mardi 5 septembre 2017

L'épopée Rabada-Navarro...

  C’est en 2013 que je fis véritablement connaissance avec la célèbre cordée Aragonaise.
Le monde des grimpeurs n’étant pas extrêmement grand, je connaissais Ernesto Navarro et Alberto Rabada sans ne les avoir pourtant jamais rencontrés. Combien de fois avais-je entendu leurs noms déambuler au fil des discussions de grimpeurs aux mains blanchies et aux doigts usés attablés devant des cervezas et une assiette de patatas bravas ? 

Les gens qui en parlaient avaient les yeux qui brillaient, témoignage du souvenir ému laissé par le parcour d’une de leurs voies. J’entendais parler d’Ordesa et du Cotatuero, du Tozal, du Naranjo et de sa grande face ouest, de Riglos et du Fire ou encore du Puro … J’avais en tête les traits de leurs visages et leurs classiques pulls en laine et bonnets rouges, chaussettes blanches et autres chaussures à semelles de corde… 

Pour ainsi dire, je connaissais Rabada et Navarro « de vue », sans pour autant ne les avoir jamais croisés puisqu'ils étaient morts dans la face nord de l’Eiger 24 ans avant même que je naisse.


Cette rencontre eut lieu en parcourant l’un de leur chef d’œuvre dans la magnifique face ouest du Naranjo de Bulnes dans les Picos de Europa en compagnie de Bastien. Nous avions alors été bluffés par le génie dont ces deux grimpeurs en espadrilles avaient fait preuve. 


Durant l’été 62, ils avaient su dénicher des lignes de faiblesses dans cette paroi si raide et si compacte, et chose plus dure encore, ils étaient parvenus à les faire se connecter entre elles, clé de leur succès sur cette paroi qui allait devenir mythique. Le résultat de cet itinéraire astucieux en fait une magnifique voie de 750 mètres de long sur une paroi en mesurant « à peine » 500 ! 



De retour sur la terre ferme, j’avais aussitôt eu envie d’en découvrir davantage et je plongeais sans attendre dans les pages d’un Desnivel qui consacrait un grand article à ses deux fabuleux aventuriers. Photos noir et blanc, encordement à la taille, matériel d’époque, courtes échelles, bivouacs sans eau ni nourriture… Ça y est, amoureuse… une fois de plus !

J’apprenais plus tard que Simon Elias avait écrit un bouquin qui leur était consacré, je me le procurai sans plus attendre et regardais avec admiration chacune des photos et les petits bouts de vidéos du DVD associé au livre. Pages après pages, je découvrais quelques-unes de leurs aventures et quels grimpeurs d’exception ils étaient, et auraient encore été si leur carrière ne s’était pas achevée si prématurément en 1963 dans la face nord de l’Eiger alors qu’ils n’avaient que 30 ans ! Je me doutais que parcourir une de leurs voies serait à coup sûr un vrai moment d’histoire. Réaliser, un jour, le trio des trois grandes classiques (Ordesa/Riglos/Naranjo) était alors devenu un rêve (… un de plus ! ). 


 
  
Après l’ascension du Naranjo de Bulnes en 2013, il y eu plus récemment celle du Fire à Riglos l’automne dernier, avec Bruno. Là encore, nous nous étions bien demandés comment ces deux loustics avaient-ils pu trouver un cheminement logique dans cette paroi si raide et étrangement composée de galets mêlés à une sorte de terre séchée. Pour le moins déroutant, ce conglomérat ne les avait pas effrayés et ils avaient su dénicher des emplacements pour coins de bois et pitons afin de protéger leur escalade.



Riglos, Naranjo de Bulnes… Pour que l’hommage soit complet, il me fallait aller visiter la Rabada-Navarro au Cotatuero à Ordesa. Ayant déjà fait un tour dans « Las Brujas » au Tozal (signée également par Rabada et Navarro), il y a pas mal d’années, je me doutais que celle du Galinero ne nous décevrait pas. Grimper à Ordesa est toujours une vraie aventure. Je clôturais donc ce trio au mois de juillet dernier en compagnie de mon amoureux d’alpin. Faisant d’une pierre trois coups, je pourrais grimper une voie que je rêvais de parcourir, le « culturer » un peu et améliorer les échanges Pyrénées-Alpes en lui faisant découvrir notre « paroi des parois »!


