mardi 27 août 2024

Troc...!Escal'A2roues#199




Combiner grimpe et vélo, ça veut dire s'y mettre, arrêter et reprendre sans cesse l'une et l'autre de ces activités. Ça veut dire avoir les jambes qui pèsent lourd et un tour de bras beaucoup trop petit, c'est passer sans transition des tongs aux minis chaussons. Mais associer vélo et grimpe, c'est aussi faire des rencontres et recevoir un accueil que l'on n'aurait pas eu la chance de rencontrer si on arrivait sur les spots d'escalade avec un moyen motorisé. C'est éveiller la solidarité des grimpeurs pour les cyclistes. Et quand on ajoute quelques feuilles de papier et une palette d'aquarelle, la générosité peut alors s'activer également en sens inverse !

A l'abrigo de montanha de Itatim, avec Marcelo, on a imaginé un échange de bons procédés :

Troc de topos illustrés contre un bout de jardin pour camper, douches chaudes et cuisine équipée d'un frigo et même d'un four ! (Le luxe !!)

Marcelo et le topo de l'une des voies qu'il a ouverte ici à Itatim.

Un jour, au retour d'une journée de grimpe, Marcelo revient du village avec 5 belles feuilles de papier blanc épais format A4. Depuis combien de temps n'ai-je pas dessiné sur du si beau papier ?

Ce soir là (ça tombe bien, c'est l'hiver et il fait nuit à 17h30 !), je la passerai donc à dessiner à la lueur de la frontale et exceptionnellement confortablement installée sur une table.

Une à une les feuilles se remplissent, cinq parois, cinq voies et un point commun : leur ouvreur Marcelo.

Un dessin de la paroi et la ligne qui la parcourt, le topo détaillé des longueurs, une police d'écriture différente sur chaque feuille (ma partie préférée !) et un cactus ou deux par ci par là.





Deux jours plus tard, c'est mission accomplie, les cinq topos sont terminés, offert à Marcelo et il est temps pour nous de reprendre la route !



samedi 24 août 2024

"inselbergs" et de "taffonis" géants....!Escal'A2roues#198




"Inselberg" : nom masculin. Butte isolée au milieu d'une plaine d'érosion. Synonyme : pédiment

"Taffoni" : nom masculin. Cavité arrondie creusée par corrosion dans les roches grenues (granites, grès) en milieu sec.

Le décor géologique est posé, bienvenue dans l'état de Bahia !

Imaginez une plaine d'herbes sèches et jaunes, des cactus immenses décorés de quelques fruits roses bonbon, quelques buissons verts pétard par ci, par là. Un soleil qui cogne fort et quelques nuages gris qui, à intervalles réguliers, déversent une poignée de gouttes sur le paysage.

Et puis, il y a ces collines rocheuses incroyables, ces montagnes-îles semblant émerger de nulle part dans ce paysage tout plat.

Et puis, il y a ces parois orangées, jaunes, grises et parfois presque noires, parsemées ça et là de végétation exotique et piquante.

Et puis, il y a ces cavités improbables perchées tout là haut en pleine falaise.

Qui n'a pas rêvé d'aller se pendre par les bras dans l'un de ces immenses porches, de remonter en grimpant l'une de ces grandes arches sur son fil ou simplement de suspendre son hamac pour une nuit insolite au creux des ces grottes suspendues ?


Parmi ces étonnantes formations rocheuses, il y a la star du coin : le Morro da Toca et ses deux incroyables arches.Il y a quelques mois, nous découvrions surpris cette montagne sur l'une des photos d'un post de nos amis cyclo-grimpeurs basques Kattalin et Iñigo. Nnous étions à ce moment là à l'autre bout de la planète, au Japon ou peut-être en Australie, autant dire assez loin du Brésil. Nos yeux eurent du mal à y croire et il n'en fallut pas plus pour y allumer une étincelle de curiosité. Je ne sais plus exactement lequel de nous deux s'exclama alors :

"Prends ta bicyclette, accroche tes sacoches, on y va !"

Des mois, voir peut-être même une année plus tard... nous y voilà ! Cette étrange colline de roche et ces deux grottes existaient donc vraiment et nous nous trouvions à son pied. Une esthétique ligne permet même de remonter l'intégralité du bord gauche de la grande arche en escalade : "Arco da Toca", 7a, 180m

Entre rocher orangé sculpté et petites plantes grasses parfois piquantes, "Arco da Toca" est une excellente manière de rejoindre ce sommet atypique. Sans aucun doute, une candidate de plus à la nouvelle édition du grand livre "Parois de légende" !













