mercredi 13 mars 2019

Acte II : La chance des débutantes #Viento de locura (3)

 Acte II : La chance des débutantes
Scène 1 : Notre premier jour en Patagonie
 
 
06-12-18 : Aussitôt arrivées, aussitôt reparties.
 
 
Il ne nous aura pas fallu longtemps pour nous rendre compte qu’à Chalten, le principal sujet de conversation, c’est la météo. Non pas qu’il s’agisse, comme partout ailleurs, de parler de la pluie et du beau temps. Ici, c’est du vent qu’on cause. Une journée de « beau temps », c’est une journée sans vent.

Bingo ! Le ventilo semble en panne !

Ni une ni deux, les sacs sont vidés, triés, reremplis et c’est parti !

  
Au programme de notre première journée en Patagonie :
Une session d’autostop vers le Nord, puis une jolie balade en forêt en direction de l’Ouest, avant de bifurquer plein Sud vers Piedra Negra et le Paso Guillaumet.

Pour une mise en jambe, c’est radical. Zéro lacet pour 1000 m de dénivelé. Ça ressemblerait presque à un kilomètre vertical en mode sherpa…


 

Bientôt notre objectif du lendemain est en vue : L’Aguja Guillaumet et son arête Nord Ouest. Un itinéraire de 400 m ouvert en 65 par Carlos Comesaña et José-Luis Fonrouge.
Une bonne petite initiation à la grimpe patagone… Un beau sommet et un granit qui semble juste magnifique. C’est sur ces belles idées que nous nous endormons tranquillement dans notre abri de toile jaune…

 
 
Scène 2 : Une nuit en Patagonie
(lumière éteinte et ventilateur à puissance maximale)

Que dire de notre première nuit au beau milieu des montagnes de Patagonie ? Celle-ci fut à l’image du vent qui souffla cette nuit là : sauvage !


Des centaines de rafales et à chaque rafale, le même scénario. Un bruit sourd suivi quelques secondes plus tard d’un énorme remue-ménage qui s’abat sur notre petite maison. La toile qui se froisse, les arceaux qui plient, le vent qui s’engouffre entre la chambre et le double toit, le tissu qui flappe… Tout cela donne la sensation de bivouaquer dans une station de métro où le passage de chaque rame serait une épreuve à laquelle il faudrait résister. Le vent patagon n’est donc pas un mythe cependant la tente tient le coup.

Scène 3 : La Guillaumet, premier sommet
07-12-18 :

Lorsqu’à 3h du matin le réveil sonne, le vent est si fort qu’on ne peut pas imaginer mettre le nez dehors sans risquer de s’envoler. A 5h, toujours pas d’accalmie en vue.

L’heure tourne… A 10h, c’est officiel, nous encaissons notre premier « but » : Trop de vent pour grimper, pas assez de bouffe pour rester.
Ce n’était pas écrit dans le scénario ça… Improvisation !

Le temps de trier quelques affaires de grimpe à laisser ici pour un prochain créneau, de refaire les sacs puis d’imaginer un itinéraire différent de celui de l’aller pour rentrer, la matinée est déjà terminée…

On dit parfois que les filles sont indécises et changent brutalement d’avis. On dit aussi qu’elles sont souvent en retard. Ce coup-ci, on ne fera pas mentir ces affirmations.

Vers midi, alors que nous marchons vers le Paso Guillaumet : retournement de situation.
« Hé mais y a moins de vent là, non ? »… « Euh, oui on dirait, on y va ? »… « A cette heure-ci ? Est-ce bien raisonnable ? »…

Deux des pépètes sont laissées à la réflexion pendant que la troisième redescend en courant chercher les affaires de grimpe restées à l’emplacement du bivouac. Ça, c’est l’esprit d’équipe !

 
 

 
Un glacier, un immense pierrier à remonter puis des pentes en neige un peu trop molle finissent de nous faire perdre un temps précieux. Un pas en avant et deux pas en arrière et finalement, il est 16h lorsque nous enfilons nos chaussons et que nous commençons à grimper : bon timing !

