vendredi 25 août 2023

Dis quand reviendras-tu ?Escal'A2roues#111





Aurai-je pu imaginer qu'à 35 ans, on pouvait perdre son amoureux comme on perd son doudou quand on est enfant ?

Quelques secondes d'inattention, une main molle, une peluche qui tombe, les roues d'une poussette qui continuent et c'est le drame.

Je me suis toujours demandée quel mystère faisait qu'on pouvait attacher autant d'importance à un bout de tissu.

Une dispute et quelques fracas, des pédales et des roues qui tournent trop vite pour que je puisse suivre... un amoureux qui se volatilise, hors de ma vue, le drame.

Je suis tel un doudou resté sur le pavé.

Perdue, oubliée, abandonnée...

Voir défiler les heures, un doudou n'a pas de montre.

Sentir la pluie tomber, un bout de tissu ne craint pas l'eau.

Avoir faim, froid, peur. Être triste, désespérée. Se sentir démunie, sans force, sans idée. Réfléchir, faire des plans, les défaire, en refaire.

Parfois j'aimerais être un objet sans cœur et sans cerveau.

Perdre pied, craquer.

Relativiser, sourire, trouver la situation absurde...

À mon âge, lorsque tu colles une affiche sur un mur en laissant un prénom et ton numéro de téléphone et que tu as les yeux tout plein de larmes, on te demande si tu as perdu ton chien.

Cela paraît hors sujet, cela ne l'est pas tant. Habituellement, j'exploserais de rire, là, j'esquisse simplement un sourire.

Plus tard j'en rirai, nous en rirons ensemble certainement. Toi et moi, chien sans collier, doudou oublié.

Je me demande quel mystère fait que l'on puisse attacher autant d'amour en un seul et même être vivant ?

Je me demande comment on peut vivre tant bien que mal avec un même humain toutes les minutes de toutes les heures des jours et des nuits de toutes les semaines et de tous les mois d'une année et même encore davantage sans jamais n'être séparés une seule petite seconde. C'est ça le voyage.

Je me demande avec qui d'autre une telle aventure serait envisageable.

Je me demande comment on peut supporter d'être soi même, perpétuellement en mouvement, dans l'effort, l'inconfort, la saleté, avec une quantité de sommeil pas toujours parfaite et en se contentant de trois pièces de monnaie pour remplir son estomac.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, de ces vacances de privilégiés, j'aurai sans doute découvert une chose cruciale : certains aspects de la vie des plus défavorisés.

Enfin, un temps pour soi, aller respirer l'air de son côté, une balade solitaire dans son jardin secret est toujours bénéfique, pousser cette porte était d'ailleurs sans doute la meilleure des choses à faire avant l'explosion atomique.

Mais voilà...

Je me demande de nos jours comment deux personnes peuvent se retrouver et se rejoindre sans moyen de communication entre eux. Comment en pouvant se trouver à deux rues près, à quelques kilomètres d'écart à peine ou dans un même pays à l'échelle du monde, il est possible qu'ils ne se croisent jamais. Plus jamais.

Dorénavant, je saurai qu'un bout de papier avec un numéro de téléphone plié en boule au fond d'une poche ou dans un creux de sa mémoire est une précieuse idée.

Que feriez vous si vous étiez seul, perdu, sans moyen de communication et sans point de repère géographique pouvant faire office de rendez-vous ?

Rester sur place ? Ne plus bouger ? Se laisser mouiller par la pluie et se laisser gagner par le désespoir ? C'est un comble quand le sujet de la discorde était justement de devoir accélérer un peu les déplacements car les projets pullulaint.

On dit que le hasard fait souvent bien les choses, on me dit qu'il suffit d'attendre au même point sans bouger et espérer fort.

Je n'ai pas ce courage.

Les minutes ressemblent à des heures, les heures s'étirent comme des jours sans fin.

"Dis quand reviendras-tu ? Au moins le sais-tu ?"

Certains "perdent" leur être aimé au sens figuré, à jamais, pour toujours. Je t'ai "perdu" au sens propre, c'est bien moins grave mais j'aimerais beaucoup te retrouver.

Tu ne liras probablement pas ces lignes parce que les réseaux, c'est pour les ploucs, parce qu'un smartphone dans ta poche c'est trop lourd, que tu n'as pas accès à ta boite mail et parce que l'époque des cybercafés, c'est terminé. Le courrier sans adresse, c'est peine perdue et les pigeons voyageurs ça n'existent plus.

Alors compte simplement le nombre de fois où tu vois le soleil se coucher, observe la lune croître puis rétrécir et rappelle toi que :

"Le tout le temps qui passe,

Ne se rattrape guère,

Que tout le temps perdu,

Ne se rattrape plus,

J'ai beau t'aimer encore, j'ai beau t'aimer toujours,

J'ai beau n'aimer que toi, j'ai beau t'aimer d'amour,

Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir,

Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs,

Je reprendrai la route, le monde m'émerveille,

J'irai me réchauffer à un autre soleil."

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