Dans la famille des "inselbergs", je demande le "Morro do Enxadao" ! Voyez-vous deux lignes plus claires au centre de cette paroi ?


Celle de droite est bien plus visible : c'est "Jardineiro". Une belle voie sur un rocher sculpté mais qui aurait pu ne jamais avoir été découverte car envahie de milliards de petites plantes.À la manière de la Fiesta de los biceps à Riglos qui est visible de très loin sur la gauche de la Visera par les traces de magnésie sur le rocher orangé. Ici on doit cette traînée claire à un sacré boulot fait par les ouvreurs qui ont défriché une tranchée de bas en haut de la paroi, mètre après mètre, découvrant ainsi, prise après prise, une ligne superbe. "Jardineiro" porte ainsi bien son nom !




Sur le Morro do Enxadao, nous avons opté pour la ligne de gauche répondant au petit nom de "Virgulino".

"Virgulino", c'est une des voies les plus longues du secteur avec ses 290 mètres de haut et des cotations qui oscillent entre le 6c et le 7b brésilien, mais "Virgulino", c'est aussi l'histoire d'un célèbre bandit...Pour nous, ce sera hold-up entre les gouttes !


Ici à Itatim, il ne faut pas avoir peur d'apercevoir un grand ciel noir et menaçant au dessus de sa tête, il ne faut pas avoir peur de sentir ce vent fameux qui précède de quelques secondes à peine l'averse alors qu'on est perché à 200 mètres du sol et il ne faut pas avoir peur d'attendre, résignés, que cesse la pluie, accrochés à un relais en prenant, l'air de rien, plein d'eau sur le coin de la figure. Puis enfin, il ne faut pas avoir peur d'attendre patiemment que le caillou sèche avant la saucée suivante...

Ici, une journée est une alternance de grand ciel bleu et de gros nuages noirs... et ça va très très vite !


Alors quand les premières gouttes se pointent en pleine longueur, c'est une vraie course contre la montre qui s'engage pour rejoindre le relais suivant avant le déluge. C'est à peu près ce qui s'est produit alors que je grimpais le tout dernier 7b de cette belle voie. Pas de doute, ces conditions aident à mettre le turbo !

De toutes façons, avec de si longues longueurs et une si courte corde, la sortie, c'est par le haut ! Là- haut même, où après ces quelques efforts et ce petit jeu de cache-cache avec cette coquine de pluie, un sacré comité d'accueil vous attend ailes ouvertes et dard en avant : un milliard de moustiques.

Partout dans le monde, les moustiques ça rend "dingue"... mais ici, c'est à la fois vrai au sens propre comme au figuré !(Il ne s'agirait pas de devoir rester cloués au lit des jours et des jours avec une grosse fièvre sur nos matelas tout dégonflés !)

En ces circonstances, je crois bien que même "Virgulino", le grand bandit brésilien aurait fuis comme une poule mouillée !




mercredi 21 août 2024

"Fech-fech" & toilette à la française...!Escal'A2roues#198





Nous avons l'honneur de vous anoncer dans cet article que la palme d'or du "fech-fech" est attribuée... aux pistes brésiliennes avec une mention spéciale pour celles qui traversent la région du Minas Gerais !

Le "fech-fech", c'est cette poussière extrêmement fine et extrêmement volatile, qui se glisse partout, qui colore végétation et peaux et dans laquelle on patine comme dans de la neige !Nous nous sommes offert une belle mission en évoluant durant 5 jours dans ce décor torride, coloré et poussiéreux ! Autant dire qu'on s'endormait chaque soir dans la tente, salés comme des morues, collants comme des pots de miel et sales comme des petits cochons !



Ces jours-là, nous avons donc élaboré un tout nouveau concept pas du tout approuvé : "Le bain quotidien"

Alors  nous en avons plein les pattes de ces pistes défoncées, de ce fameux fech-fech qui nous couvre de la tête aux pieds, de ce soleil qui nous fait dégouliner, de pousser nos vélos et parfois même de devoir s'y mettre à deux dans ces montées beaucoup trop raides...


... Après bon nombre de mauvaises nuits, tout pégueux sur nos tapis de sol toujours plus mous et une tente remplie de milliers de minuscules tiques (si si ), souvent sur un talus ou dans un fossé à un mètre du chemin (car ici absolument tout l'espace est clôturé) ; tout cela agrémenté d'un réveil nocturne des flics ou d'un réveil matinal du proprio...

Nous avons décidé plusieurs jours de suite de nous offrir une petite pause, à la mi-journée, au bord de l'eau.

Je vous passe les détails du pic nique parce que ce n'est pas folichon. Dans cette cambrousse les épiceries sont toutes vides !