 

Nadia prend les commandes pendant qu’avec Flo, on suit en récupérant le matériel sans traîner. Dans les premières longueurs le rocher, parfois délicat, et de gros blocs en suspension nous forcent à ne pas confondre vitesse et précipitation. Les longueurs s’enchaînent, le caillou devient excellent et on se régale. Grand beau, pas de vent : une chance ! La chance des débutantes…


 
 

Nous nous retrouvons assez rapidement au pied du beau dièdre d’une trentaine de mètres, crux de la voie. Un dièdre lisse rayé par deux belles fissures, c’est juste parfait ! Une des deux fissures semble faite pour nous, nos mains s’y coincent à merveille. 


 

 
 

 
 
 
Une belle traversée aérienne fait suite et nous reprenons notre rythme de croisière. Flo prend la tête de la cordée et file en direction du sommet. 
C’est aujourd’hui, la première fois que nous grimpons les trois ensemble ; une chance que notre cordée fonctionne aussi bien.

 



Lorsque nous sortons des difficultés, il est déjà 19h. Il nous reste encore environ 150m de dénivelé à gravir pour espérer atteindre le sommet. Que faire ? Je laisse une nouvelle fois mes copines à la réflexion et je me mets à courir sur des dalles peu inclinées mais humides et en rocher douteux. En bout de corde, elles me suivent et aussi vite que possible, nous contournons avec précaution les flaques de neige pour continuer notre route vers le sommet. Voilà 4h que nous grimpons dans ce cadre incroyable.
 



A 20h, nous sommes sûrement les trois filles les plus heureuses du monde. Et pour cause, nous fêtons notre deuxième journée en Patagonie au sommet de la Guillaumet. Le Fitz Roy nous surplombe, le Piergiorgio, le Paso Marconi et un bout du Hielo Continental apparaissent. Le soleil est rasant et les lumières sont vraiment magnifiques.


Pour autant, pas le temps de s’abandonner à la contemplation. Le vent s’est levé à nouveau ; dans quelques heures, il fera nuit noire et il nous reste une quinzaine de rappels à effectuer.

Nous enchaînons un à un les rappels en prenant garde de ne pas trop laisser les cordes jouer avec le vent. Nous perdons de la hauteur en même temps que le vent forcit et que la lumière baisse.
 
 
 
 
 
A 22h, il ne reste plus que deux rappels à effectuer avant de rejoindre les raides pentes de neige. Les rochers branlants repérés dans les premières longueurs quelques heures plus tôt, nous reviennent en mémoire. A l’unanimité, R2 sera le spot idéal pour un bivouac improvisé. Pas de duvet, pas de chaussures mais un petit abri de survie en toile légère et quelques graines à manger feront l’affaire. Serrées les unes contre les autres, l’éclairagiste prend congé et le rideau tombe… Bonne nuit les filles !
 

Scène 4 : Retour à la case départ !
C’est de l’adjectif « ventilée » que l’on pourrait qualifier cette nuit là. Perchées sur notre petite marche, nous résistons tant bien que mal aux puissantes rafales qui se déchaînent sur nous. Un peu froid aux pieds, quelques cailloux pointus sous les fesses ou dans le dos, la toile de l’abri qui ne demande qu’à s’envoler mais je crois bien que parfois on pouvait nous entendre ronfler !
 

Baptême du bivouac « à l’arrache » réussi pour Nadia, pour une première, difficile de faire mieux !
 

Lorsque le rideau se relève, la lumière du soleil levant inonde les montagnes alentours. Incroyablement beau ! Dormir sur le balcon, cela a parfois du bon !


Quelques rappels supplémentaires nous déposent dans le grand pierrier situé au pied de la paroi. Quelques kilomètres de marche plus tard, nous retrouvons le confort du village avec notre première cumbre en poche !

 
  
Entracte à la Chocolateria :
 
9/15-12-18 :
Les jours suivants se suivent et se ressemblent… Le ventilateur tourne à plein régime et le régime est aux chocolats chauds !
 
 

Vouloir grimper en Patagonie, c’est passer son temps à tirer des plans sur la comète…
Bon nombre de nos journées consistent à élaborer des plans pour les démonter aussitôt. Remplir des sacs pour les revider ensuite. S’exciter comme des puces avant de jouer les filles déprimées juste après. Etre réactives mais pas trop. Le voici peut-être le véritable problème : on s’emballe un peu trop vite !

NOAA, Meteoblue, FNMOC, Windguru deviennent nos meilleurs amis, et la Choco aussi !
 

A suivre...

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