lundi 4 mars 2024

Tempête sur le Salar......Escal'A2roues#152




Tempête sur le Salar #1

Désormais, du blanc à perte de vue.

C'est assez étrange comme notre esprit cherche inconsciemment à recoller un environnement pourtant inconnu à une réalité que l'on connaît...

Un vaste plateau enneigé, un bout de banquise sans sastrugis, un glacier tout bouché, une immense flaque glacée ? Pourtant non...

Nous sommes tels des marins en pédalo évoluant sur la terre ferme !


Nos roues se fraient un chemin dans les profondeurs d'un lac asséché, nos pneus cheminent sur une surface incroyablement lisse après des jours et des jours à s'enliser dans du sable à la profondeur variable et à se faire secouer tous les os sur de la tôle ondulée de compétition.



Quelques éclaboussures d'eau salée viennent crépir nos engins, agressent nos peaux et le sel se glisse doucemement (mais sûrement !) partout. Les mécaniques grincent, la rouille s'invite précocement sur le moindre bout de métal mais nos jambes se décontractent : c'est lisse, ça déroule... Des vacances pour ainsi dire !

Rouler sur ces salars est comme un rêve éveillé !


Et puis soudainement, la réalité nous rattrape, une bande sombre au loin masque l'horizon, un nuage étrange nous barre le passage, une tempête nous fonce droit dessus...

On abandonne alors notre insouciance de cyclos et on reprend en vitesse nos vieilles habitudes de montagnards, de promeneurs polaires ou de voyageurs à voile.

Vélos couchés à terre, emmitouflés comme des esquimaux, nous observons patiemment l'évolution de cette drôle de turbulence. À quelle sauce allons-nous être mangés ? Salée et bien secouée sans aucun doute...


Le vent se déchaîne en même temps que la visibilité se réduit encore.

Après quelques heures d'attente dans ce tourbillon fou, il faut bien se rendre à l'évidence : planter une tente ici, serait de la folie et attendre que le vent passe pourrait prendre peut-être un temps infini.

Avant que la nuit ne tombe, nous reprenons donc notre route, version "peloton" pour se protéger les uns les autres de ce furieux courant d'air et une navigation tout au GPS est de rigueur !


Tempête sur le Salar #2

Attendre que passe le vent... Regarder passer le temps...

Pédaler laisse souvent la possibilité à l'esprit de divaguer : pendant que les jambes moulinent, le cerveau vagabonde à sa guise.

Sur les mauvaises pistes du Sur Lipez, c'est différent : sable, tôle ondulée et parfois rochers demandent au cycliste d'être présent à 100%. Une seconde de déconcentration au guidon suffit à ce que le pneu avant n'en fasse qu'à sa tête et sorte de la mini zone considérée comme à peu près roulante.

C'est alors à chaque fois ou presque le même cirque, poser un pied à terre à l'arrache, relever le vélo lourdement chargé d'eau et de nourriture, le pousser jusqu'à sortir de la zone sableuse en question et tenter de repartir en un minimum d'essais pour économiser ses quelques forces.

Alors évidemment quand après plusieurs jours de dur labeur en mode 4x4 version 2 roues, un boulevard blanc, plat et lisse tel qu'un désert de sel s'offre à nous, c'est juste le paradis !

L'esprit peut à nouveau bouillonner d'idées en tout genre pendant que les gambettes font le job sans forcer ! Au fil des kilomètres, rouler sur cette immense flaque blanche nous rapelle inévitablement quelques similitudes avec une grande traversée d'un des plus grands lacs gelés du monde, réalisée il y a quelques années : le lac Baïkal en Sibérie.

650 km à pied/ski/pulka/kite avec parfois un assistant de choix : Éole soufflant dans nos voiles !

Une longue itinérance où à quelques dizaines de degrés celsus près, les interrogations furent parfois les mêmes : comment planter une tente dans cette étendue ventée et ne proposant pas le moindre abri, comment l'amarer solidement au sol, quelles réserves de nourriture (ou d'eau ce coup-ci) prévoir pour cette grande traversée, comment adapter nos déplacements et nos directions afin d'avoir le vent pour allié ?

La glace trop glissante, la neige trop collante se transforment ici en sel et parfois même en eau salée qui s'immiscent dans les moindres recoins.

Cette fois, la première douche, une fois la terre ferme rejointe sera destinée... aux vélos !



Tempête sur le Salar #3

Et pourquoi ne pas changer de cap pour se laisser filer vent dans le dos ?

Qui cédera le premier, Eole déchaîné ou le cyclo-rêveur qui croit pouvoir ramer à contre courant ?


Nous voici tels des skippers à deux roues changeant de cap afin de concilier caprices du dieu des courants d'air et petits mollets qui partent en fumée ! La route directe est certes la plus courte mais pas toujours la plus rapide et quand le vent se déchaîne à des dizaines de km/h sur des petits cyclistes au milieu de nulle part, ce n'est rien de le dire !

Lutter vent dans le nez, se faire chahuter vent de côté... très peu pour nous ! Pourtant si l'idée est de tirer un bord pas forcément très favorable pour ensuite profiter d'une poussée extraordinaire dans notre dos, la stratégie mérite d'être étudiée de plus près.


Après quelques minutes de lutte acharnée, il est à présent temps d'ôter les pieds des pédales et de se laisser filer tel des optimistes... sans voile !







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