jeudi 23 avril 2020

• un jour, une étape, une photo • #5


J5 : « La journée aux multiples modes de déplacement »
70 km dont 55 en kite

Une journée pleine de rebondissements.

*Tentation : Un petit air léger au réveil associé à la joyeuse expérience vécue la veille, nous incite à sauter dans les chaussures de ski dès le réveil. Il fait plutôt frais et ce matin, pour la première et dernière fois du périple, on opte pour l’utilisation de chaufferettes à glisser dans nos chaussures. On déplie ensuite nos voiles et chaussons nos skis.

*Désillusion : Les voiles ne se décident pas à décoller. Il ne reste plus qu’à tout ranger, à retirer les chaussures de ski et à rechausser les après-ski. Pour marcher sur cette avenue sombre de glace vive bordée de part et d’autre par deux immensités enneigées ce sera plus agréable.

*Improvisation : Bruno préfère les Crocs aux Sorel, c’est vrai que c’est plus « light » ! Le test semble concluant, au jeu des glissades incontrôlées, il gagne. Aussi il récidivera à plusieurs reprises par la suite…
Tirer les pulkas sur ce chemin verglacé est un régal, elles ont beau être assez lourdes (70/80kg ?), elles nous suivent sans que nous ayons tellement d’efforts à fournir. En revanche, pour marcher sans crampons, nous sommes bien plus à l’aise sur la fine pellicule de neige sur les bas- côtés.
Je repense alors à ces longues heures de vélo, chez moi, le long du canal du midi. J’imagine le temps d’avant… avant les pistes cyclables, avant les bateaux à moteur et avant les vacanciers. Je pense à ces chemins bordant le canal. Une idée ?
C’est ainsi que nous adoptons la technique du « hallage », imaginant que nos pulkas sont deux péniches amarrées côte à côte voguant sur les eaux du Baïkal et nous, dans le rôle des pauvres chevaux, nous marchons sur l’une et l’autre berge de ce fleuve glacé. La technique est concluante et quelques kilomètres sont avalés de la sorte.

*Illusion : Un brin d’air ? On passe illico en mode kiteur. On sort une voile pour deux mais c’est décidément bien trop faible pour espérer pouvoir avancer ensemble, plus les pulkas, sous une seule voile. Que reste-t-il à faire ? Remballer notre panoplie de voyageur éolien à nouveau ?

*Consolation : Bruno s’amuse un moment seul sous sa voile pendant que je permets aux deux pulkas de gagner un peu de terrain en les tirant en skatting. On avance à la même vitesse ou presque.

*Adaptation : Le brin d’air grossit un peu et nous partons chacun sous notre voile, 4m pour moi, 12m pour Bruno et les pulkas.
Grand largue au programme ! Ce n’est pas un run de ouf mais c’est toujours ça de gagné…

*Déception : Le vent tombe encore une fois et on redevient, à nouveau, des marcheurs des glaces. Le temps passe. La moitié de la journée s’est déjà écoulée et nous avons à peine parcouru une quinzaine de kilomètres.

*Innovation : Se faire doubler au loin par des patineurs, ça agace et ça donne quelques idées : Nous aussi on veut patiner !!!
Nos patins mesurent 1m85 de long et nos bâtons ne mordent pas tellement dans la glace mais après tout, pourquoi pas ? On finit même par tirer ensemble les pulkas en patinant, c’est un peu folklo mais ça fonctionne !

*Retournement de situation : Vers 16h, alors que cette journée est aussi laborieuse à raconter ici qu’à vivre là -bas, tout s’arrange soudain !
Tout bon kiteur vous le dira : il est fréquent qu’aux caps, le vent s’accélère et cette fois ça ne fera pas exception à la règle. Le compteur prend un sacré coup d’accélérateur : 55km en 1h30 !

Un cap, deux caps, trois caps… Cap ou pas cap d’aller jusqu’à celui-là, tout là- bas ?? Chaque rafale nous propulse à grande vitesse vers le nord. On tente de ralentir, quelle aberration !!
Les pulkas font des vols planés à chaque cassure, elles tapent dans tous les sens contre les blocs de glace qui parsèment notre trajectoire alors que j’essaie tant bien que mal de les guider, sans subir le même sort qu’elles. Lorsque je sens que je vais me faire, à mon tour, satelliser, je lâche l’affaire en laissant échapper la cordelette qui me relie à cette machine infernale !
Les kilomètres défilent, les pulkas perdent des plumes dans cette bataille et nos jambes brûlent. Vers 17h30, nous n’arrivons plus à mettre un pied devant l’autre tant nous avons mal aux genoux, pourtant le vent souffle toujours. C’est un comble mais on décide de s’arrêter pour poser le bivouac sur un petit îlot neigeux, au beau milieu d’une immense mer de glace.

Ce soir, dans mon petit carnet, j’écrirai :
« J5 : une journée pas gagnée d’avance ! Verdict 70km ! Bien ! … Mais encore mieux que ça : là-bas au loin, ce bout de terre c’est l’île d’Olkhon !!! »

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