d'avoir l'onglet à chaque longueur. 
Nous sommes au mois d'août mais pour la grimpe au soleil, il faudra revenir!




Ce jour là, météo france était pourtant catégorique, ce sera LA journée LA plus belle de la semaine: sans hésiter nous nous disons que c'est LA journée pour aller grimper au Grand Cap'!

Le Grand Capucin est le sommet des grimpeurs, planté comme une sentinelle surveillant l'entrée de la Combe Maudite, ce beau morceau de granit de 400 mètres de haut offre une belle paroi orangée et un rocher d'excellente qualité!

En l’apercevant la veille, alors que nous étions en chemin pour la Tour Ronde, nous nous laissions presque tenté par un changement de programme de dernière minute en direction du Grand Cap'! Une  seule (mais bonne)raison nous laissa dans le droit chemin: Benoit n'a pas pris ses chaussons. 

Au réveil, le ciel est voilé mais je ne sais même pas si l'on y prête vraiment attention... Etienne se joint à nous, on ne le connait pas vraiment mais la journée sera l'occasion de faire connaissance, puis avec un BE avec nous, on ne risque rien!

Nous décidons d'aller dans la voie "O Sole Mio" (ED, 300m), petite voisine de la voie des Suisses, non pas que nous soyons fan de la célèbre chanson napolitaine, ni que ce soit la voie la plus ensoleillée puisque la partie gauche du Grand Capucin où celle ci se trouve est à l'ombre une bonne partie de la journée; mais cette voie est un peu plus courte que les autres de la face et nous espérons avoir la benne le soir, tant pis pour l'ombre! ...De toute façon, il n'y a pas de soleil!
  Après une petite heure de marche, nous sommes au pied du couloir des Aiguillettes que nous remontons juste avant que les premiers cailloux de la journée ne dévalent! Ouf!

Le ciel est sombre, voir menaçant et pourtant on ne semble pas si inquiets, bien décidés à grimper!

On perd un peu de temps à trouver l'attaque, Benoit part pour une première longueur sans vraiment être sûr d'être au bon endroit. Nous abandonnons crampons, piolets et compagnie dans les gradins qui précèdent le départ de la voie tout en étant bien conscients que l'on risque de sacrément galérer pour venir les récupérer toute à l'heure...


Après une longueur 5+/6a, on se retrouve au pied ce qui pourrait être la longueur clé de la voie. Une magnifique fissure cannelure bien rectiligne, trop classe! Cotée 6b, cette longueur n'est pas évidente à grimper car la fissure est assez arrondie et pas ultra facile à protéger... Benoit s'en sort pas mal alors que nous couinons un peu plus derrière. On a froid!


Le 6b suivant est, lui aussi, assez joli: départ en fissure puis passage d'un toit et enfin dalle trempée, heureusement un spit salvateur est là! 
Une longueur 5+ supplémentaire et nous changeons de leader sur une vire confortable.



La longueur la plus dure sur le papier m'attend (6b+/6c). Je suis toujours autant gelée et Benoit ne se prive pas de me mettre la pression: "Je crois que celle là, c'est la longueur de la mort qui tue, hyper expo, gnagnagna..." 
Mais je connais l'animal, j'ai (presque) pas peur!
(Etienne doit se dire que l'on est vraiment tarés!)

Je récupère tout le matos en rangeant bien tout mes petits friends sur mon baudard. Tous! Sans oublier le petit alien bleu! (c'est important pour la suite!)

C'est marrant, j'ai l'impression de m'être fait avoir. Depuis le début de la voie, l'escalade se déroule sur un magnifique caillou orangé et voilà qu'au dessus de moi j'aperçois un dièdre plutôt austère en caillou gris qui semble en plus humide, une dalle avec des petites écailles qui semblent péteuses, le tout bombardé de spit: c'est louche tout ça!



Je me rends vite compte que les points ne sont pas si proches (surtout le second!); que bien que paraissant moyennes, les fines écailles tiennent et qu'effectivement le dièdre est bien humide et pas facile!
J'arrive tant bien que mal à rejoindre le toit, plus impressionnant que difficile.



Je débouche dans une dalle rayée par une belle fissure, ça a l'air vraiment chouette! Je suis maintenant toute seule, je n'entends plus les bêtises racontées par les mecs au relais en dessous. Ça déroule bien, ça ne doit pas dépasser le 6a et ça protège très bien: je me régale! Une dizaine de mètres plus haut, la fissure devient très fine puis se bouche complètement. D'un coup d’œil à droite, j'aperçois le relais. Il me faut traverser de 4 ou 5 mètres à l'horizontale pour le rejoindre. Je distingue de petites réglettes pour les mains mais pas grand chose pour les pieds. Malgré tout, cela ne me semble pas trop compliqué. 

Je parviens quand même à placer un dernier point avant d'attaquer la traversée puisqu'ensuite je ne pourrais plus protéger jusqu'au relais. Le petit alien bleu est l'objet de mon choix... pas très bon, j'y clippe un seul brin de ma corde... mais comme dirait Benoit "ça te freinera toujours un peu!" (et il ne croit pas si bien dire!)
Après quelques petits pas en dalle, je parviens au bout de la traversée, je suis à quelques centimètres du relais. 
Dernier pas, j'ai une bonne verticale dans la main droite, je remonte le pied droit sur une grosse marche et... zip!
Paye ta zipette!
Sans avoir le temps de comprendre ni d'avoir peur, voilà que je me retrouve une dizaine de mètres plus bas à pendouiller au dessus de mes compagnons de cordés qui bien sûr... sont morts de rire! Je lève la tête, je n'ai rien arraché! Ouf!
Une petite égratignure à la main mais rien de grave. Je repars presque aussitôt au grand étonnement d'Etienne et de Ben: "Attends, mais tu as le temps, repose toi un peu... T'es sûre que ça va?!?"
Je me rendrai compte ensuite que la bonne marche où j'ai posé mon pied juste avant le grand saut se trouvait tout pile à l'aplomb d'un toit à l'angle duquel de l'eau gouttait. Tout s'explique: c'était donc humide!

Je fais venir les copains, Benoit jubile en voyant la tête du petit friend bleu qui ne semble calé que sur deux cames. Deux cames qui se sont retournées! Il n'est pas cassé et on arrive même à le récupérer. 


Les deux longueurs 6a suivantes sont vraiment humides, aussi cette fois, je fais hyper gaffe où je pose mes pieds et je protège à mort!!
Les toits au dessus de nous dégoulinent tellement que j'ai parfois l'impression qu'il pleut. 



Le sommet se rapproche en même temps que l'espoir d'attraper la dernière benne s'éloigne... J'atteints bientôt le sommet et trouve rapidement les relais de rappels. Les gars me rejoignent, on est contents! 

Au moins, ce soir, on aura des choses à raconter!



Quelques rappels plus tard et après un petit crochet (pas si terrible finalement) par le couloir des Aiguillettes pour récupérer nos affaires laissées le matin, nous sommes sur le glacier. Il ne nous reste plus qu'à remonter tranquillement jusqu'au refuge où quelques bières nous attendent, il faut bien fêter ça!



"O Sole Mio", première visite d'Etienne au Grand Cap' et sa première grande voie montagne à Chamonix, je crois qu'il s'en souviendra et moi aussi ;) 

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