lundi 30 mai 2022

Un mercredi aux Frouzes •Escal'A2roues#11•

 Vous connaissiez certainement "un dimanche aux Goudes" ?

https://youtu.be/nxbgdLIzeBU

Ben là, c'est un mercredi aux Frouzes. C'est un peu pareil dans une ambiance cependant un peu moins chill'. Point commun, vue sur la mer mais ça s'arrête à peu près là !  

"Datça… N'oubliez pas d'aller jeter un œil au canyon des Frouzes !" Nous avait dit Nastro, le plus turc des ouvreurs montpelliérains. C'est chose faite !

La journée commence en fanfare. 

Étape 1 : session vtt sur une piste caillouteuse qui grimpe, qui grimpe et qui grimpe encore. On zigzague sous un soleil de plomb entre les tortues énervées et les meutes de chiens impassibles... 

A peine a-t-on avalé tout plein de mètres de dénivelé qu'on dégringole à nouveau jusqu'au niveau de la mer. Dommage ! 

Lorsqu'on arrive enfin tout dégoulinants au départ du sentier menant à la falaise, il fait une chaleur assommante. Le genre de température où si tu étais chez toi, tu resterais l’ombre sur ta terrasse à siroter un pastis en regardant la mer et en écoutant du reggae marseillais ou bien tu ferais une sieste dans ton hamac avec ce même son dans les oreilles. Bref, à ce moment précis, on est déjà cuits-rôtis, assoiffés et on a déjà les jambes ramollies par cette petite virée matinale. On songe déjà au long chemin du retour et aux quelques gouttes d'eau qu'il va falloir gérer au mieux pour tenir la journée ! 

Qu'à cela ne tienne, on ne s'est pas donné tout ce mal pour arriver jusqu'ici pour ne pas grimper !

Étape 2 : randonnée à pied sous les tropiques.

Évidemment, dans ce canyon, il n'y a pas un brin d'air et la chaleur est étouffante. La falaise, pourtant orientée Est, est encore en plein cagnard, aussi on temporise sous des buissons en cassant la croûte. Enfin, pour ma part, je ne fais que regarder Bruno manger son bout de pain parsemé de points vert parce que moi, je ne me suis toujours pas résignée à manger du moisi… ça arrivera certainement à un certain stade du voyage mais ce coup-ci, j’aurai plutôt opté pour de l’eau croupie mais le canyon est sec et resec ! Jeûne solide comme liquide donc.

Quand la paroi passe enfin à l’ombre, on se jette sur la voie la plus facile du secteur, 6c+, ça tire un peu à la chauffe mais on n’est plus à ça près ! Peut-on même encore parler d'échauffement vu le climat ? 

On se faufile entre les frelons déshydratés qui viennent se délecter des quelques gouttes qui suintent de certaines concrétions. Niveau hydratation, on semble tous être dans le même bateau ! Même les chèvres qui se baladent au pied de la falaise économisent leur salive et ne bêlent pas une seule fois.

Privilège du spot sauvage, ça croustille. Inconvénient d’une face Est qui a déjà bien chauffée, le caillou rayonne de mille feux. Inconvénient d'ouvreurs forts grimpeurs, il y a bien de l'air entre les points pour autant, aucun refroidissement notoire à déclarer. Ce combo parfait associé à ces grosses bestioles volantes m'oblige à râler un peu alors que moi aussi, je ferai bien d’économiser ma salive !

Étape 3 : marathon vertical dans un four solaire. 

Chacune des voies est une perle et on tente d'y faire honneur en les enfilant comme il se doit. Grandes envolées d’une quarantaine de mètres, caillou neuf, choux fleur, colos et lunules pour des voies de pure conti où l'escalade, toute proportions gardées, est plutôt aventureuse ! Magique ! Merci les ouvreurs pour ces petits bijoux !

J’aurai même eu la chance, aujourd'hui, de me retrouver nez à nez avec une grosse chauve souris avant que celle-ci ne saute dans ma brassière ! …il y a des jours comme ça...

Sinon ici, c’est comme à la salle d’escalade, plus tu montes et plus il fait chaud. Je perd encore le peu d’eau qu'il reste dans mon corps et je transgoutte à grosses pires quand je clippe le relais du dernier 7a+ de la journée. C'est dégoulinante que je rejoins le sol, ce qui n’échappe d'ailleurs pas aux frelons qui doivent me prendre à cet instant pour une stalactite toute humide et se rapprochent dangereusement de moi ! Pas folles les guêpes !


La journée pourrait évidemment s’arrêter là. Plus d’eau, plus de peau sur les doigts, retour à la casbah !

Mais évidemment en voyage à vélo, ça ne se passe pas comme ça, surtout quand tu as la grosse flemme de repédaler encore jusqu'au sommet de la colline, que tu as peur de la descente version trial de l’autre côté avec tes pneus lisses et surgonflés qui dérapent et que tu entends déjà de là, effrayée, les canines des chiens qui claquent en bas de la pente.

