mardi 28 avril 2020

• un jour, une étape, une photo • #12


J12 : «Englués sur le Baïkal »
58km dont 50 en kite

Une journée ultra laborieuse ! Neige fraîche, neige collante, neige humide, neige croûtée… Il y en a pour tous les goûts !
Bref, on a labouré le lac… Si vous nous cherchez, suivez les deux profondes tranchées : on est au bout !!

Après un début de journée à pied, on sort les voiles sans grand succès. Le relief tout proche est pris dans un gros rouleau de foehn qui déborde sur le lac.
C’est le festival des quatre vents ! Changement de direction toutes les trois minutes et intensité assez variable également. Il y a même des mini- tornades et leurs tourbillons qui se déplacent sur le lac. Les voiles, ne sachant pas où donner de la tête, se gonflent puis se dégonflent quelques secondes plus tard, et nous, on est complètement perdu !
Pas de pot ! On recolle nos peaux…

Pour échapper à ce vent fantasque et inexploitable, on prend le large afin de fuir ce vent turbulent qui descend de la montagne.
Tirer à deux, deux pulkas accrochées côte à côte, avec des skis pas tellement spatulés, dans la neige profonde qui colle et qui botte, ce n’est pas facile… Il est à peine 10h et j’ai déjà les jambes toutes ramolettes !

1h30 plus tard, tout paraît plus calme, le vent semble plus établit, cela souffle toujours dans le même sens et avec la même intensité. On refait une tentative sous voile mais c’est encore bien trop faible pour nous permettre d’avancer dans cette neige qui nous freine tant !
Une seule solution : manger !!
Miaammm, ce jambon est vraiment trop bon, et en plus, il n’est pas tellement congelé !

Le jambon fait venir un bon vent et de bonnes gens. Un camion quitte la trace au loin et nous vient droit dessus. On lui fait des grands signes à son approche pour qu’il ne se prenne pas dans les lignes de la voile au repos… A son bord, se trouve un chauffeur sympa, accompagné de « Miss Sibérie » en petites chaussures et jupette et de sa maman. Petit selfie avec les deux craspouilleux que nous sommes avant qu’ils ne continuent leur chemin vers le Sud, avec pour souvenir cadeau, les morceaux de la pulka cassée !

Le vent est là. On remballe une fois de plus le pique-nique en catastrophe et on s’arrache !
A deux, sous la 12m, ça n’avance pas bien vite. C’est un peu en mode « stop and go » mais ça avance quand même ! Accrochée derrière les pulkas, en tenant une corde à la main et avec les skis qui restent souvent collés au sol, je manque de me faire arracher : main, coude et épaule à chaque redémarrage violent ! Heureusement, depuis aujourd’hui, on a ajouté un petit élastique afin d’amortir les chocs. Je n’ose pas imaginer ce que ça donnerait sans !
Ça doit être vraiment horrible de promener un énorme chien qui tire au bout de sa laisse en étant cloué au sol par du chewing -gum sous chaque semelle !

Finalement, comme cela devient vraiment compliqué d’avancer dans cette neige pourrie et avant que je ne me luxe une épaule et Bruno, une tête de fémur, on opte pour une voile chacun : 8 et 4m.
Vent arrière, ça pourrait être chouette, tranquille et agréable si seulement la neige y mettait un peu du sien, en étant chouette, tranquille et agréable elle aussi !
Cependant c’est tout l’inverse. Nos spatules peu relevées plongent sous la croûte, et même en se mettant à « super à cul », on ne les voit plus réapparaitre !
Les genoux malmenés frôlent l’explosion et les cuisses grillent sur place !

On creuse deux rails profonds pour l’extension prochaine du Transsibérien !
Quelques minutes plus tard, je trouve LA ruse pour conserver mes ligaments internes, externes et même ceux du milieu, en bon état. Je profite du damage façon pulkas et je m’applique à rester bien dans cette trace, tout en me faisant tirer par ma voile.

On songe à tout arrêter et à plier les voiles tant c’est coûteux d’avancer dans ces conditions. Mais lorsqu’on aperçoit deux 4x4 à quelques kilomètres à gauche, on change de cap et on reprend un peu espoir !

Aurait-on, il y a quelques temps, pu imaginer kiter dans de très profondes ornières de voiture ? Un ski en bas, au fond de la tranchée et un en haut hors de la trace en chasse-neige, avec les pulkas qui suivent comme elles peuvent, à demi renversées ? Ou encore, les deux skis parallèles au fond de l’étroit goulet en espérant ne pas avoir à freiner ?

A coup sûr, on aurait, en temps normal, trouvé ça juste abo et pourtant aujourd’hui, on est mieux à kiter là, au milieu de ce champ de bataille, que dans de la neige vierge. C’est dire !!!
Allez, c’est toujours ça de gagné vers le nord ! 58km qui nous rapprochent de la ligne d’arrivée… et du Coronavirus !

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