lundi 4 mars 2024

Voyage sur l'Altiplano....Escal'A2roues#151






Quel voyage !

Une fois encore, nous avons comme l'impression d'ouvrir une petite parenthèse dans ce très grand périple, la sensation d'inventer un nouveau petit voyage dans le grand, d'écrire un nouveau chapitre dans le grand livre illustré "Escal'À 2 roues" : "Voyage sur l'Altiplano"


De nouvelles lignes à écrire, de nouveaux paragraphes à imaginer, de nouveaux mots aux consonances latinos à aligner.

Ce chapitre n'aura duré qu'une poignée de semaines à peine mais, comme toutes les expériences marquantes, cela aura semblé durer une petite éternité. Une balade sur les hauts plateaux Boliviens hors du temps, loin du bruit et à l'écart des foules. Une sorte de pérégrinations itinérantes dans un univers minéral sec et chaud où chaque goutte d'eau est comptée et où chaque molécule d'O2 respirée fait un bien fou !



Le préambule de ce nouveau chapitre commence, tel un lendemain de fête. Dès les premières lignes, on se sent un peu vaseux et accablés d'un furieux mal de crâne venu d'on ne sait où. Ce n'est pourtant pas un excès de bières locales Huari qui est responsable de ce tapage dans nos tempes mais bel et bien une arrivée un peu trop brutale sur les cimes du globe.

Tout est plus laborieux et tout demande davantage d'énergie à 4000 mètres d'altitude, surtout lorsque l'on vient de passer 3 ou 4 mois au niveau de la mer.

Tout prend aussi une autre saveur et toute expérience s'en trouve d'autant plus enrichie.





Dès les premiers instants, on plonge la tête la première dans une carte topographique où la couleur verte et la couleur bleue sont quasiment absentes, laissant place à des tons jaunes, ocres, marrons, orangés et où d'étranges flaques blanches apparaissent ça et là.




En se penchant davantage sur ce bout de papier et à la lecture des quelques mots qui le parsèment, l'esprit part immédiatement en vadrouille.

La seule évocation du noms des lieux suffit à faire rêver : Sajama, Salar de Coipasa, Uyuni, Laguna colorada, San Pedro de Atacama, Licancabur...





Si l'on ouvre un peu plus grands les yeux, quelques chiffres donnent le vertige : 4300, 4905, 5920 mètres...

Pour cette aventure dans d'immenses paysages sauvages où les minuscules petits villages et les cours d'eau se font rares, il nous faudra être un peu plus prévoyants qu'à l'ordinaire : une autonomie en nourriture pour plusieurs jours est absolument de rigueur !






C'est aussi une première pour les vagabonds à deux roues que nous sommes. Ce coup-ci, il faudra quelquefois également porter plusieurs litres d'eau pour être autonomes durant quelques jours.

Voilà qui allourdit considérablement nos chargements : le poids de nos vélos est au moins aussi grand que la curiosité et la soif de découverte qui nous habitent !


À nos bagages, nous devons également ajouter une quantité non négligeable de globules rouges, histoire de vivre au mieux un séjour d'une vingtaine de jours à des altitudes comprises entre 4000 et presque 6000 mètres.




Nous voici embarqués dans une folle traversée du Sur Lipez, région désertique à califourchon entre deux pays. La porte d'entrée de cette aventure se situant à Sajama en Bolivie, celle de sortie à San Pedro de Atacama au Chili, entre les deux, de vastes étendues de pierres et de sel ainsi que la liberté pour seule guide.



Dans ce chapitre, il y a des grains de sable qui se glissent entre les pages, il y a quelques gouttes d'eau salées qui collent les feuilles de papier entre elles. Dans ces paysages désertiques, en guise d'horloge, un soleil féroce qui brûle tout sur son passage. Des jours durant, il grille nos peaux, dessèche nos lèvres, décolore nos vêtement et lorsqu'enfin, le soir venu, il décline, ce dernier nous indique qu'il est temps de lâcher le guidon pour trouver un emplacement de bivouac et de profiter d'un peu de repos mérité. Un coin plat, sans trop de pierres, sans épines, avec potentiellement un peu d'eau pour boire et surtout, surtout, surtout avec de quoi s'abriter de ce vent furieux qui ,chaque fin de journée, se déchaîne autant qu'il le peut.




À la mi- journée, il est courant qu'Éole redouble de puissance et souvent même change de sens. Ultime épreuve du jour alors que, déjà fatigués de pédaler dans du sable ou sur de la tôle ondulée, il faut désormais continuer d'avancer vent dans le nez jusqu'à atteindre un abri providentiel où passer la nuit.

Avec le flapement de la toile de tente pour seule berceuse, nos corps usés ne se font pas prier pour s'endormir.

Le dieu du vent, quant à lui, attendra que l'on dorme bien paisiblement pour lui aussi se décider, enfin, à aller se coucher.




Au petit matin, requinqués par quelques heures de sommeil réparatrices, nous nous remettons en selle avec souvent le prochain point d'eau en ligne de mire.



Tel un clepsydre, le goutte à goutte du filtrage d'eau quotidien rythme nos journées comme seule mesure du temps qui passe. Un liquide parfois légèrement visqueux et salé comme un symbole d'un voyage où le temps s'écoule au ralenti, où l'on prend le temps de vivre.










Rouler sur l'Altiplano, c'est un véritable cocktail de sable qui se glisse partout, de poussière qui vole, de lamas qui traversent devant nos roues, de petits murs de terre sèche qui offrent un peu d'ombre ou un abri contre le vent, de vicuñas qui prennent la fuite à notre vue, de viscachas qui nous observent passer perchées au sommet de leur rocher, de tôle ondulée de compétition qui secoue tous nos os et fait claquer toutes nos dents, de vent qui de notre meilleur allié devient parfois notre pire ennemi, de vastes étendues salées à perte de vue, de sel qui s'immisce partout et fait grincer les mécaniques, de cactus aux mille épines, de volcans pointus comme seuls points de repère à l'horizon, de geysers bouillants, de boues bouillonantes, de bains d'eaux naturellement chaudes, de voûte céleste brillant de milliards d'étoiles, de lacs aux couleurs improbables, de flamands rose qui barbottent et de soleil qui cogne très fort !
















En conclusion de ce nouveau chapitre, de ce voyage dans le voyage, j'écrirai ces lignes...

L'esprit et le coeur sont-ils plus perméables lorsque le corps est mis à rude épreuve ? Ce voyage sur l'Altiplano et cette traversée du Sud Lipez, n'en sont-ils pas la preuve ?



De toutes ces heures à pédaler sur des pistes parfois si peu roulantes, à batailler, à zigzaguer ou à pousser dans du sable, à se faire secouer sur de la tôle ondulée, à appuyer si fort sur les pédales pour ramer à contre vent, à défier ces espaces où l'oxygène se fait rare, de ce soleil brûlant, de ces nuits ventées, froides et inconfortables, de ce climat sec, nous nous sommes enivrés de ces paysages incroyables, de ces déserts de sel surréalistes, nous nous sommes délectés de la plus petite goutte d'eau douce et fraîche, du moindre coin d'ombre où trouver un peu de repos et nous nous sommes enrichis de chaque rencontre.




Bientôt, en guise de souvenir, la rouille envahira nos vélos pendant que les images de cette aventure salée, solaire, sableuse et minérale seront gravées à jamais...






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