vendredi 28 juin 2019

Salamalekum Taghia !


Quel plaisir de retrouver le nord du continent africain par un petit matin du mois de mai… 
Marrakech aux premières heures du jour. Des rues étrangement calmes et déjà éclairées par un soleil de plomb. Un  souk quasi désert et des marchands qui, d'aussi bon matin n'ont encore pas bien les yeux en face des trous et leur langue encore dans leur poche. J'en profite donc pour acheter de jolies sandales multicolores sans n'avoir à palabrer des heures durant.



Même la belle Jemaa el Fna semble encore tout endormi et seul le chant d'un muezzin semble la tirer ponctuellement de sa léthargie… En ces temps de ramadam et de canicule, la ville la plus excitée du Maroc semble vivre au ralenti.
C'est en se frayant un chemin dans la médina entre des montagnes de gâteaux dégoulinant de miel et d'huile, dans les effluves de délicieuses odeurs de sésame et de fleur d'oranger que nous rejoignons la gare routière pour grimper dans le premier bus en direction des montagnes de l'Atlas cette fois.



Période de jeûne ou non, la gare routière reste néanmoins fidèle à elle-même. Nous voilà rassurés ! ça brasse, ça crie et ça s'agite dans tous les sens. Le rabatteur du rabbatteur du rabbatteur d'une compagnie de transport veut absolument nous envoyer à Agadir ou à Essaouira. Des vacances à la plage ?!? En voilà une drôle d'idée…


Après 4 heures de route dans un grand bus bondé où il règne une chaleur étouffante, l'idée de la plage me parait maintenant plutôt bonne que drôle.  Dans le registre des bonnes idées, il y a aussi celle de Bruno qui entre deux correspondances de bus à Azilal décide d'aller se faire raccourcir les cheveux. Un certain style qui lui donne des allures de Playmobil en vacances au Maroc.




C'est avec plaisir que nous retrouvons un peu de fraîcheur en arrivant juste avant la tombée de la nuit à Zaouiat Ahansal, terminus provisoire de la route carrossable et porte d'entrée pour rejoindre les montagnes de l'Atlas. 



Nous profitons de ce petit havre de paix et d'une bonne nuit de sommeil chez Ahmed. Le lendemain matin, nous quittons Zaouiat et ses magnifiques kasbahs accompagnés de Mohammed et de son fidèle destrier chargé comme un âne pour prendre la direction de Taghia.



Dix années que je ne suis pas revenue dans ce petit coin de paradis, que je n'ai pas revu ce sympathique petit village, aux maisons accrochées aux flancs d'une colline de terre ocre et surplombé par d'immenses parois calcaires. 



Ce matin là, en quittant Zaouiat, j'ai hâte de retrouver Taghia. J'ai hâte de retrouver ses habitants, ses enfants qui jouent, ses rues en pente, ses canyons, ses sources et son rocher exceptionnel. J'ai hâte de revoir l'Oujdad se dévoiler au détour d'un virage, de redécouvrir toutes ces murailles rocheuses qui entourent le village et hâte d'aller me perdre dans ces profonds canyons… Je me demande si je saurai me rappeler ou pas des approches à telles ou telles voies, si je saurai reconnaître les itinéraires de descente, si les passages berbères, empilement de troncs et de pierres dans des endroits improbables seront toujours là… 





J'ai hâte de redécouvrir tout cela mais je sais aussi qu'en chemin quelques surprises m'attendent.

A présent, le chemin de muletiers qui remontait les gorges, s'est transformé en piste à bulldozers et le brêment des ânes a, lui, laissé place au doux chant du marteau piqueur… Le projet de désenclavement de Taghia en construisant une route carrossable est déjà en marche depuis quelques années. Mètre par mètre, la route gagne du terrain vers le village isolé. Doucement mais sûrement. La route jusqu'à Taghia sera bientôt une réalité. Les modestes moyens de travaux aidant à temporiser un changement qui aurait pu être trop brutal, laissant à chacun le temps de s'interroger, d'échafauder son propre point de vue et de s'adapter d'une manière qui lui semblera la meilleure. Difficile pour nous, grimpeurs en vacances d'avoir un avis sur la question. Notre vie quotidienne est tellement éloignée de ce que vivent les gens ici depuis des dizaines d'années…




On peut simplement s'interroger sur ce que va devenir ce petit coin de nature préservée et ce petit village paisible qui vivait jusqu'alors au rythme des saisons et d'un tourisme un peu particulier, grimpeurs et randonneurs ?



Ces longues minutes de marche au frais, à l'ombre des gorges, qui nous conduisent de Zaouiat à Taghia,  laissent le temps de réfléchir. Je pense et repense à tout ça. J'ai finalement envie de penser, que tout comme nous et très certainement plus encore, les habitants de Taghia aiment profondément leur village, leurs rivières, leurs montagnes. Je me dis aussi qu'ils ont la chance de rencontrer ici un certain type de personnes qui viennent du monde entier, qui sont sensibles à l'environnement et à la préservation des différentes cultures qui peuvent à leur manière les mettre en garde et les alerter sur les dérives du goudron, du commerce et du tourisme… Faisons donc leur confiance !





Lorsque Taghia apparaît enfin au détour du sentier, je suis cette fois complètement rassurée.
Tout est là, rien n'a changé : l'Oujdad qui trône fièrement au dessus de la place publique, le Taoujdad qui reste sur la gauche en retrait, la Paroi des sources encore dans l'ombre, la Paroi de la cascade et son tire bouchon perchés tout là haut, les profonds "Akkas" qui s'enfoncent dans les montagnes, les maisons de pierres aux toits de terre, les femmes qui rentrent du champs avec leur âne dont on ne voit plus que les pattes dépasser sous une énorme touffe d'herbe verte, les enfants qui ne réclament à présent plus de bonbons mais des cordes ou des mousquetons (c'est moins pire pour les dents, quoique…), les hommes en djellaba qui discutent devant la boutique, les chiens dont on se méfit un caillou bien calé au creux de la main, les tuyaux noirs qui fuient en mode bruminisateurs, les coqs qui chantent, les ânes qui braient et le chant nasillard du muezzin qui s'échappe des hauts parleurs et qui rythme les journées de chacun… et pour nous, il est maintenant l'heure d'aller grimper !


A suivre...

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