vendredi 25 août 2023

Des grimpeurs dans la ville...Escal'A2roues#110




C'est par un formidable réseau de pistes cyclables que nous traversons notre 14ème capitale. Séoul a beau être une ville immense et pleine de grattes ciels, les berges de ses fleuves offrent un peu de verdure avec des pistes cyclables 4 étoiles pour de belles échappés urbaines. Cela permet aussi aux voyageurs aux poches vides de bivouaquer à deux pas du centre ville de la capitale !

Séoul by bike : Tout aurait pu rouler comme sur des roulettes mais une fois encore, on s'est malheureusement cru plus malins que le GPS et on n'aura pas choisi le chemin le plus simple. C'est ainsi qu'on se sera retrouvé de nuit sur une autoroute avec des voitures qui filent à toute allure. Notre seule issue : porter les vélos par dessus la glissière de sécurité et descendre un talus pour retrouver la soit disant piste cyclable en contrebas. Quelques kilomètres plus tard, celle-ci étant fermée par un grand portail nous refaisons le même manège : un saut sur l'autoroute puis une descente de talus ! Épique soirée !

Nous passerons environ une semaine à Séoul et chaque jour nous aurons des surprises improbables et ça commence tout de suite !

Alors que nous petit déjeunons dans une boulangerie, un gars nous acoste et nous invite pour le repas de midi dans... son restaurant ! Bingo !


On fait une lessive bien méritée en attendant de digérer le p'tit dej' et que l'heure du repas de midi approche. C'est un restau Thaï et on se régale de délicieux plats qui nous ramènent quelques mois en arrière, lorsque que nous roulions en Asie du Sud-Est ! De fil en aiguille, on se retrouve à aller prendre le café dans une... bijouterie ouverte par sa femme le jour même ! C'est peut-être bien la seule fois de notre vie où l'on mettra les pieds dans ce genre de boutique surtout pour boire un café !


Nous nous remettons ensuite en selle pour rejoindre le Parc National de Bukhansan. Ce grand parc plein de forêts et de sommets rocheux commence exactement là où la ville s'arrête. Ce qui veut dire que le métro vous conduit aux départs même des sentiers et que grimpeurs et randonneurs débarquent ici en transports en commun. C'est une fois de plus assez fou de découvrir tant de nature sauvage à deux pas d'une des plus grandes villes du monde !

Je profite de ce passage en ville pour une énième réparation de mes chaussures et deuxième cadeau du jour, ce gentil cordonnier m'offre la réparation !

Pour rejoindre Bukhansan, nous optons pour le chemin le plus court mais c'était sans penser que la mégalopole est entourée de montagnes... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Parfois le plus court est aussi le plus raide et le plus costaud, ce sera le cas ce coup-ci ! Il aura fallu s'y mettre à deux pour pousser un seul vélo et il aura fallu aussi deux demi-cerveaux pour se rendre compte au sommet de la colline qu'il ne restait plus qu'à redescendre de l'autre côté et qu'on était encore bien loin d'arriver ! Bref, on n'est pas prêt d'oublier les collines de Séoul !

Après cette épopée cycliste digne d'une étape de montagne du tour de France mais avec des coureurs qui mettent pied à terre et avec les spectateurs et le maillot jaune en moins nous arrivons enfin à destination !

Avant d'aller rendre visite aux parois nous faisons une pause au CAC (Corean Alpine Club) où l'on espère glaner quelques infos. Et les surprises continuent !


Dans ce local au sous sol, décoré de magnifiques photos en noir et blanc, agrémenté d'une bibliothèque bien fournie, des gens nous attendent avec impatience. Prévenus de notre arrivée par on ne sait exactement qui, notre séjour à Bukhansan prend des airs de vacances au club med !


Pas de topo mais des personnes adorables prêtes à nous guider chaque jour.

On nous trouve tout d'abord un coin de jardin où nous pouvons poser notre tente gratuitement et l'on nous présente toute une foule de personnes, toutes plus gentilles les unes que les autres. Le soleil n'aura fait que de rares apparitions cette semaine là mais tous ces sourires et cette bienveillance auront illuminé nos journées !


