mercredi 7 août 2024

Partir français, revenir humain...!Escal'A2roues#189




Partir français, revenir humain..

Poussez la porte de chez vous et vous deviendrez en quelques instants à peine cette mystérieuse personne que l'on nomme "l'Étranger".

L'étranger, c'est le monsieur du quartier d'à côté, c'est la dame du village voisin ou celui qui vit à l'extrémité opposée du même petit pays. Bref, celui qui vient d'ailleurs. Et puis si vous poussez un peu plus loin votre vagabondage vous deviendrez alors l'étrange habitant d'un pays lointain et inconnu.

Vous aurez alors beau avoir une très large base commune avec vos congénères : deux pieds pour parcourir le monde, un nez pour respirer le parfum des fleurs et une bouche pour sourire et pourtant..

Ce n'est pas au fait que vous ayez des mains pour gesticuler quand vous ne parlez pas la même langue que vos interlocuteurs ni au fait que votre cœur batte au même rythme, ni à vos deux grands yeux curieux de découvrir le monde que l'on s'attachera. On cherchera plutôt ce qui, chez vous, est différent. On notera que votre peau est plus claire ou plus foncée, on dira de vos cheveux, qu'ils sont plus lisses, plus clairs, plus crépus et plus sombres, on parlera de vos yeux, de leurs couleurs et de leurs formes, on dira de votre taille et votre corpulence qu'elle est plus ceci ou moins cela. On fera des hypothèses sur le fait que vous croyez en un dieu plutôt qu'en un autre, sans jamais imaginer que vous ne pouvez croire simplement et c'est déjà beaucoup en l'humanité.

De votre bouche et des sons qui en sortiront, on entendra cet enchainement de tonalités bizarres et quand bien même vous parlerez le même dialecte, on captera dans le flots de vos mots, une sonorité ou une expression quelque peu exotique. Vous serez alors démasqué !

Nous sommes tous l'étranger de quelqu'un.

Depuis la nuit des temps, l'homme a toujours chercher à circuler, par nécessité ou par envie : à la recherche de nourriture, d'un climat et d'un environnement plus propice à la vie, pour fuir des oppressions et des violences, des catastrophes naturelles ou simplement pour partir explorer le monde.

Aussi, nous sommes tous issus de migrations en tous genres et en tous sens.

Il y a plus de deux ans, nous avons pousser cette porte. Nous sommes allés voir ce qu'il y avait derrière cette forêt, après cette mer ou de l'autre côté de cette montagne. Nous avons traversé un bout de la planète et en chemin, nous avons rencontrés des milliards d'humains et nous sommes ainsi devenus "leurs" étrangers.

Nous avons été ces gens qui viennent d'ailleurs, ces visages aux traits différents, cet homme et cette femme aux peaux tantôt plus pâles tantôt plus bronzées que la moyenne, parfois trop peu vêtus, qui s'expriment dans un dialecte toujours incompréhensible, aux mœurs différentes et aux goûts culinaires étranges.

Partout dans le monde, des hommes, des femmes et des enfants curieux ont fait un pas vers nous, sont venus à notre rencontre, ont cherché à communiquer, nous ont proposé de l'aide alors même que nous avions l'impression de ne manquer de rien. Partout, on nous a offert un verre d'eau quand nous étions assoiffés, tendu un bout de pain quand nous étions affamés, proposé une boisson chaude quand nous étions gelés. Partout, une porte s'est ouverte quand nous étions perdus, fatigués, cabossés ou vulnérables à la merci des éléments. Partout, nous avons été touchés par la curiosité, l'ouverture d'esprit, la gentillesse, la bienveillance, l'hospitalité et la solidarité.

Pourtant... partout dans le monde, nous avons aussi croisé ces yeux fatigués, ces visages marqués, ces corps usés, ces travailleurs étrangers et cette main d'œuvre immigrée se tuant à la tâche.