Bon... parfois il est déjà 15 h passés quand on trouve le spot idyllique ! Sachant qu'à 17 h 30, il fait nuit noire et qu'à 18 h 30, on dort presque déjà !


Bref... c'est pas commun pour nous mais en se retrouvant tout marron de terre devant des flaques d'eau froide, on a eu une idée : se laver ! Nous nous sommes dit qu'exceptionnellement, ce serait peut-être chouette de se rincer. C'est ce que nous avons fait plusieurs jours de suite, en remettant évidemment nos vêtements dégueulasses une demie seconde après. Puis nous reprenions ensuite nos vélos et notre route.

Et chaque fois, ce fut la même chose, deux minutes plus tard, nous étions à nouveau dans le même état : couverts de poussière des pieds à la tête et de la tête aux pieds ! Il aura fallu attendre une dizaine de jours pour rencontrer la première vraie douche et quitter ces pistes ultra poussiéreuses puis plus d'un mois de plus pour notre prochaine vraie lessive ! Je crois que je me suis rarement sentie aussi sale... pourtant on peut dire que depuis le temps on a souvent poussé le bouchon un peu loin en terme d'hygiène !



Ce qui est drôle, c'est qu'ici au Brésil, allez savoir pourquoi... les français (et pas seulement les cyclistes !!) ont depuis des siècles, la fameuse et tenace réputation d'être des gens sales qui ne se lavent jamais ! On est mal barré pour faire mentir ce préjugé...

Vu dans un appartement à Rio !

mardi 20 août 2024

Expé à Tres Picos...!Escal'A2roues#197



I. L'approche

Entre Teresópolis et Tres Picos, il y a une route qui fait peur. Une voie étroite et des camions qui vous frôlent, des hautes herbes qui empiètent sur la route et pas mal de trafic. Bref, rien de bon pour un cycliste.

On a donc opté pour le chemin des écoliers : des pistes de terre qui montent et descendent sans cesse suivies d'un sentier si raide qu'il a fallu décharger les vélos, les pousser à vide et faire quelques portages de sorte que la scène se mit à ressemblait davantage à une randonnée à pied ou plus exactement à un déménagement écolo sans moyen motorisé qu'à une simple balade à vélo. Après pas mal de dénivelés avalés et quelques litres de sueur perdus, les belles parois se multiplièrent au-dessus de nos têtes !

Nous étions arrivés à destination !


Salinas est LE spot brésilien historique, un nom connu des grimpeurs de tout le continent sud américain. Et pour passer les frontières d'un si grand pays, c'est que l'intérêt grimpestre est tout aussi grand.

Le Pico Maior mérite à lui seul le détour : une paroi haute de sept cents et quelques mètres, ce n'est pas tous les jours qu'un tel morceau se présente !


II. Au pied du mur...

Ce qui est "drôle", c'est qu'à chaque fois que l'on a dit aux grimpeurs de Rio que l'on envisageait d'aller grimper à Tres Picos, ils nous disaient, tous sans exception, la même chose : "Tres Picos, c'est magnifique mais ce n'est pas comme ici. Là-bas, les points sont très loin !" Quelle bonne nouvelle !

Et comme à Rio, ce n'était déjà pas toujours les vacances, on avait bien compris que cela ne le deviendrait pas plus à Tres Picos !!

Lorsqu'après quelques jours de vélo en mode VTT version randonnée à pied accompagnés de deux vélos, au détour d'un joli col, le Pico Maior est apparu, nous étions d'autant plus impressionnés.

Nous étions au sens propre comme au figuré, au pied du mur. Il ne restait plus qu'à poser les vélos, cacher les sacoches, sortir le matériel de grimpe et prendre notre courage à quatre mains pour nous lancer dans cette immense face !


III. Une baguette magique nommée "perfo"

En bons petits frenchies, nous optons pour LA voie Française de la paroi. Une voie "très équipée" du point de vue de Sergio Tartari, principal grimpeur et équipeur local, "plutôt engagée" selon Arnaud Petit et "Parois de légende". Il était tentant d'aller voir ça de plus près !

"Décadence avec élégance", c'est 680 mètres de grimpe, des cotations autour du 7a+ max, des dalles et du mur vertical pour accéder au sommet du Pico Maior. Cette ligne ouverte par une bande de français, Manu Ratouis, Bruno Martel et Jean Claude Razel en 1998, a aussi la particularité d'avoir amené à Tres Picos, un élément nouveau : le perfo. Le perfo dans le domaine de l'équipement en escalade, c'est un peu comme le mariage : "pour le meilleur et pour le pire".