Nous découvrons la mythique paroi d'Insubong dès le lendemain matin. Kim, notre guide du jour fixe un rendez-vous très matinal. Aujourd'hui, nous sommes samedi et ce jour-là à Insubong c'est jour de très très grosse affluence, nous le découvrirons plus tard.

Une côte très très très raide à vélo nous mène au bout de la route. La journée aurait pu se terminer là, nous sommes déjà fatigués !! Mais le triathlon continue de plus belle et une marche d'approche parcourue à la vitesse des éclairs s'en suit. C'est à la fin de celle-ci que nous apprenons que Kim est, dans la vie normale, pilote d'avion : voilà ceci qui explique cela !


Ce jet privé nous dépose en quelques minutes au pied de la belle paroi d'Insubong, une des belles et grandes parois du massif.

À votre avis quel point commun y a-t-il entre South Howser Spire aux Bugaboos, Sentinel Rock au Yosémite, l'Arête Sud-Ouest du Fitz Roy et la paroi d'Insubong ?

Yvon Chouinard est venu y balader ses chaussons et c'est dans ses pas que nous allons grimper aujourd'hui.


Notre avion à réaction nous dépose au pied de la voie Chouinard A : c'est clé en main, il ne reste plus qu'à grimper !

... Ou plus exactement, il ne reste plus qu'à pousser sur les pieds, tirer sur les bras et coincer une fois de plus toutes parties du corps qui peuvent l'être !!

La ligne est évidente, le dièdre parfait et la grimpe magnifique !

On ne peut s'empêcher de penser à ce grimpeur fameux et à la joie avec laquelle il a du découvrir cet itinéraire encore vierge après avoir fait ses armes sur les parois américaines !


La dalle bordant le dièdre est parfaitement sculptée dans les premières longueurs, c'est un échauffement parfait. Puis peu à peu, l'ensemble se redresse et bientôt il n'y a plus pour prise que cette large fissure. Coincements, dulfer, tous les moyens sont bons pour gagner quelques centimètres !


Nous sommes seuls dans la voie, une chance en ce samedi ! Sortis des difficultés, il ne nous reste plus qu'à contourner le grand toit, formant un bec caractéristique qui domine la paroi d'Insubong. Le belvédère est parfait !


Sous nos pieds, à la base de la paroi, des dizaines de grimpeurs affluent. Ils sortent de la forêt, le nez en l'air, marquent tous une courte pause, puis petit à petit, prennent de la hauteur. Tels de petites fourmis sur un gros bloc de granit, il y en a, en quelques minutes, partout ! Véritable marée humaine qui envahit le rocher quand l'heure du week-end a sonné ! Quel spectacle !


Un samedi, un massif montagneux à deux pas d'une capitale, des parois magnifiques accessibles en transports en commun, voilà qui explique en partie cela mais aurait-on imaginé un tel engouement pour la randonnée et l'escalade ?

Grimpeurs de tous âges, de tous gabarits, de tous niveaux et de tous styles, quelle diversité sur ce bout de rocher !


Nous atteignons les dalles sommitales d'Insubong et découvrons qu'un sommet se cache juste derrière. Là encore une colonie de fourmis équipée de sac à dos, de chapeau de soleil et de bâtons est à l'assaut !


Quelques rappels nous déposent à un petit col et un sentier nous ramène à nos vélos, il ne reste plus qu'à s'agripper aux freins pour rejoindre notre camp de base, quelle descente !!!


Le lendemain, nous avons rendez-vous avec Sangho, Sue et Mister Park pour grimper une longue voie de 12 longueurs, "Rescue route".

Deux cordées nous précédent, il fait chaud et l'on n'a jamais vu des 5.9 aussi difficiles ! La journée va être longue : Dalles lisses, fissures fines, fissures larges, dièdres et petit toit à franchir, tout y est !


Nous formons deux cordées. Mister Park ouvre la voie avec Sue et Sangho et nous suivons derrière. Une à une nous avalons les longueurs et chaque relais est un bon moment d'échanges et de rigolades.