Voilà comment, pendant que Bruno refaisait le chemin parcouru le matin en sens inverse, je décidais d’emprunter avec mon petit vélo une variante : un sentier de randonnée longeant la côte. Sur le papier, cela semblait être la solution parfaite : 2,5km de distance et peu de dénivelé pour une balade sur un GR en mode sentier littoral, quoi de mieux pour conclure cette belle journée ? Vous vous en doutez, une fois encore, la réalité a rattrapé la fiction.

Le guide au guidon m’avait pourtant mis en garde avant de me laisser filer dans cette jolie excursion : « un sentier de randonnée, c’est fait pour les randonneurs, pas pour les cyclistes en carton et encore moins pour les vttistes en herbe. » 

«T'inquiète mobylette !» Bille en tête, trois gouttes d’eau dans ma bouteille, pas un moyen de communication avec moi, me voilà partie sur les sentiers douaniers turcs… «Rendez vous au bar du port !» … Et dire qu'un temps, j'ai même cru que je pourrai y arriver la première et l'y attendre mémère en sirotant un pastis comme un dimanche aux Goudes. Évidemment c’est l’inverse qui se produisit et ce n’est pas un pastis qu’il aurait eu le temps de boire mais quatre ou cinq pour l'apéro, suivi d’une bouillabaisse, d’un dessert, café et même d’un digestif !!

Étape 4 : bike & walk. Ce raid multisport me réservait encore quelques petites surprises !

Alors oui, j'avoue que je n'ai pas mis une seule fois les fesses sur la selle parce que ce n'était absolument pas roulant. Oui, c'est vrai que le sentier n'étant pas très large et il fallait que je pousse le vélo sur la bande la plus roulante en marchant à côté dans les bartas et que ça piquait parfois beaucoup les jambes. La vérité, c’est aussi que je me suis mangée les pédales dans les tibias environ 578 fois et c'est vrai, qu’il a fallu porter souvent quand de gros cailloux barraient le passage. En descente, le vélo voulait filer à toute vitesse sans moi et sauter dans la mer juste en dessous et qu'il fallait tenir fort les manettes des freins. En montée, il ne pensait qu'à m’aplatir et c’est quand même vrai que ça m’énervait un petit peu ! La vérité, c’est aussi qu'à quelques endroits le sentier s'était éboulé et que passer là, quelques dizaines de mètres au dessus de la mer avec un vélo sur le dos devenait un peu expo. Il est aussi vrai que je pétais de chaud et qu'au moment où je pensais avoir parcouru la moitié de la distance, j’ai bu une gorgée d’eau que j’ai savouré longtemps dans ma bouche avant de déglutir. C’est vrai aussi que j’ai failli me casser la figure quelques fois et que je me suis dit que me faire mal ici toute seule, c’était quand même un peu stupide ! Je me suis parfois demandée où Bruno en était de son parcours, tout en croyant encore que j’allais gagner la course ! Bon, j’avoue aussi qu'à un moment je commençais à fatiguer un peu et que j’avais hâte que la balade se termine. En regardant la suite qui ressemblait à une grande zone raide en terre déboisée, je me suis demandée où ce fichu sentier pouvait bien passer mais que je me suis aussi dit que ça irait… De toutes façons, faire demi tour ? Pas question, ce n’était même plus une question d'honneur mais de faisabilité ! Enfin, quand je suis arrivée devant ce passage étroit au milieu de cette falaise qui dominait la mer et que j’ai essayé de passer en portant mon vélo sans réussir, je me suis dit que je n’étais pas loin du bout du sentier et que Bruno allait sûrement venir à ma rencontre !! Bon… c'est vrai, j'ai laissé mon copain à deux roues ici et j’ai marché pas mal en direction du port. Et voilà que Bruno n’était pas venu à ma rencontre mais m’attendait gentiment au bar, comme prévu. Alors l’air de rien, j'ai débarqué toute ébouriffée sur la terrasse du bar,  je lui ai dit comme si tout ça était normal, qu’il fallait venir m’aider ! Entre temps, le soleil s’était couché et la nuit était tombée. Alors l’air de rien, on a repris le chemin en sens inverse. Lui sur son vélo, moi en courant à côté. 

Étape 5 du raid multisports du jour : bike & run.


Résultat des courses, retour à 22h au camping un peu fatigués et un peu déshydratés. Il avait raison le guide au guidon ! Quant à moi, maintenant je le sais : les GR ça ne passe pas forcément en vélo. En même temps en France non plus, j'aurai pu m'en douter !
Bref, c’était un mercredi aux Frouzes.


Ps: Ah oui, et si jamais une tête de turc était planqué là, à nous observer... Sans aucun doute, premièrement il se marrerait bien et deuxièmement, il dirait que les "frouzes"... C'est nous !


1 commentaire:

  1. Merci de nous faire voyager - j'ai ressenti la chaleur et la soif alors qu'aujourd'hui je me gèle sous la pluie! - et rire de tes mésaventures dont j'espère tu as pu te remettre et en rire à tout tour. Profitez de ce voyage extraordinaire et écris des livres à ton retour! j'irai les chercher en librairie car j'adore ton écriture qui mérite le beau papier et un coin d'étagère pour avoir et le récit et l'image à lire au coin du feu et faire sourire 🤗

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