mercredi 22 avril 2020

• un jour, une étape, une photo • #4


• un jour, une étape, une photo •

Pour ce 4ème épisode, j'ai laissé la plume à Bruno. Trop enthousiaste à l'idée de vous raconter cette folle journée !


J4 : « La master journée »
Passy-Grenoble en kite !
Alors que le pliage et l’empilage de tout notre bazar touche à sa fin, mon appendice nasal, bien orienté, commence à déceler quelque chose. « Chaussons donc les pompes de ski, c’est l’occaz que tu retrouves des sensations sous voile dis-je ». Sitôt dit, sitôt fait, je vois Lara partir plein nord à donf ! J’opte pour une allure plus largue, histoire de ne pas trop coller le relief qui pourrait nous déventer. C’est bon, un grand bord de largue sur une petite couche de neige !
 
La voile calée bien haut dans la fenêtre, il n’y a pas grand-chose à faire … Si, observer. Pas mal d’activités autour de ce village proche de l’estuaire d’Irkoutsk. Toutes sortes de véhicules circulent au loin : Du traditionnel minibus UAZ, à la basique LADA inoxydable, en passant par l’hydroglisseur pour touristes en manque de décibels, au side-car d’un autre temps (l’homme au guidon, à intervalles réguliers, doit descendre de sa monture pour y refixer je ne sais quoi. Ah si, le side ?!), ou encore une famille entassée dans une, on ne peut plus classique, berline mais avec des bouées sur le toit (on ne sait jamais…), et puis là-bas encore plus au loin, quelque chose qui progresse avec une grande régularité en direction d’une yourte…
Il faut que j’aille voir. Je m’éloigne un peu plus de Lara en la doublant sous le vent. Ça trotte et il y en a deux. Mais comme on avance, grosso modo, dans la même direction, je peine à distinguer. Deux meutes de chiens tirant des traîneaux, ils gazent bien ! J’espère que les toutous ont bien mis leurs petites bottines à clous !!
Les flaques de glace sont maintenant aussi grandes que les flaques de neige…

Mais où est la petite voile orange de Lara ? Je passe un bon moment à scruter l’horizon avant de l’apercevoir, à l’arrêt. Voile au zénith, j’attends, ça lui donnera une direction.
Finalement c’est en skating et la voile sous le bras qu’elle me rejoint. Vent faible,  oreilles de la voile qui se dégonflent sans cesse et une bonne gamelle sur la glace après la perte d’un ski auront raison d’elle pour aujourd’hui ! On profite tous les deux de cette expérience : maintenant, on saura que sur la glace, on doit verrouiller l’avant des fix…
Petit vent et glace devenant de plus en plus présente, on fait le choix de se remettre en mode « una vela per tutti ». La grande Montana de 12m avec ses rallonges de lignes fait le job à merveille jusqu’à ce que le vent forcisse. Grand écart, nous voilà maintenant à deux sous la petite 4m.
Et c’est parti, pour ce qui va devenir LE méga run !
La neige s’amenuise encore, laissant quelques taches ici ou là. La glace dévoilée est d’une beauté incroyable. Fissurée, lézardée, avec de grosses bulles emprisonnées, waouh… Et quelle épaisseur !! Cette glace qui offre très peu de résistance, corrélée au fait que l’on marche maintenant down wind (vent arrière) nous donne une allure plutôt confortable. Le ressentit du vent météo associé au vent relatif est nul. On avance avec la masse d’air, pratiquement à la même vitesse.
Tout en roulant, on enlève le bonnet (sans laisser échapper le casque …), les gros gants sont remplacés par les petits, la doudoune est maintenant entrouverte et on retrousse les manches. Il fait bon ! Un petit snicker attrapé au fond d’une poche, on ne va quand même pas perdre du temps à s’arrêter !!
Des petits « s » succèdent aux grands « S », en passant par l’infini qui explore toute la fenêtre de vol. Je m’essaye aux kiteloop (faire tourner la voile) mais ça donne trop de vitesse, et il faut freiner en chasse-neige ou en chasse-glace pour être exact…
Bref, c’est une découverte de cette nouvelle allure, assez inhabituelle, et qu’on a peu l’occasion de pratiquer sur de longues distances. Les kilomètres défilent et ça c’est bon !
Cette portion du lac est probablement la plus fréquentée. On double quelques groupes de patineurs en jouant sur eux avec l’ombre de notre voile. Ils lèvent un à un la tête sans bien comprendre quel volatile les survole ! Pourquoi pas un petit rase-motte, histoire de pimenter leur besogneuse procession ? Ah, on fait les malins !
Il y a cependant des fois où il convient quand même de sérieusement ralentir : quand il faut trouver le passage ou lorsque qu’il faut cheminer dans ces fameuses crêtes de compression. On imagine qu’à la genèse de la saison, de grandes plaques de glace, de parfois plusieurs kilomètres carrés, sont entrées en collision, aux grés des courants, pour laisser ces chaos, bien souvent, infranchissables. Il nous faut observer et longer ces amas de glaçons dressés sur plusieurs kilomètres avant d’oser s’y aventurer.
Suivant les fois, c’est plus ou moins délicat, dans tous les cas, on ne regrette pas les skis de géant. Voile au zénith, petit chasse-neige, trajectoire des pulkas attelées 10m derrière à anticiper, un petit coup de puissance pour faire franchir tout l’ensemble, coup d’œil en arrière… Des fois, un cri : Lara a quitté le navire, c’était trop chaud !
Entendez par là que j’aurais peut-être du davantage lever le pied ou que mon appréciation des trajectoires ne fut pas optimale ou encore que les pulkas sont parties dans un dérapage orbital !!!
Lorsque le vent et le soleil faiblissent enfin le verdict tombe : 130 km pour aujourd’hui !
L'équivalent de Passy-Grenoble... Yihaaaa !

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