Il fait très chaud et nous sommes ravis quand à la moitié de la voie, une pause pique-nique s'improvise à l'ombre des arbres sur une large vire. Nous sommes surpris de voir nos compagnons de cordée, retirer leurs baudriers et sortir une nappe et une quantité phénoménale de nourriture !! Le mystère du volume et du poids des sacs est éclairci !


Lorsque nous nous remettons en action, la paroi est passée à l'ombre, il fait bien meilleur !

Quelques belles et difficiles longueurs nous conduisent au sommet puis quelques instants plus tard, nous fêtons la fin de cette belle journée autour d'une délicieuse glace. Spécialité coréenne, le "patbingu" est un gros bol de glace au lait pilée et agrémentée de fruits, de haricots rouge ou encore de gâteau de riz. Un délice surtout après une si chaude journée et lorsque c'est partagé en si bonne compagnie !


Chaque jour, à Bukhansan, nous faisons connaissance avec des grimpeurs, des himalayistes, des glaciairistes et des voyageurs, tous membres du CAC. Les mots qui reviennent le plus souvent dans les conversations sont "Chamonix" et "Dolomites". À part nous, toute la Corée y sera dans les prochaines semaines !!


Nous ne comptons plus combien de soirs, nous avons été invités au restaurant, combien de bières nous avons partagées, ni combien de récits d'expédition nous avons écoutés !


C'est ainsi que dans un même bar et durant une même soirée, nous rencontrons :

- Le frère de Cho (Cho était avec nous sur le voilier quelques semaines plus tôt)

- le premier Coréen à avoir gravi les trois grandes faces nord des Alpes

- un fabriquant de piolets de dry tooling

- 5 personnes ayant fait le Cervin dont 3 par la face nord

- 3 qui partent en vacances à Chamonix la semaine suivante

- 2 en partance pour les Dolomites

- Le rédacteur en chef de la revue Alpinist Korea

- un glaciairiste fameux

- les ouvreurs de la paroi rouge à Seoraksan

- des summiters de 8000

- la maman de Kim Jain, grimpeuse qui gagnera la semaine suivante la coupe du monde de Chamonix !


Ici les infos circulent à la vitesse grand V et nous sommes à chaque fois très étonnés quand des inconnus, rencontrés en plein Séoul ou au pied des parois nous saluent, sortent de leur smartphone des photos que nous n'avons jamais vu mais sur lesquelles nous apparaissons ! Le monde de la montagne Coréen semble encore plus petit ici qu'ailleurs !

Les jours suivants s'annoncent sombres et humides, il pleut presque tous les jours. Notre spot de bivouac atteint un taux d'humidité record et nos duvets resteront humides des jours et des jours !

Nous en profitons pour aller nous mettre à l'abri et visiter un très grand musée à Séoul, pour dessiner un peu et pour faire un peu d'exercice dans une belle salle d'escalade : voies, blocs et même dry tooling sont au programme !


La pluie abondante a rendu humide les fissures mais avec un peu d'imagination et de motivation, nous arrivons à partager avec Mister Park, une dernière voie sur Insubong et profiter du soleil revenu. Quand il n'y a plus que dalle à grimper, il reste toujours les dalles !


Le soir même, alors que notre départ pour l'hémisphère sud est imminent, nous avons rendez-vous au CAC pour une soirée un peu spéciale.

Comme un beau bouquet final à ce fantastique feu d'artifice asiatique, la veille de quitter le continent, une chouette soirée est organisée. Durant celle-ci nous aurons pu partager avec tous nos invités quelques images de notre longue balade vers l'Est...


Une belle affiche, une organisation au top, un grand écran, des grimpeurs, des cyclistes, des voyageurs, une traductrice, un photographe officiel, plein de questions auxquelles répondre et une cagnotte pour nous aider à continuer ! What else ?

Des yeux qui brillent, des sourires, des tonnes de bonheur à partager et surtout des souvenirs que nous ne sommes pas prêts d'oublier ! Quels incroyables moments de partage !


Merci la Corée pour ce fabuleux accueil !

사단법인 한국산악회 Corean Alpine Club !







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