De ces maçons turcs travaillant sous un soleil de plombs, à ces remorques surchargées rentrant des champs pleines de réfugiés syriens, en passant par ces ouvriers indiens des castes les plus basses véritables esclaves des temps modernes, ces thaïs ramassant à quatre pattes des salades japonaises ou encore ces mineurs boliviens... Pourquoi est-ce que c'est toujours à la main d'œuvre étrangère qu'on laisse les tâches aussi ingrates que mal rémunérées ?

Partout dans le monde, on nous a questionné sur nos vies, sur nos familles, sur notre pays.

Souvent, les gens évoquaient la France avec des étoiles dans les yeux, on nous a parlé de la révolution et du pays des droits de l'homme.

Si seulement ils savaient...

S'ils savaient qu'aux pays des lumières, les plombs ont sauté.

S'ils savaient que partout en France, un dimanche matin, des hommes et des femmes se sont levés, ont petit-déjeuné et sont allés se perdre dans l'isoloir.

S'ils savaient que partout dans le pays, des français•es se sont déplacé•es pour glisser dans une toute petite enveloppe une très grande mise en péril de nos libertés, de notre démocratie et de quelques uns de nos droits fondamentaux.

S'ils savaient que partout en France, ces bouts de papier dans ces urnes véhiculent un appel à la haine de l'étranger, au rejet de la différence, à l'inégalité, au nationalisme, à l'homophobie et au racisme.

S'ils savaient que des scores records furent même enregistrés dans de petits villages où les habitants n'ont jamais vu un migrant et où il n'y a clairement aucune problématique d'insécurité.

S'ils savaient que partout en France, certains trouvent plus judicieux de rendre la police plus forte que l'école plus juste.

S'ils savaient que le discours des médias et que le cheval de bataille des politiques sont de cultiver et faire grandir la peur de l'autre.

S'ils savaient que partout en France, le paysage politique s'assombrit, ils trouveraient notre pays beaucoup moins radieux.

À l'heure où partout sur la planète, le niveau des océans s'élève, où les montagnes s'écroulent et où les forêts brûlent,

À l'heure des inondations dévastatrices et des catastrophes naturelles inédites,

À l'heure où les températures grimpent et où des zones entières s'assèchent rendant la vie humaine impossible,

À l'heure où l'on estime que dans les dix prochaines années, environ un tiers de la population mondiale, sera contrainte de changer de lieu de vie à cause du changement climatique,

A l'heure où la surface sur le globe des zones propices à la vie humaine rétrécie et où le maître-mot devrait être entraide entre les hommes.

A l'heure où de grandes migrations climatiques sont sur le point de se mettre en marche, la solidarité entre les peuples ne devraient-elle pas être plus forte que jamais ?

À l'heure où dans les zones privilégiées l'on devrait être prêts, à accueillir, à aider et à soigner, à ouvrir nos portes, nos bras, nos cœur, on choisit de les fermer.

À l'heure où nos poubelles de supermarchés débordent chaque jour de nourriture gaspillée, on craint que l'étranger nous vole notre pain quotidien.

À l'heure où la vraie menace de l'extrême droite n'a jamais éte aussi forte, on diabolise ceux et celles qui prônent un partage plus équitable des richesses.

À l'heure où des innocents abandonnent leur maison, leur famille, s'échappent de leur pays, fuient des guerres, des oppressions ou des violences, quand il fuient un régime totalitaire, peut-on continuer à croire qu'ils viennent chez nous pour faire du tourisme, profiter du système, piquer le boulot des français ou brûler nos bagnoles ?

Et puis...si on inversait les rôles ? Si les habitants d'un pays dirigé par l'extrême droite, par un régime totalitaire, c'était nous ?

En regardant, cette sombre carte de France depuis le bout du monde, je n'ai pas le mal du pays mais j'ai mal pour notre pays.

Nous sommes capables du meilleur mais là, nous sommes en train de frôler le pire.

Alors réveillons-nous, indignons-nous et souvenons-nous... Nous sommes TOUS l'étranger de quelqu'un.



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