Jusque là, ici au Brésil, c'est au tamponnoir qu'on perçait le trou pour placer un "grampo", le gros piton à compression local. Un rocher dur, un effort fatiguant dans des positions probablement souvent inconfortables ! Autant dire qu'il devait souvent être plus judicieux de poursuivre sa fuite vers le haut que de faire du surplace et s'exténuer à donner de grands coups de marteau !

Alors les p'tits français et leur outil magique allaient-ils révolutionner la grimpe brésilienne ?

Le son du marteau sur le tamponnoir allait-il être désormais remplacé par des bruits de perceuse ? L'éthique allait-elle prendre un nouveau visage ? La grimpe allait-elle changer radicalement de caractère ?

Force est de constater, après plus d'un mois de grimpe et de vagabondages verticaux au Brésil, que nous sommes la majeure partie du temps, bien loin des standards européens en terme d'engagement. Alors oui, "Décadence avec élégance" est un poil plus équipée que la moyenne et ce sont des spits et goujons que l'on clippe et pas de simples pitons à compression mais que les puristes se rassurent également : l'espacement des points dissuadent quand même grandement le grimpeur d'une éventuelle chute, et puis les plaquettes ont vraiment, depuis tout ce temps, bien rouillées !!


IV. De l'océan granitique à l'océan végétal...

S'il y a bien UN avantage à ces foutues parois dalleuses, c'est qu'on peut enchaîner les rappels sans craindre de coincer la corde ! En même temps, ça tombe plutôt bien parce que, déjà que quand il y a quelques points, ça fout bien la trouille. Alors s''il fallait regrimper dans ces dalles lisses en suivant la ligne de rappels sans aucune protection à l'horizon, moi, je meurs littéralement sur place !

Bref, on descend en toute tranquillité ou presque !

Seule ombre au décor et pas des moindres.. ici, parfois la coutume est de faire relais sur un seul et unique point,  donc sur un pauvre "grampo". Ce piton à compression local à la tige pas bien longue et entrée en force dans le rocher, rien de plus ! Pas de colle, pas de système d'expansion mais des générations et des générations de grimpeurs brésiliens qui ont testé leurs résistances pour nous !


Les approches brésiliennes ou l'art du bartassage illustrés dans une petite vidéo ci-dessous...

(Rien d'exceptionnel dans ces images, nous ne sommes ni perdus, ni en train d'ouvrir un nouvel itinéraire mais juste en train de tenter de suivre un véritable sentier de grimpeur !)

Les brésiliens, ce sont des as en dalles, en cheminées mais ils ne sont pas les rois de la machette !


jeudi 15 août 2024

Une balade sur le doigt de dieu...! Escal'A2roues#195

La Serra dos Órgãos est un massif montagneux situé à une centaine de kilomètres à l'Ouest de Rio, autant dire que c'est ici que les Cariocas viennent se mettre au frais "en altitude" quand il fait trop chaud en ville. Nous en avons donc fait de même !

Le massif compte un bon nombre de parois, parmi celles ci, une aiguille élancée visible à des kilomètres : le Dedo de Deus.


Le Doigt de dieu c'est la classique des classiques, l'escalade à faire dans le Parc de la Serra dos Órgãos. Ces voies populaires brésiliennes sont toujours bourrées de surprises : un passage en 3 qui dépote, un câble sur lequel tirer en plein milieu de la voie, une échelle métallique accrochée au rocher ou encore une cheminée effrayante où tu risques de mourir si tu zippes alors que tu ne fais que répéter la voie la plus fréquentée du coin !

Nous embarquons Lise dans l'aventure et tout commence par une approche raide en suivant un sentier droit dans la pente comme seuls les randonneurs brésiliens en détiennent le secret... ça continue par une via ferrata version "câble dans une dalle et sans barreau pour s'agripper". Autant dire que les bras chauffent illico et que la gomme des baskets est parfois limite au niveau adhérence. On continue ensuite en mode "terrain varié", alternance de marche et de grimpe jusqu'à rejoindre le pied de la voie et le début des difficultés. Cela fait plus de 2 h que nous sommes partis quand on commence vraiment à grimper.

La suite est une succession de passages variés avec, évidement, une prédominance de cheminées. Ce coup-ci, ça déroule plutôt pas mal et cela ressemble à une vraie journée de vacances. Une échelle métallique permet d'accéder au sommet où se trouve un carnet pour un p'tit dessin !


En quelques rappels, nous retrouvons un astucieux cheminement de descente : marche, désescalade et câbles, c'est parti pour 2 h supplémentaires !

Quelques photos de cette chouette journée dans cette méga classique !