mercredi 7 août 2024

Cariocas#3 (suite et fin)!Escal'A2roues#192



[Une course contre la montre dans les rues de Rio by night : suite et fin...]


Alors que la gare routière n'est plus qu'à quelques encablures et que tous ces souvenirs se mêlent et s'entremêlent sur des airs de samba dans ma tête, j'ai finalement un sentiment étrange. Il faudrait des années pour découvrir chaque recoin d'une si grande ville.


Pourtant ce soir, alors que l'on s'apprête à quitter Rio, on s'y sentirait presque un peu comme chez nous. Nous avons passé quasiment un mois ici. Un mois dans une vie nomade, c'est presque une parenthèse sédentaire. Les noms des différents quartiers de cette ville résonnent en nous. Nous y avons fait de vraies rencontres et partagé du très bon temps avec certains de ses habitants, nous avons escaladé les principales parois, gravis les sommets les plus célèbres.

Nous avons marché dans les ruelles raides des favelas, nous avons écouté de la samba le lundi soir, nous avons marché sur l'immense plage de Copacabana, nous avons vu le jour décliner depuis le sommet du Corcovado et vu le soleil se coucher sur le Pain de Sucre : Ce soir, on se sentirait presque un peu Cariocas !


Et en même temps, je ne peux m'empêcher de repenser à ce premier soir... C'était un mois plus tôt, il faisait nuit et nous venions de passer plus de cinquante heures dans un bus quand nous débarquâmes dans cette même gare routière. Cinquante quatre heures et un bond de presque 3000 kilomètres : Buenos Aires - Rio de Janeiro.




D'un environnement familier à l'inconnu le plus total.Non seulement nous débarquions dans un nouveau pays, nous allions rencontrer une nouvelle culture et entendre une nouvelle langue mais nous nous trouvions également catapultés, fatigués, en plein centre du pays, dans une très grande ville et en pleine nuit.


Rio.

Trois lettres qui représentaient à elles seules un grand nombre d'inconnus, une consonne et deux voyelles qui actaient notre entrée au Brésil, un nom exotique qui attisait notre curiosité. Aurait-on imaginé voyager ici, une fois dans notre vie ? Aurait-on cru qu'on pédalerait un jour à Rio de Janeiro, dans ces petites rues sombres, sales et animées ou sur ces grandes avenues éclairées et désertes ?

Les diverses prises de contacts et d'infos auprès des amis brésiliens d'amis français ou argentins, auprès de connaissances de connaissances éloignées, les multiples messages échangés durant ce long trajet en bus qui avait précédé notre arrivée au Brésil n'avaient été que mise en garde et sources d'inquiétudes. Certains se voulaient toutefois nuancés: disant que Rio était une ville belle, sympa mais très dangereuse, où que le Brésil était un pays pauvre, dur mais attachant, quand d'autres étaient définitivement alarmistes sans n'apporter d'ailleurs aucune aide et aucune réponse aux questions posées !

La psychose ne me semblait parfois pas loin... À quoi bon vouloir tant nous effrayer puisque de toutes façons, nous étions déjà là, nous et nos vélos et que nous n'étions pas prêts à changer radicalement nos manières de voyager ni d'appréhender le monde et les humains.

Il faudrait néanmoins, et c'est le cas à chaque nouvelle frontière, observer, comprendre et s'adapter à ce nouveau rythme et façon de vivre. Combien de fois depuis notre départ, avions-nous déjà entendu dire que tel endroit était dangereux, qu'il ne fallait pas se déplacer à vélo dans tel autre, qu'il valait mieux éviter de sortir la nuit ici ou ne pas se balader seul là bas ?

Autant de craintes qui se sont le plus souvent révélées relativement infondées ou exagérées. Plus qu'une insécurité avérée, il s'agissait la plupart du temps d'une histoire de chance ou plutôt de malchance, d'une mauvaise rencontre comme cela peut se produire un peu partout dans le monde. Mais ce coup-ci, tout les discours semblaient unanimes et des mots un peu inquiétants parvenait à nos oreilles sans que l'on puisse réellement les filtrer : vol, braquage à main armée, viol, agression, flingue, disparition... Nous n'avions encore rien vu, rien perçu et déjà on était prêt à imaginer le pire !

De ces échanges, on finit par conclure que le bivouac urbain n'était peut-être pas l'idée la plus judicieuse. On se mit alors en quête, pour cette première soirée, de quatre murs où passer la nuit et d'un lieu sûr pour déposer nos affaires le temps où nous irions grimper. Les hasards des algorithmes d'Instagram, la solidarité des grimpeurs et de compatriotes français feront le job à merveille. Durant un mois, nous serons hébergés et accueillis ici et là comme prince et princesse !

Pour la première et unique fois du voyage, nous décidions pour ce premier trajet vers le centre ville, de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier : c'est à dire appareil photo, passeport, argent, téléphone, go pro, cartes SD et clé USB dans la même sacoche de guidon. Je me rappelle m'être sentie quand même un peu ridicule de répartir nos uniques biens de valeurs dans les différentes sacoches d'un seul et même vélo. Cétait un peu comme ne pas avoir bien compris que si nous devions tomber nez à nez avec un gros voleur armé d'un pistolet, ce ne serait certainement pas un débutant !

Ce soir, un mois plus tard, lors de ce même trajet en sens inverse, tous nos œufs se trouvent à nouveau dans le même panier. Comme un signe, nos plus précieux objets se trouvent à nouveau réunis dans la même sacoche : la plus accessible et la plus simple à ouvrir. Ce soir, on ne parle toujours pas la même langue que les gens autour de nous, pourtant on parvient à communiquer avec eux. Nous ne sommes pas inquiets, nous connaissons ces lieux, nous avons confiance en l'humain et nous sommes prêts à suivre et à écouter encore un peu notre instinct.

Ce soir, nous connaissons un petit peu mieux Rio mais il nous reste tout le Brésil à découvrir ! Et on a hâte !


Comme une ironie du sort et en guise de conclusion...

Minuit, après ce semi-marathon à deux roues, nous voici arrivés en temps et en heure à la "rodoviaria", la gare routière. Sur le quai d'embarquement, le bus est déjà là, pourtant en quelques secondes, on comprend que les vélos ne sont pas les bienvenus à bord de ce bus de nuit à étage et à petites soutes, on comprend assez vite qu'il n'y a pas vraiment de négociation possible et on en déduit enfin qu'on va se retrouver, d'ici peu, comme deux couillons avec nos billets périmés à la main sur le quai en regardant le bus s'éloigner. Notre compréhension s'avéra plutôt exacte et c'est à peu près comme ça que la scène se déroula !

"Coucou, c'est encore nous !"

C'est ainsi qu'à minuit et demi, nous informions nos hôtes que nous reprenions le chemin en sens inverse et que nous serions Cariocas pour une nuit encore !

Le ciel de Rio se mit à pleurer et la pluie ne fit que s'intensifier durant plus de 24 h. Nous n'avions pas vu une goutte d'eau ici, jusque là.

A 2 h du matin passé, nous étions comme deux chats de gouttières mouillés. La porte était encore ouverte, le lit était fait, une douche chaude, des vêtements de rechange nous attendaient et le lendemain matin une nouvelle journée à Rio commençait avec en guise de petit déj, une grosse pile de crêpes !


Merci à Anita, Lise, Aurélien, Tilly, Elliot, Marcio, Sida, Wally, Silvio, Leo, Mel, Guillaume, Judith, Augustin, Anne et David d'avoir fait de nous de petits Cariocas de cœur !

[Fin]



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