Juillet 2017, entre festivals de musique et camp spéléo dans les Picos de Europa, nous sommes de passage dans les Pyrénées… Nous sautons la frontière pour retrouver le canyon d’Ordesa, ses parois incroyables, son rocher étrange et son ambiance de ouf ! Bref, on est ultra motivé ! 

Le réveil est bien trop matinal pour nos rythmes de festivaliers mais en sortant du bus à moitié endormie, je me rappelle immédiatement l’ambiance particulière qui règne à la Pradera aux premières heures du jour. L’humidité est palpable, les gens sont trop pressés et rien n’incite à traîner ici. Aussi nous pressons le pas pour nous élever le plus rapidement possible… Comme prévu, tout s’arrange, dès que nous sortons du sous-bois, la lumière apparaît et les parois se dévoilent enfin. Le pilier du Cotatuero nous domine et semble vouloir nous écraser de tout son poids… euh non, de tous ses toits… Et il y en a ! En fait, cette paroi ressemble bien à un escalier… mais à l’envers ! C’est bien simple, plus nous nous rapprochons de la paroi, plus nous avons l’impression de rétrécir et quand nous attaquons la première longueur nous avons la taille de deux coccinelles.


L’itinéraire est une nouvelle fois très astucieux et assez tortueux mais nous le repérons facilement du bas avec le topo sous les yeux. Aurions-nous imaginé un passage sous ce grand toit ou encore dans ce dièdre suspendu ? …



 

Comme souvent, c’est dans des blocs énormes qui semblent posés en équilibre sur de minuscules vires que nous évoluons durant les premiers mètres, une ambiance pas franchement rassurante pour se réveiller. 
Arrivée au relais, je tombe sur un lapin un poil désœuvré, qui me demande quel plaisir les pyrénéens peuvent-ils prendre à évoluer sur des frigos en suspension ? Je le rassure en lui assurant que tout cela devrait s’arranger d’ici quelques longueurs à moins qu’il ne s’y habitue d’ici là !


  

 

Nous grimpons déjà bien concentrés dans le 5 sup avant de devoir m’appliquer encore davantage pour une bonne section en 6a complètement expo… Cette fois, nous sommes chauds, les difficultés peuvent vraiment commencer ! Les longueurs s’enchaînent mais nous ne les enchaînerons pas toutes ! De toute évidence, la longueur du toit sera dure à libérer si on n’est pas prêt à faire du 7b sur pitons pourris. 


Arrivés au jardin, nous choisissons de continuer tout droit et prenons la variante directe. Plutôt raide, dure, visiblement peu parcourue, le caillou n’y étant vraiment pas très bon, cette variante me laissera quelques souvenirs ! Après une belle longueur et le retour dans du bon rocher bleu au-dessus de la vire, nous retrouvons bientôt les logiques cheminées de sortie. Souvent trop larges pour s’y protéger correctement mais trop étroites pour y grimper avec un sac. Finalement, après une séance de ramping vertical, nous débouchons au sommet de la paroi du Galinero.


  

 

 Les Edelweiss sont au rendez-vous, tout comme les iris nains et les isards. C’est officiel : c’est toujours aussi « canon » ici…


  

 
 
Une fois de plus, je me dis que cet endroit est un de ceux que j’aime le plus au monde. A ceci s’ajoute la sensation de fatigue et de satisfaction de s’être quand même donné un peu de mal pour venir à bout de ces parois déversantes. Et si en plus je suis avec mon amoureux alors là je n’aime pas… J’adore !

2 commentaires:

  1. Super sympa et très intéressante cette page
    Je suis tombé dessus en cherchant des infos sur Navarro.
    L'éperon est de Gallinero pourrait bien être un prochain objectif.

    Olivier un grimpeur de Nantes en virée dans la sierra de Montsec.

    RépondreSupprimer